Transcription - Episode 28

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Intégrer l'approche holistique de la médecine chinoise dans notre quotidien occidental - Philippe Sionneau • 28

Philippe : Allez, C'est à vous, Caroline ! Quand vous voulez.

Caroline : Super, merci. Philippe, c'est un plaisir pour moi d'enregistrer avec vous. Vous êtes praticien, chercheur et enseignant en médecine chinoise, et l'objectif aujourd'hui, c'est de décortiquer un petit peu ce qu'est la médecine chinoise, les différentes pratiques thérapeutiques, notamment une pratique qui m'intéresse énormément, qui est l'acupuncture. Donc je vais vous laisser revenir peut-être sur votre parcours qui est aussi atypique. Et puis ensuite, on rentrera un petit peu dans le détail de la médecine chinoise à proprement parler.

Philippe : Alors, que voulez-vous savoir Caroline, précisément ?

Caroline : J'aimerais bien que vous nous parliez de votre parcours, votre formation, votre expérience en Chine, voilà, si vous pouvez revenir un petit peu sur tout, ça serait parfait.

Philippe : Oui, bon, disons qu’avant d'être praticien de médecine chinoise et enseignant-chercheur etc, d'abord, je suis papa de quatre beaux enfants, d'une femme formidable, donc c'est ça, en fait, qui je pense me définit le mieux actuellement. Et je dirais que la médecine chinoise je dirais c’est quelque chose qui en parallèle de tout ça. Mais le plus important, pour moi, c'est ma famille, et c'est ce qui me définit. Ça, c'est le premier point. Deuxième point après, la médecine chinoise c'est, bon, j'aurais beaucoup, beaucoup à dire, ça serait très long pour expliquer mon parcours. Je dirais qu’assez jeune, j'ai été passionné par les médecines naturelles en général. J'étais plutôt attirer par ce qu'on avait à disposition à l'époque, en tout cas en Europe, c'est-à-dire la naturopathie, l'homéopathie, l’aromathérapie, toutes ces choses-là. Donc j'étais à fond dans ces domaines, très, très jeune, dès l'adolescence. Et puis, des circonstances particulières m'ont amené à étudier la naturopathie avec, à l'époque, quelqu'un qui était très connu dans ce milieu-là, qui était Robert Masson. Je l'ai connu personnellement, c'était vraiment une belle époque. Et à travers le groupe d'étudiants qui était le plus proche de cet homme, j'ai fait une rencontre qui m'a amené en fait à être connecté à une école de médecine chinoise en France, un livre de médecine chinoise qui était un peu particulier, qui était très intéressant. J'ai commencé donc à m'intéresser au sujet de la médecine chinoise en France. Et puis très, très, très vite, je me suis aperçu que je ne pourrais pas devenir un professionnel accompli, compétent si je restais en Europe.

Caroline : Pourquoi ?

