Transcription - Episode 3

Transcription

Enzo Piponnier - Déterminer et mesurer sa fatigue pour augmenter ses performances : la fatigue neuromusculaire - #3

Caroline : Enzo, enchantée.

Enzo : Enchanté.

Caroline : Trop chouette, merci beaucoup. Tu es avec moi aujourd’hui pour parler de fatigue neuromusculaire.

Enzo : Oui.

Caroline : En gros. Et j’aimerais qu’on commence déjà par parler de la fatigue, peut-être de manière vraiment générale, pour définir un petit peu ce que c’est, pour ensuite entrer dans la fatigue neuromusculaire à proprement parler.

Enzo : OK. C’est sûr que le terme fatigue, c’est très, très vaste, et les gens ont parfois, font une confusion entre la fatigue mentale, musculaire, à l’exercice quotidien. Et ça, tout ça, c’est très vague. Donc quand on parle de fatigue, on parle de beaucoup de choses. Et si on devait définir la fatigue en termes physiologiques, c’est une baisse de la performance, finalement. C’est une diminution de nos capacités à produire une performance. Donc ça, c’est une première chose sur la fatigue et elle va être du coup influencée par plein de facteurs puisque la fatigue, c’est multifactorielle ; et en fait, la fatigue neuromusculaire, puisque c’est là-dessus que l’on va discuter aujourd’hui, c’est une petite partie de la fatigue, en fait.

Caroline : Et du coup, ça représente quoi la fatigue neuromusculaire ?

Enzo : La fatigue neuromusculaire, c’est la partie de la fatigue qui est liée à la fois au système nerveux et à la fois au muscle en lui-même.

Caroline : C’est l’un ou l’autre, ou, l’un et l’autre ?

Enzo : C’est les deux. Les deux ensembles. Et si on avait une vision peut être simplifiée de ce qu’est la fatigue, on a d’un côté la perception de la fatigue, qui est plutôt une fatigue psychologique, on va dire, mais ce n’est pas que ça. Mais si on veut, si on veut simplifier, on va dire que c’est une fatigue psychologique et, la fatigue neuromusculaire qui est, si on devait simplifier, une fatigue objective qu’on peut mesurer, qu’on peut palper, qu’on peut observer directement à partir de la baisse de ce qui est, de ce que le muscle est capable de faire et de ce que le système nerveux est capable d’envoyer comme commande aux muscles.

Caroline : Et du coup, par exemple, tu le mesures comment ?

Enzo : Pour mesurer le muscle et pour mesurer la fatigue nerveuse ?

Caroline : Oui.

Enzo : Alors, il y a plusieurs techniques. Celle qu’on utilise, nous, en laboratoire, c’est une technique qui s’appelle la technique de la secousse surimposée. En quoi ça consiste ? Ça consiste à stimuler soit le muscle directement, soit le nerf moteur qui innerve ce muscle en utilisant des techniques de stimulation électrique ou magnétique. La plupart du temps, on utilise des stimulations électriques, on obtient des meilleurs signaux, et en stimulant le nerf ou le muscle, eh bien on va induire une réponse mécanique, une contraction musculaire. Cette contraction musculaire, imaginons, on va faire un, on fait une première fois, le muscle est au repos, on lui envoie une stimulation, on aura une réponse d’une certaine amplitude musculaire. On va lui faire faire un exercice qui va le fatiguer, qui va fatiguer le muscle.

Caroline : Comme ? Genre un exemple.

Enzo : Ça peut être n’importe quoi. Ça peut être une course à pied, ça peut faire du vélo, ça peut être des contractions répétées de ce muscle. Ça peut être n’importe quoi. Après, c’est au choix. C’est au besoin de l’expérience, au besoin de ce qu’on cherche à montrer. Et on remet la même stimulation après l’exercice de fatigue. Même intensité, même puissance, on va dire. Et si la réponse mécanique, on enregistre juste après, elle a diminué, ça veut dire que le muscle, il n’est plus capable de se contracter pour une même intensité de stimulation, et donc qu’il est fatigué. Alors ça, c’est l’aspect pour la fatigue musculaire, pour la fatigue d’origine musculaire. On utilise la même technique, mais avec d’autres types de stimulations pour quantifier la fatigue nerveuse. Alors, comment on fait ? Avant et après la fatigue, on va demander aux sujets de pousser le plus fort possible avec son muscle, de contracter son muscle le plus fort possible, à fond, sans restriction de temps en termes de contractions. Il est vraiment à fond dès le départ, au moment de la stim… au moment où il est à sa contraction maximale, où il a atteint sa force maximale, on va envoyer la même stimulation dont on a parlé juste avant. On va envoyer la même stimulation. Et là, ce qu’on va observer, c’est que, cette stimulation, elle va induire un rebond de force, c’est-à-dire que le muscle va se contracter encore plus que ce qu’il est contracté de façon maximale, volontairement par la personne. Donc, on va avoir une petite montée de force. Et cette petite montée de force, elle représente les unités motrices, c’est-à-dire les fibres musculaires qui ne sont pas contractées volontairement par la personne. Parce qu’en fait, quand on fait une contraction maximale volontaire, on dit qu’elle est maximale, on pense qu’on va activer tout notre muscle, mais ce n’est pas vrai. Il y a toujours une petite réserve de force, de fibres qui ne sont pas activées. Et quand on stimule, on active ces petits, ces unités motrices et fibres musculaires qui ne sont pas activées. OK ? On essaye d’expliquer ça de façon simple, donc on a un petit regain au moment de la contraction. Ça représente les fibres qui ne sont pas activées, le pourcentage de fibres qui ne sont pas activées et ça, on va le comparer à une stimulation au repos qui représente finalement 100 % des unités motrices qui sont activées une seule fois, des fibres musculaires qui sont activées une seule fois. Donc, si on rapporte cette petite force pendant la contraction à la force un peu plus importante en dehors de la contraction au repos, on obtient un pourcentage qui correspond au déficit d’activation volontaire, c’est comme ça qu’on l’appelle, qui représente finalement, si on devait le dire de façon simple, qui représente le pourcentage des unités motrices des fibres musculaires qui ne sont pas activées au moment de la contraction maximale volontaire. Donc, ce déficit, il va augmenter avec la fatigue. C’est-à-dire que si on fait une première fois avant la fatigue, donc globalement au repos, sans que le muscle ne soit fatigué, on va proposer des exercices, peu importe lequel, pour fatiguer le muscle, fatiguer la personne, et on refait la même chose, on refait la contraction maximale volontaire, on stimule pendant et on stimule après. Et on fait le rapport entre la stimulation pendant la contraction et la stimulation après. Et on va observer si le déficit d’activation il a augmenté. Donc, quand il y a de la fatigue nerveuse qui s’installe, on va avoir une augmentation de ce déficit, c’est-à-dire qu’on va avoir de plus en plus de fibres qui ne sont pas recrutées par la personne.