Philippe : Et donc, encore une fois, des circonstances favorables m’ont amené à rencontrer un médecin chinois. Il m'a aidé tout simplement à venir, à étudier en Chine, à une époque où…il y a avait quelques occidentaux qui commençaient à étudier en Chine à cette époque-là, mais c'était très rare, il y en avait assez peu, et ce n'était pas si facile. Et puis surtout, on avait une image de la Chine qui était une Chine communiste, dure, totalitaire etc, donc je ne vais pas rentrer dans l’aspect politique, ça ne m'intéresse pas. Mais donc c'est vrai qu'on avait, ce n'était pas l'endroit où, premièrement, on pensait à aller étudier à l'étranger. On pouvait penser à étudier en Angleterre, aux Etats Unis, mais alors aller étudier en Chine, ça, c'était extrêmement bizarre. Moi, comme j'étais vraiment poussé par cette passion pour cette, par ce système médical, voilà, j'ai sauté un peu dans le grand vide, sans savoir où j'allais. Et puis finalement, j'ai été accueilli d'une manière fantastique, comment dire…dans un campus universitaire. Et puis ce qui est très, très marrant, c'est que chaque fois qu'on me demande où j'ai étudié en Chine, autrefois, chaque fois que je disais l'endroit où j'ai étudié en Chine, personne ne connaissait « Bah, on ne sait pas ». Et aujourd'hui, maintenant, tout le monde connaît, parce qu'il s'agit de Wuhan. Wuhan où à priori, l'épidémie qui nous a mis la pagaille ces dernières années aurait démarré. Et donc voilà, donc tout le monde sait où est Wuhan. Donc j'ai étudié à l'époque où il n'y avait pas encore tous ces problèmes-là, je vous rassure, ça fait trente ans en arrière, ce n'est pas aujourd'hui. Et voilà. Donc j'ai étudié dans cette ville, dans un campus universitaire. J'ai eu des professeurs chinois remarquables qui m'ont accueilli vraiment d'une manière fabuleuse, c'est-à- dire que comme j'étais un petit peu, au départ en tout cas, après il y a eu des occidentaux qui m'ont suivi, donc j'étais moins originale, au départ, j'étais très, très, originale, et si vous voulez, pour eux, c'était un bonheur d'avoir un étudiant qui n’était pas chinois, un étudiant qui, beaucoup sont devenus, je ne dirais pas des amis, je ne dirais pas que mes professeurs sont des amis, mais en tout cas, déjà assez proches, ils m’invitaient chez eux, on mangeait, on faisait des anniversaires etc. Et donc c'était vraiment très agréable d'être privilégié parce que j'ai eu vraiment un enseignement privilégié à cette époque-là. On m'a vraiment bien, bien, bien servi, j'ai voilà, j'ai eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de chance.

Caroline : OK.

Philippe : Voilà. Donc j'ai étudié, j'ai fait mon cursus là-bas. Je suis revenu ensuite en Europe, en France, où j'ai commencé à pratiquer. Et puis, encore une fois, ma vie a été parsemée de circonstances particulières qui m'ont amené là où je suis, c'est-à-dire que j'ai l'impression de ne pas avoir eu le choix, et qu'en fait, c'est le…je ne sais pas comment on appelle ça, le hasard ou le destin, ou je ne sais pas, et qui m'ont amené à des endroits très précis. Et notamment, j'ai fait un certain nombre de rencontres qui m'ont amené à écrire mon premier ouvrage. Alors que vraiment, si on m'avait dit qu'un jour j'écrirai un livre, j'aurais rigolé. Aujourd'hui, il y en a trente-cinq ou plus de trente-cinq qui ont été publiés. Et voilà, ça a commencé et j'ai fait ce premier ouvrage, ces deux premiers ouvrages sur l'acupuncture, qui ont beaucoup plu, qui m'ont donc amené à être en contact avec des étudiants, des praticiens dans ce domaine-là, qui m'ont demandé si j'avais, si je pouvais enseigner, etc. Encore une fois, je ne pensais pas avoir pour objectif dans ma vie d'enseigner la médecine chinoise, et puis ça s'est fait comme ça. C'est-à-dire que je n'avais ni prévu d'écrire des livres ni prévu d'enseigner. Et pourtant, ce sont devenu, également, mes deux autres je dirais activités professionnelles, qui voilà, qui prennent beaucoup, beaucoup de temps dans ma vie. Voilà. Là où… je ne sais pas si j'ai résumé suffisamment…

Caroline : Si, si, si. J'ai une question plus spécifique. Pourquoi est-ce que vous avez senti que vous ne pourriez pas être un professionnel accompli si vous ne partiez pas en Chine ?