Caroline : OK. J’ai plein de questions du coup. Donc ça vous vous en servez, on va dire, donc là tu m’as expliqué la façon dont on mesure la fatigue neuromusculaire. Mais si jamais maintenant je l’appliquais, puisque là tu vois tu me parles de labo et tout, mais si jamais je l’appliquais à un sportif ou à quelqu’un qui cherche en fait à mesurer ses performances, j’imagine, comment ? Quelle est l’application concrète de la mesure de la fatigue neuromusculaire, en fait ?

Enzo : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question, mais, est-ce que c’est l’idée de mesurer sur le terrain, en direct, sa fatigue, sa fatigue neuromusculaire, nerveuse et musculaire ? Ou est-ce que c’est d’avoir des indices globaux de ça qui ne sont pas forcément ceux dont on a parlé ?

Caroline : Non, c’est plus la mesure. Tu vois, en tant que sportif, est-ce que ça a un intérêt en fait de voir sur de la performance ou vraiment, c’est cette application de la fatigue neuromusculaire sur la performance qui m’intéresse.

Enzo : Alors oui, ça, oui oui ça a de l’intérêt. Est-ce que c’est accessible par le plus grand nombre ? Non, ça, c’est sûr et certain. C’est sûr que peu de personnes vont expérimenter un jour une technique de secousse surimposée pour quantifier leur fatigue avant et après un exercice fatigant, parce que c’est une technique qui demande une vraie expertise pour pouvoir être appliquée ; il faut appliquer à un endroit très précis, avec une certaine application de force sur le nerf ou sur le muscle. Donc c’est les paramètres dont on a parlé juste avant, ce n’est pas des paramètres grand public, on va dire, pour quantifier la fatigue. Donc là, on entre… oui, ça a de l’intérêt d’en faire pour la performance parce qu’on sait que si on s’entraîne et qu’on fait varier notre résistance à la fatigue musculaire ou notre résistance à la fatigue nerveuse, oui, ça va avoir un impact sur la performance. Là, on touche la limite de la technique ou de la recherche en fatigue neuromusculaire. En tout cas, quand on veut distinguer fatigue musculaire et fatigue nerveuse, c’est que ce n’est pas accessible à un grand nombre. Par contre, on a des paramètres qui peuvent être mesurés plus simplement, mais qui sont « un peu moins précis », mais qui permettent d’orienter et de voir un petit peu comment fonctionne la fatigue ou en tout cas, quelles sont nos performances en termes de fatigue pour améliorer notre performance sportive.

Caroline : Oui, et ça, ça m’intéresse. J’aimerais bien qu’on entre là-dedans.

Enzo : Alors, on peut rentrer là-dedans et on l’a dit en fait, au départ, quand on a parlé de la fatigue, ce qui va être surtout très intéressant pour les personnes qui veulent augmenter leurs performances, c’est déjà de connaître qu’est-ce qui détermine la performance dans leur sport. Parce que connaître, si on est résistant à la fatigue, etc., pour un sport, ça va être intéressant. Mais connaître sa résistance à la fatigue, pour un autre sport, ça ne sera pas intéressant. Un exercice, imaginons un sport d’endurance de type marathon, type ultratrail ; là, on ne va pas du tout être sur la même importance de la fatigue que sur un exercice intense, bref…

Caroline : 50 mètres nage libre, quoi.

Enzo : Exactement. Soit ça, soit le sprint, soit le 50 mètres nage libre. C’est exactement ça. Donc déjà, il faut se poser la question est ce que ma résistance à la fatigue, est-ce qu’elle détermine ma performance dans le sport que je pratique ? Ça, c’est la première question qu’il faut se poser. Ensuite, il faut se poser la question, de se dire : est-ce que c’est la résistance à la fatigue sur des épreuves longues ou des épreuves courtes qui m’intéressent ? Est-ce que c’est ma capacité à répéter des efforts intenses dans le temps qui est intéressant pour ma performance, ou est-ce que c’est ma capacité à maintenir une activité physique sous maximale, d’intensité moins importante pendant X heures ? etc. Donc ça, c’est une deuxième question qu’il faut se poser et une fois qu’on s’est posé ces questions et là, on forme nos étudiants en entraînement sportif, parce que je suis responsable de la licence Entrainement Sportif à l’Université Côte d’Azur et on forme nos étudiants à se poser ces questions pour pouvoir orienter la performance de leurs athlètes qu’ils vont encadrer plus tard à se poser ces questions pour établir un protocole, établir un test de fatigue qui sera adapté à l’activité pratiquée. Donc, l’idée, si on doit donner un exemple, je pense que c’est ça que tu voudrais qu’on fasse, on va prendre un exemple très simple que tout le monde peut comprendre ; c’est le football, qui est pratiqué par énormément, énormément de gens. Si on prend le football, dans le football, on a plusieurs déterminants de la performance, dont un qui est la capacité à répéter des sprints intenses. Et ça fait partie, car plus on va être capable de répéter des sprints dans un temps court, meilleur sera la performance de football, d’accord ? Donc ça, c’est le premier constat. Donc on a ce déterminant. On a également identifié que c’était la répétition d’efforts intenses et maintenant, on va pouvoir proposer un test. Alors il y a plein de tests qui ont été déjà établis par rapport à ça. On a pris un exemple très concret, mais si on prenait un exemple d’autres sports moins connus, où il n’y a pas forcément les tests, on pourrait très bien créer nos propres tests de fatigue. Et là, c’est ce qu’on appelle le RSA, Repeat Sprint Ability. Et ce RSA, il est mesuré en répétant un certain nombre de sprints, alors ça peut aller de six, quinze sprints, de 20, 30 mètres, 40 mètres, ça dépend. Et en fait, ce qu’on va pouvoir mesurer pendant ce test, c’est un test purement de la fatigue neuromusculaire, c’est la capacité à répéter les sprints et la baisse de la performance au fur et à mesure où on répète les sprints. Et donc, on va partir, au début, on va avoir une certaine performance. On va faire, je ne sais pas moi, 50 mètres en sept secondes, huit secondes, je n’en sais rien. Et puis, au fur et à mesure qu’on va répéter les sprints avec du temps de récupération entre chaque sprint assez court, eh bien, on va se rendre compte que la performance, elle baisse.

Caroline : normal.

Enzo : Et à partir de là, on peut estimer qu’on a un certain pourcentage de diminution entre le premier et le dernier sprint, et ce pourcentage de diminution, il représente la fatigue neuromusculaire. Alors, ce test, il est super utile parce qu’il va être… il est énormément utilisé, il permet de renseigner tout de suite sur ce qu’est la fatigue neuromusculaire et quelle est la capacité de résistance par rapport à la fatigue neuromusculaire de chaque personne. Par contre, il ne permet pas de distinguer la part nerveuse, c’est-à-dire la part du système nerveux central et la part musculaire. Mais c’est… en soi, sur le terrain, c’est facile à mesurer et c’est très intéressant puisqu’en plus, comme on l’a dit juste avant, c’est lié directement à la performance sportive.

Caroline : Et en pratique, tu vois, une fois qu’ils ont calculé ce RSA, c’est ça ? Comment tu t’en sers en fait derrière ? Tu vois, OK, on l’a calculé, on sait que par rapport à notre premier sprint, c’est notre dernier sprint, on a perdu en densité, etc. Mais au final, j’en fais quoi ?

Enzo : Une fois qu’on a ça, une fois qu’on a cette capacité, par exemple, admettons qu’on a fait dix sprints de 30 mètres et on a perdu, je ne sais pas moi, 20 % de la performance en dix sprints, on peut se dire que ce n’est pas un pourcentage acceptable ; ou en tout cas, si c’est le niveau de base, sans forcément qu’il ait été travaillé, on va pouvoir le travailler, on va pouvoir mettre en place un entraînement avisé directement pour améliorer cette capacité d’endurance, de résistance à la fatigue, en proposant de refaire ce type d’exercices, en variant, en variant les exercices, bien sûr, mais en essayant de travailler toujours sur cette filière, pour améliorer cette capacité. Et de fait, si on améliore cette capacité, puisqu’on a relié cette capacité à la performance sportive, on améliorera la performance sportive.

Caroline : OK. Et comment on améliore cette capacité ?

Enzo : Comment on améliore la capacité de répétition des sprints ? On va du coup travailler énormément sur la capacité en répétant les sprints, en faisant varier le temps de récupération entre ces sprints, pour amener l’organisme en fait, à évoluer, à s’adapter par rapport à ce que… à l’état de départ. Et, il va y avoir tout un tas de mécanismes métaboliques qui vont se mettre en place, qui vont permettre d’améliorer cette capacité à répéter les sprints. Donc, par exemple, on va dire qu’il y a 20 % de diminution au départ ; on va ensuite s’orienter vers un entraînement qui va pousser dans cette idée, en répétant des sprints, on parle aussi d’entraînements à haute intensité intermittence, et je pense que c’est quelque chose qui peut-être parle aussi à tout le monde parce que c’est très à la mode, et donc on va s’orienter vers ce type d’entraînement. Et après, on va remesurer au bout, je ne sais pas moi, de huit semaines d’entraînement avisé pour directement améliorer ça, on va remesurer la même chose. On va refaire nos dix sprints et peut être que là, on n’aura perdu que 15 %.

Caroline : Là, ça va nous permettre en fait effectivement d’avoir mesuré notre performance sur le terrain…

Enzo : Exactement.

Caroline :… concrètement, et en mettant en place un petit protocole à la maison on va dire, pour se dire « OK. En fait, ce que j’ai fait, ça vient de servir. Ça a bien servi. » OK, super. C’est trop cool, je trouve ça hyper cool, de pouvoir se dire tu vois, je fais un peu de course, je nage un peu et tout. Moi, je mesure ma performance forcément, au temps que je fais, etc. ; mais sans forcément d’appliquer un protocole très spécifique et tout. Et je trouve ça hyper chouette de se poser deux minutes de se dire OK, en fait, je sais que là, aujourd’hui, j’ai envie de voir comment dans six semaines, ce que je vais mettre en place parce que j’ai envie d’augmenter mon temps en fait en natation. Je vais donc bosser énormément tel point, et donc à titre perso, sans personne d’autre, je vais pouvoir me rendre compte dans six semaines est-ce que ce que j’ai fait, et qu’est-ce que ça m’a apporté ? Et comment ? C’est hyper intéressant.

Enzo : Exactement. C’est un peu la démarche scientifique, en fait, et qu’on applique, moi, j’ai toujours travaillé dans cette démarche et la formation que j’ai reçue, elle m’a toujours orienté là-dessus, de se dire qu’en fait, la démarche scientifique, parce que la démarche scientifique, c’est ça, c’est de se dire moi, je me pose des questions sur la fatigue. Et puis je me pose des questions sur une intervention X ou Y en entraînement, ce qu’elle va avoir comme impact sur la fatigue donc je vais mesurer la fatigue à un instant A, je vais faire l’intervention que je veux questionner scientifiquement et après, je vais réévaluer la fatigue. Et puis je vais voir ce que l’entraînement, ce que l’intervention que j’ai proposée, elle a eu comme effet. C’est finalement exactement la même chose sur le terrain. Et c’est ce qu’on essaye de transmettre aux étudiants d’entraînement sportif, c’est que c’est exactement la même chose, c’est-à-dire qu’à un moment donné, il faut qu’ils se sentent un petit peu scientifiques en se disant « il faut que je mette en place un test, que ce soit un test de fatigue ou un test VMA, que ce soit un test de force… »

Caroline : C’est souvent un test VMA qui est mis en place.

Enzo : Voilà. Il faut se dire bon, je le mets de façon rigoureuse en place. Avant, je fais mon entraînement, je regarde ce qui se passe après.

Caroline : Très intéressant. Et j’avais une question, mais je l’ai perdu. C’est qu’en fait… donc là, on va pouvoir mesurer notre performance. OK, on a mis en place ce protocole, mais donc ce qu’on disait, c’est qu’il y a quand même dans la fatigue neuromusculaire tu as la partie muscle et la partie neurologique. Mais du coup, après donc, impossible de séparer les deux à titre perso. Mais si jamais on est suivi pour des études ou quoi que ce soit, en fait, après, comment vous faites pour distinguer le côté neuro et le côté musculaire ? Et comment est-ce que tu peux avoir un impact potentiellement sur la partie juste musculaire ou sur la partie neurologique ? C’est quoi ? C’est une meilleure résistance au stress, par exemple en entraînant son mental pour la partie neurologique, ou est-ce que c’est juste un entraînement intensif sur un tel muscle, à travailler tel muscle, à détendre, etc. Tu vois, c’est un peu ce côté-là qui peut…

Enzo : OK. Juste sur la première partie de la question. Donc, sur le terrain, on l’a dit, on n’arrivera pas à distinguer les deux. Par contre, on sait, les études scientifiques nous disent que quand on va s’entraîner, admettons, on est vraiment sédentaire, inactif et on se lance dans un entraînement, ce qui va s’améliorer en premier, ce qui va, ce qui va être… ce sur quoi on va avoir des adaptations dans un premier temps, ce seront sur les facteurs nerveux en fait.

Caroline : OK, ce n’est pas les muscles en premier ?

Enzo : Non.

Caroline : Genre, demain je commence un sport, que je n’ai jamais fait, jamais pratiqué. J’aurai tendance à dire : « mes muscles ne sont pas du tout habitués ». C’est le système neurologique qui va…

Enzo : Oui, qui va être, dans un premier temps l’initiateur de l’amélioration de la performance et de l’amélioration de la force, globalement. Alors ça, ça dure un temps. Et après, bien sûr, le système nerveux, il s’adapte assez rapidement et après pour améliorer encore, le système nerveux est au taquet déjà, pour améliorer plus, il va falloir du coup… l’organisme va adapter le muscle pour qu’ils produisent plus de force et donc produisent une meilleure performance. Donc ça, c’est une première chose là-dessus. Et alors, comment on fait pour améliorer plutôt l’aspect central ou plutôt l’aspect musculaire ? Alors quand on parle de fatigue neuromusculaire, il faut juste peut être revenir à un tout petit peu là-dessus, c’est que, en fait les aspects motivationnel, psychologique, la façon dans laquelle on est à un instant T, elle n’aura pas tant d’influence que ça sur la fatigue nerveuse comme on l’entend dans la fatigue neuromusculaire.

Caroline : D’accord, OK. Est-ce que tu peux préciser ce point-là ?

Enzo : En fait, je l’ai dit au début, que la fatigue, c’était deux grosses familles. Il y avait deux grosses familles dans la fatigue ; la perception de la fatigue, fatigue un petit peu psychologique, mentale. Mais ce n’est pas que ça, bien sûr. Et la fatigue neuromusculaire. En fait, cette fatigue mentale, psychologique, cette perception de la fatigue, c’est un peu la partie subjective de la fatigue, c’est-à-dire c’est comment on ressent la fatigue, comment on perçoit la fatigue et donc ce que tu disais juste avant sur la motivation, sur comment on travaille là-dessus. On va plutôt travailler sur cette perception de la fatigue quand on va améliorer sa motivation, limiter sa perception de la fatigue lors d’un exercice, on va plutôt travailler sur ce versant-là. Et si on parle de la fatigue neuromusculaire, on va plutôt la travailler en sollicitant le système nerveux de façon maximale, en répétant les efforts, comme on l’a dit tout à l’heure. Et le système nerveux va s’adapter, va s’améliorer, et va du coup permettre de maintenir une activité musculaire puisque c’est le système nerveux qui active le muscle et va permettre de maintenir une activité musculaire de façon prolongée dans le temps.

Caroline : Comment j’entraîne mon système neuromusculaire, du coup ?

Enzo : Alors, c’est ce que je te disais, c’est en fait plutôt sur des efforts Max. Plutôt sur des efforts maximaux, par exemple, sur des contractions maximales. Si on prend l’exemple de la musculation, c’est peut-être ce qu’il y a de plus simple quand on parle de l’amélioration du système nerveux ou l’amélioration de la limitation de la fatigue centrale, on va dire, de la fatigue nerveuse ; c’est, on va pousser de grosses charges importantes peu de fois et tout ça va permettre de demander au système nerveux des efforts importants de synchronisation des unités motrices. Et plus il va être capable de synchroniser des unités motrices sur un temps donné, plus il va être capable de produire de force. Donc, c’est ça qui va… c’est surtout cette technique qui nous permet de développer, d’améliorer notre fatigue centrale, de limiter notre fatigue centrale pour être plus exact. Mais globalement, je sais plus ce que je voulais te dire.

Caroline : On en été sur la mesure de…

Enzo : Sur ta fatigue centrale, ça va être, l’exercice principal ça va être d’activer au maximum ses muscles de façon intense sur un nombre de répétitions très, très court.

Caroline : Fatigue centrale, c’est fatigue neurologique.

Enzo : Oui, pardon. C’est exactement ça. En fait, il y a deux termes et donc on parle de fatigue nerveuse et on parle aussi, moi, je parle beaucoup aussi de fatigue centrale, alors je dirais peut être l’un ou l’autre en fonction de la phrase que je vais donner. Mais c’est vrai que je vais essayer de me maintenir que sur fatigue nerveuse.

Caroline : Non, non, non, ça va pour les deux…

Enzo : Mais les étudiants me font aussi la remarque. J’utilise des deux, ils sont perdus. Je peux vous parler aussi de fatigue musculaire et aussi je parle de fatigue périphérique, c’est la même chose, mais c’est deux termes qu’on utilise différemment.

Caroline : En fait, je trouve ça assez bizarre. Tu vois, l’exemple sur la musculation, de se dire en fait, je vais pousser une charge, et pour moi, le sujet, c’est que je n’ai pas les muscles en fait, de manière vraiment très bête peut-être, mais je me dis juste que je n’ai pas les muscles.

Enzo : Ben oui, c’est… en fait, on connaît la charge max qu’une personne est capable de soulever. On peut la déterminer facilement et en fait, on va charger la personne pour l’entrainement, quand on va parler d’entraînement à proprement parler, on va charger cette personne à cette charge-là. Donc le muscle, il sera capable de le faire et de le répéter. Et ça va être une sollicitation qui va être maximale. Et en fait, au fur et à mesure qu’on sollicite de façon importante, on va améliorer tous les mécanismes nerveux et de plus en plus, on va être capable de soulever de plus en plus fort.

Caroline : C’est vraiment cette imbrication du système nerveux et des muscles qui va nous permettre en fait d’améliorer notre performance.

Enzo : Oui. Là on a parlé de comment améliorer le cerveau, comment améliorer le système nerveux central pour qu’il soit capable d’améliorer la performance. Et maintenant, on peut parler aussi de comment améliorer le muscle. Et là, on n’est pas forcément obligé d’être sur des efforts maximaux avec un nombre de répétitions peu important. On peut être sur des efforts sous maximaux avec des répétitions beaucoup plus importantes. Si, par exemple, on veut hypertrophier le muscle, c’est-à-dire augmenter la taille du muscle pour qu’il puisse produire plus de force, ça se fait, eh bien, on va plutôt travailler à 80 % des capacités maximales, 70, 80 %, ça dépend des entraînements ; et du coup, sur un nombre de répétitions un peu plus important, 8, 10, 12 répétitions pour un exercice avec un certain nombre de séries.

Caroline : D’où l’intérêt en fait quand on suit un protocole, je vais appeler ça protocole, mais quand on est un peu sportif ou quand, par exemple, pour les personnes qui vont à la salle soulever du poids, se font des entraînements avec une charge lourde pendant très peu de temps et vraiment trois à quatre répétitions devant une charge très, très lourde. Ça en fait, on va bosser notre fatigue neuromusculaire, euh, notre fatigue neurologique et à l’inverse, quand ils vont après, pendant l’exercice, soulever moins, mais pendant plusieurs répétitions, ils vont vraiment bosser leurs muscles en profondeur en fait.

Enzo : Oui. Après, il faut amener peut-être un certain… une certaine perméabilité entre les deux. En fait, on a parlé d’exercices maximaux pour le système nerveux central, mais c’est ce qui permet de développer plus rapidement le système nerveux central. Mais ça permet aussi de développer les muscles. Et puis, si on fait des efforts répétés, plus longs, avec des charges moins importantes, on va plus travailler ses muscles, ou en tout cas on va plus travailler la résistance de ses muscles. Mais on va aussi travailler…

Caroline : Oui, normal. Les deux sont liés.

Enzo : Voilà, il y a une liaison entre les deux. Mais l’orientation elle est celle qu’on a présentée, c’est-à-dire des efforts max vont permettre de développer le système nerveux central. Et puis, les efforts un peu plus, moins intenses et plus répétés vont permettre de développer le muscle.

Caroline : Et ça, on peut l’appliquer à n’importe quel sport ?

Enzo : Oui.

Caroline : En gros. Par exemple, pour prendre la natation, je pratique le 50 mètres nage libre ; j’ai envie d’améliorer mon système neuro-central, donc je vais m’exercer à faire vraiment beaucoup de sprints à haute intensité très peu, genre quatre, mais vraiment donné tout ce que j’ai dans le ventre. Et à l’inverse, si jamais je veux vraiment travailler mes muscles, peut être allé chercher mieux je ne sais pas, si je crawle ou quoi, travailler plus doucement, et les deux ensemble vont me permettre potentiellement d’améliorer ma performance.

Enzo : Oui et non. Ça, c’est, à mon avis, c’est quelque chose que tu dois entendre souvent. Donc oui, c’est vrai que, si on fait l’application de ce dont on a parlé juste avant, on aurait envie de répondre oui, mais en réalité, quand on fait un 50 mètres nage libre, même si on le fait à fond, la force qu’on développe à chaque coup de bras, ce n’est pas un effort maximal qu’on pourrait répéter qu’une seule fois puisqu’on va les enchaîner, on est d’accord ? Imaginons, on voudrait faire ça, il faudrait faire juste un coup de bras avec une sorte de grand paddle qui nous permette d’emmener beaucoup d’eau derrière. Et l’effort serait tellement intense qu’on pourrait le répéter qu’une seule fois et on pourrait le répéter… enfin, prendre un temps de récupération et le répéter d’autres fois plusieurs fois après.

Caroline : Potentiellement, si jamais je fais ça, admettons que tu vois, je n’ai pas l’habitude de nager avec des palmes pour les mains. Genre, je fais vraiment genre, je donne tout dans le bras et en fait, je vais envoyer des signaux à mon système nerveux central, qui va se dire « OK, là, il va falloir que j’active telle et telle fibre parce que je ne suis pas habitué, etc. ». Et donc, aux prochains mouvements de bras que j’irais chercher, en fait il va se dire « ah, trop cool, j’ai de nouveaux trucs là, que je peux aller chercher, que je peux utiliser en fait ».

Enzo : Globalement, oui.

Caroline : Donc, par exemple, tu vois, si je réapplique ça à un autre exemple, sur le développé couché ; le fait de mettre une charge plus lourde, c’est parce qu’en fait, je vais aller titiller de nouveaux points dont il n’a pas conscience ou connaissance et qu’il va se dire OK, il faut que je m’active et donc la prochaine fois, ils vont aller s’activer en fait, c’est de l’apprentissage quelque part.

Enzo : Il n’a pas conscience qu’il peut les activer en même temps. On connaît ces points-là, mais il n’a pas conscience que s’il les activait tous en même temps, il pourrait produire plus de force. Et en fait, c’est une sorte de synchronisation ; on pourrait parler de synchronisation des unités motrices qui sont des poules de fibres, on va dire, une synchronisation des fibres musculaires si on doit simplifier la chose. Synchronisation et plus… si on arrive à tout synchroniser en même temps, on va développer plus de force. Donc, le fait de charger beaucoup le cerveau se dit pour que je développe, pour que je puisse pousser cette barre, il va falloir que je synchronise tout. Donc, on va le forcer à synchroniser et après, on améliore sa performance comme ça.

Caroline : Par exemple, je te prends un autre exemple vraiment bête. J’aime bien faire de la corde à sauter. Tu vois pour augmenter mes performances de corde à sauter, à part sauter plus longtemps, moi perso, je ne vois pas. Je ne me serais pas dit « Tiens, il faut que je fasse un truc ». Et oui, je peux changer de corde. Je peux prendre une corde qui peut être plus lourde. Là on va donc avoir un impact potentiellement sur quelque chose que je ne connais pas, donc ça va avoir un impact. Mais, est-ce que, par exemple, si jamais je rajoute des charges, tu sais, des poids à mes pieds, genre en sable, au final mon corps qui n’est pas du tout habitué à ce que je fasse, va se dire, au niveau de mon saut en fait, il va peut-être activer de nouvelles fibres et la prochaine fois, quand je sauterais, mais sans ces charges de sable, en fait j’aurais un saut qui sera amélioré. J’exagère et je grossis le trait, mais…

Enzo : Alors oui…

Caroline :… et non.

Enzo : C’est ça. Oui et non parce qu’en fait la performance en corde à sauter ça dépend de comment on la définit. Est-ce que l’idée, c’est de sauter le plus longtemps possible ? Ou est-ce que l’idée, c’est de sauter le plus haut possible ? Pour faire un saut très haut, pour pouvoir réaliser une figure avec la corde à sauter, je n’en sais rien. Donc ça, il faut le définir. Alors oui, si on se leste, pas forcément au pied, mais sur le corps, il y a des gilets lestés ou on peut se rajouter des barres sur le dos et qu’on s’entraîne à faire des sauts avec des charges importantes, oui, on va être capable, quand on va se délester de sauter plus haut parce que le système nerveux central, il va s’améliorer, il va permettre de pousser plus, de synchroniser nos fibres musculaires. Si la performance, c’est de sauter le plus longtemps possible, le fait de travailler sur le système nerveux central, ça ne va pas forcément avoir un impact sur la performance de sauts en maintenu sur un temps important. Si le but, c’est d’avoir une fréquence de saut plus importante, ça pourrait être aussi une autre performance, ça veut dire être capable de faire tant de sauts en une minute. Donc, là, l’idée, ça va être de faire tourner la corde le plus rapidement possible tout en sautant. Et là, du coup, on n’est pas sur non plus la même performance et, en tout cas, on n’est plus sur une performance des cuisses, mais plutôt sur une performance des poignets, et de leur capacité à faire tourner la corde. Et là, oui, on aurait un impact si on améliorait notre capacité à recruter les muscles de l’avant-bras pour faire tourner la corde. Oui, on aura un impact sur cette performance et si on l’améliorait et que par contre, nos jambes ne sont plus capables de sauter aussi vite pour pouvoir suivre la corde, là, il faudra aussi qu’on travaille sur nos jambes en comme on en a parlé juste avant pour pouvoir améliorer cette performance.

Caroline : Mais si je trouve ça hyper intéressant en fait de se dire qu’on va pouvoir quand même précisément aller travailler un point spécifique valable pour améliorer telle ou telle performance. Pour améliorer mon geste qui va me permettre d’améliorer mes performances en fonction de la performance que j’ai envie d’améliorer.

Enzo : Oui. Quand on regarde un petit peu ce qu’on enseigne aux étudiants qui deviennent les futurs entraîneurs des sportifs, que ce soit dans des clubs amateurs, régionaux, départementaux, peu importe, mais aussi des clubs internationaux, ce qu’on leur apprend, c’est déjà la base, c’est de se dire OK, je veux améliorer la performance. L’idée, c’est d’améliorer la performance. C’est l’objectif premier, c’est d’améliorer la performance comme ce que les personnes qui nous écoutent veulent faire chez eux, peut-être, améliorer sa performance. Quand on veut améliorer sa performance, il faut se dire, mais « Quels sont les facteurs ? Quels sont les déterminants qui vont me permettre d’améliorer cette performance ? ». Ça c’est la base, c’est le point de départ de ce qu’on enseigne aux étudiants en STAPS, en tout cas dans la filière entraînement sportif, c’est de savoir, mais qu’est-ce qui conditionne ma performance ? Est-ce que c’est ma capacité à courir vite ? Est-ce que c’est ma capacité à sauter haut, à sauter loin ? À résister à la fatigue ? À courir à haute intensité pendant longtemps ou à courir à haute intensité pendant un temps très court ? Il y a tout ça. Est-ce que les actions sociales, elles ont un impact ? Est-ce que la psychologie, les déterminants psychologiques, ils ont un impact sur la performance ? Et finalement, quand on regarde, on construit ce qu’on appelle des modèles de performance où on a la performance qui est au milieu, et on a plein de flèches qui vont vers la performance, qui sont pleins de déterminants, que ce soit la force, la coordination, la souplesse, la vitesse, les capacités à faire face à un événement. Le terrain, les gens avec qui on est, nos relations sociales, avec notre entraîneur, avec nos parents, etc. Tout ça va déterminer la performance. Et donc oui, du coup, on peut agir sur chaque déterminant. On peut agir dessus pour améliorer la performance et en l’occurrence, là, quand on définit bien sa performance et qu’on isole, qu’on montre que la fatigue neuromusculaire est déterminante de notre performance, on peut agir dessus, soit en travaillant sur le système nerveux central, soit en travaillant sur le muscle directement.

Caroline : C’est super intéressant. Je ne m’étais jamais en fait posé ces questions-là, ce qui fait très, très sens quand on y réfléchit pour des entraînements sportifs de haut niveau. Mais en réalité, ce que je trouve génial, c’est qu’on peut avoir ce raisonnement à notre échelle quand on s’entraîne pour nous à titre perso. Et ça, c’est top de voir qu’on peut, si j’ai envie de calculer si la méditation va m’aider à améliorer ma performance sur ma course à pied parce qu’en fait, je serai plus détendu, etc. Je peux potentiellement ne rien changer à mon entraînement sportif de course à pied. Juste, par contre, me mettre beaucoup plus de méditation dans mes semaines pendant 4 semaines et me dire allez, je vais mesurer est-ce qu’en effet ça va avoir un impact ou pas sur mes performances sportives ? Pourquoi pas quoi, si j’ai envie ?

Enzo : Exactement.

Caroline : OK, trop intéressant. Et si jamais je l’applique au quotidien ? Parce que là, on a beaucoup parlé de sport et c’est normal, c’est vraiment ton cœur de métier. Mais est-ce qu’on pourrait essayer d’avoir un raisonnement un petit peu équivalent sur du quotidien, sur des tâches quotidiennes ?

Enzo : Pour être plus performant dans ses tâches quotidiennes ? Il faudrait trouver, on peut trouver, on pourrait trouver des exemples, je pense, oui. Et ça, ce n’est aucun souci. Ce serait la question de se dire, mais quelles sont les performances quotidiennes que je fais et comment est-ce que je pourrais les améliorer ? Ça, c’est clairement oui, on pourrait, on pourrait appliquer ça pour appliquer ça au quotidien. On peut, on peut imaginer que, je n’en sais rien, moi, la montée des escaliers, oui, on pourrait imaginer que la montée d’escalier, c’est une tâche quotidienne qui est importante. Alors je ne suis pas du tout spécialiste dans les aspects de prescription, en termes d’activité physique, en termes de sédentarité pour les personnes, je ne connais pas grand-chose là-dessus, j’ai quelques notions, mais je ne connais pas grand-chose. Mais oui, on peut imaginer que sur cette tâche quotidienne, sur ces quatre étages, qu’il y a à monter pour arriver chez toi, si je m’entraîne à répéter cet exercice, peut-être je fais trois ou quatre aller-retours dans la journée, avec un temps de récupération au milieu, oui, je vais entraîner mon organisme à cet effort et peut être qu’au bout de quatre semaines où je me serai entraînée deux fois par semaine, je montrais les escaliers, j’arriverai beaucoup moins fatigué à l’étage.

Caroline : Oui, en fait, c’est par exemple, si on prend une personne un petit peu sédentaire qui aurait du mal à se mouvoir ou à bouger, parce que plus on vieillit, plus on se sédentarise et moins on est mobile on va dire, enfin, la mobilité. On pourrait proposer à cette personne, potentiellement, de dire essaye de faire ça, telle et telle répétition, peut être pendant cinq jours pour améliorer son système nerveux et peut être, moins de répétitions, plus long, pour améliorer son système musculaire et lui dire « Regarde en fait, toi, en appliquant ça chez toi, tu vas voir une différence » et à la fin, pour motiver en fait la personne. C’est ce qui m’intéresse, c’est ce que je trouve intéressant, c’est vraiment cette mesure, qu’on va être en capacité de développer chez les gens parce que beaucoup de personnes font à mon sens et c’est vraiment ça n’engage que moi, mais font beaucoup de choses, répètent énormément de choses et vont parfois s’user psychologiquement, à faire des choses, sans forcément se rendre compte que l’effet bénéfique de ce qu’elles mettent en place. Ce que je trouve hyper intéressant dans ce que tu as expliqué, c’est que si on réfléchit aussi appliquer à du quotidien, on va potentiellement pouvoir montrer à des personnes qu’elles vont réussir à améliorer leur performance et donc peut être leur donner goût à aller développer ces autres choses.

Enzo : Complètement. Mais en fait, clairement, le fait de pouvoir mesurer la performance à un instant T et de pouvoir apprécier l’amélioration de cette performance suite à une intervention, suite à un entrainement, suite à la répétition d’exercices quotidiens ou bihebdomadaires, peu importe. C’est une vraie motivation et c’est quelque chose qu’on fait dans le sport. Mais c’est aussi quelque chose qui est fait dans les activités physiques adaptées pour la réhabilitation.

Caroline : C’est quoi les activités physiques adaptées ?

Enzo : Les activités physiques adaptées c’est des activités physiques qui sont pour un public pathologique fragile. Ça peut être aussi un public spécifique, ça peut être les enfants, ça peut être plein de choses différentes. En fait, on appelle ça des activités physiques adaptées parce que ça ne rentre pas dans une case, on va dire, la case activités physiques adaptées pour les gens normaux on va dire. C’est complètement idiot de dire ça, mais en fait, finalement, c’est l’activité qui est adaptée à une population donnée. Et donc, en fait, c’est dans ce champ, donc là, les STAPS forment aussi à cette branche des sciences du sport. Parce que l’activité physique, ce n’est pas que pour les personnes normales, entre guillemets, on va dire, c’est aussi pour les personnes vieillissantes, c’est aussi pour les personnes en surpoids, c’est aussi pour les personnes pathologiques qui ont des pathologies mentales, des pathologies physiques, peu importe, ça peut être n’importe quoi. Et du coup, ce que je disais, c’est que cette méthodologie de mesurer, entrainer, mesurer, on le fait dans le sport, mais on le fait aussi dans les activités physiques adaptées. Et c’est hyper intéressant de dire, par exemple, prenons l’exemple d’une personne en surpoids ; on va faire un test à un moment donné, on va lui proposer une intervention qui peut combiner à la fois de l’activité physique, mais aussi une prise en charge psychologique, nutritionnelle peu importe voilà. Et on refait un test et la personne apprécie directement ce qui s’est passé et elle voit quels ont été les effets bénéfiques de cette intervention. Et ça, comme tu disais, ça va motiver davantage la personne à maintenir l’activité physique pour améliorer encore plus sa performance ou son bien-être.

Caroline : C’est hyper intéressant. Je ne m’étais jamais posé la question comme ça, tu vois de mesurer ma performance de ce point de vue-là, en fait, mais vraiment sur du sportif, me dire OK, je vais changer tel paramètre et juste celui-là. Et en changeant juste ce paramètre, je vais voir dans quelle mesure réellement, oui, ça a un impact ou pas quoi. Et, est-ce qu’il y a d’autres moyens de mesurer la performance ?

Enzo : Tout dépend de la performance. C’est toujours la même chose. Si on veut, la performance, elle, peut être quantifiée de différentes manières. De toute façon, les performances peuvent être complètement différentes. Si c’est une performance d’un saut en hauteur, c’est ce qu’on disait, est-ce que la performance c’est de répéter un effort longtemps, pendant X heures, etc. Donc tout ça en fait, oui, il existe, pour chaque performance, il existe une façon de la mesurer.

Caroline : Mais par exemple, tu vois, je pensais à un exemple de : je change mon alimentation. Juste ça, je vais faire un test, je change mon alimentation, mais par contre, je ne fais rien d’autre que changer mon alimentation. J’ai des résultats sportifs qui sont ce qu’ils sont. Admettons, je cours donc le 100 mètres, je ne sais pas, on a dit huit secondes…

Enzo : 10 secondes, ça fait un peu, ça ne fait pas beaucoup.

Caroline : Alors je n’ai pas une bonne vision, sur tout ce qui est athlétisme.

Enzo : Mais admettons une quinzaine de secondes. Quinze, vingt secondes.

Caroline : Allez, 100 mètres en 20 secondes parce que je ne suis vraiment pas forte. Je ne change rien du tout à mon entrainement et par contre, je change juste mon alimentation. Est-ce qu’en juste changeant ça, même s’il n’y avait pas d’impact particulier sur notre sujet principal qui était la fatigue neuromusculaire, je vais quand même pouvoir mesurer via la technique que tu nous as donnée, est-ce que ça a un impact ou pas ?

Enzo : Par rapport à la capacité à répéter des sprints ? Non, rien à avoir.

Caroline : Non. Par rapport à…

Enzo :… à la performance.

Caroline : Oui, juste la performance.

Enzo : Est-ce qu’on va pouvoir améliorer sa performance ? Ça va dépendre. Ça va dépendre de l’état de départ. Alors, admettons, on prend l’exemple ici du changement d’alimentation ; il faudrait aussi définir qu’est-ce qui va changer dans l’alimentation. Est-ce que c’est, on va faire plus de McDo par semaine ? Ou est-ce qu’on va finalement manger beaucoup plus sainement ? Et dans un cas, on va peut-être potentiellement prendre du poids et dans l’autre, on va peut-être aussi en perdre, et du coup, ça va dépendre aussi du poids qu’on va faire au départ. Et potentiellement, si on perd du poids ou on va améliorer sa performance, si on gagne du poids, on va peut-être la diminuer. Donc oui, on peut, finalement la question elle est la suivante c’est que oui, on peut… enfin, la réponse à la question est la suivante c’est que oui, pour chaque chose qu’on change dans sa façon d’être, de faire ou de s’entrainer, oui, on peut évaluer l’impact sur la performance. Mais pour autant, tout ce qu’on va faire n’aura pas forcément d’impact sur notre performance. Prenons l’exemple, reprenons l’exemple de la performance avec le sprint sur 100 mètres, on change notre alimentation et les changements ne sont pas… ils sont importants, mais au départ, je n’étais pas plus en surpoids que ça ou pas plus maigre que ça. Le changement, il est ce qu’il est, je vais peut-être plus consommer des féculents, mais dans une quantité un peu moins importante, l’apport en calories ne va pas forcément changer de façon… sur une journée. Donc, potentiellement, peut-être, on n’en sait rien, il faudrait le calculer, il faudrait le mesurer, mais potentiellement, je n’aurais pas d’impact sur ma performance.

Caroline : OK. Donc, je trouve ça… en fait, la conversation qu’on vient d’avoir permet d’avoir un recul, de prendre conscience, je trouve à titre individuel et de se dire, en fait, ce que je suis en train de pratiquer et mettre en place, je peux le mesurer en fait, et ça dépend de ce que je veux mesurer. Mais c’est vraiment et c’est super chouette parce que c’est vraiment ma démarche de, on est les premiers à pouvoir mesurer est-ce que c’est bon ou bénéfique pour moi, ce que je veux mettre en place dans mon quotidien ou pas. Et donc là, c’est vraiment un exemple assez simple qu’on peut mettre en place pour mesurer ses performances.

Enzo : Exactement.

Caroline : OK, trop cool. Merci beaucoup Enzo. J’ai trouvé cela hyper intéressant. Une partie un peu technique et scientifique pour bien poser les bases et après des applications plus concrètes, donc c’est chouette.

Enzo : OK.

Caroline : Merci.

Enzo : OK.

Caroline : Top.

Enzo : Merci à toi.