Philippe : Pour deux raisons. Rien de rationnel au départ, c'est plus une intuition, un sentiment que les professeurs que j'avais, surtout un qui faisait, comment dire, qui se faisait passer pour ce qu'il n'est pas, je sentais en fait que c'était…il manquait beaucoup de choses, que ce n'était pas cohérent, que c'était plus ou moins bidon. Et puis, comme je l'ai beaucoup fréquenté, j'ai vu, je dirais, comment dire, l'arrière cuisine, et j'ai vu que ce n’était pas extraordinaire, c'était beaucoup de bluff, beaucoup d'apparence et que, moi, mon objectif c'était étudier. Et qu’il s’est même opposé au fait que je continue à aller étudier en Chine etc, il a tout fait pour l'empêcher. Donc j'ai bien vu que là il y avait un problème. Il y a un problème majeur. Donc ça c'est une première chose. Deuxième chose, l'erreur qu'il a faite, ce monsieur, c'est d'avoir invité des médecins chinois, pour donner des cours très ponctuellement dans son école et, où j'ai fait connaissance de certains avec qui j’ai sympathisé, et qui m'ont dit carrément « Ecoute Philippe, on voit que tu es au-dessus de la mêlée, quand on pose des questions, tu es un des rares à y répondre. Mais si tu veux vraiment étudier la médecine chinoise, il faut aller en Chine quoi ». C'est…Ils m’ont dit « Il n’y a rien à discuter là-dessus » quoi, donc... Encore une fois, si on m’avait dit que j'allais étudier un jour en Chine, j'aurais bien rigolé. Et puis finalement, ça s’est fait. Et puis voilà quoi, l'aventure a commencé.

Caroline : Et parce que à l'époque, il n'y avait pas autant de connaissances, autant d'accessibilité au niveau des connaissances sur la médecine chinoise qu'aujourd'hui ?

Philippe : Oui, je pense que c'était le cas et c'est encore, enfin, il n'y a pas eu beaucoup d'évolutions. Ce que je veux dire, on va dire il y a une connaissance générale des choses qui est un peu meilleures, mais il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à introduire en Occident, je ne parle pas simplement de la France, mais de l'Europe, de l'Occident, il y a encore beaucoup de choses à introduire. On n'est qu'au début de quelque chose. Donc oui, à l'époque, ce n’était pas suffisant, aujourd'hui, c'est encore insuffisant. Mais il y a encore beaucoup de gens qui travaillent à ce que la, comment dire, les connaissances générales montent en Occident dans ce domaine-là. Bien sûr, certains pays sont plus avancés que nous. Par exemple, aux Etats Unis, je pense aussi l'Australie, sont un peu plus avancés parce que voilà, ce sont des études à temps complet, quasiment universitaires, qui sont de plus en plus exigeantes, et de plus en plus, comment dire, d'enseignants, sont allés étudier en Chine, parlent chinois, ont un accès à la source. Si vous voulez bien transmettre la médecine chinoise, il faut penser à la manière de la médecine chinoise. Et la médecine chinoise ce n'est pas une naturopathie déguisée en chinoise, ça n'a rien à voir. C'est vraiment une autre manière de penser le monde.

Une autre manière de penser l’être humain, les pathologies. D’accord ? Donc, il faut que les gens qui transmettent aient eu d’abord, comment dire, ils aient assimilé cette manière de pensée particulière, cette pensée particulière de l’être humain, et d’autre part, un accès aux Chinois qui est la source actuellement incontournable de ce domaine-là. Donc, et comme c’est, il y a peu de gens qui, enfin, il y en a de plus en plus, mais peu de gens qui arrivent véritablement à maîtriser le chinois médical ancien et contemporain pour faire des recherches, qui demande quand même beaucoup, beaucoup d’efforts, c’est pour ça que la progression est un petit peu, un peu lente. Voilà.

Caroline : D’accord. Est-ce que, donc, si jamais, maintenant on peut rentrer un peu dans ce qu’est la médecine chinoise, je suis notamment, ça m’intéresse qu’on rentre dans ce que vous venez de dire, sur c’est une autre manière de penser l’être humain.

Philippe : Exactement. D’abord, ce qu’il faut comprendre Caroline, c’est que la médecine chinoise, c’est comme la médecine occidentale, la médecine conventionnelle, la nôtre, d’accord ? Qu’on a en Europe, en Occident général, puis enfin à travers le monde. C’est un système médical. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que la médecine, ce n’est pas qu’une thérapeutique. Par exemple, l’aromathérapie n’est pas une médecine, c’est simplement une thérapeutique, parce que l’aromathérapie se base sur la science médicale actuelle, la science médicale occidentale, sans ce système médical, enfin, cette science médicale occidentale, l’aromathérapie n’est rien. Elle se base sur la pensée occidentale. D’accord ? C’est ça que je veux dire. C’est quoi un système médical ? On a un système médical, comme la médecine chinoise, comme la médecine occidentale, comme la médecine ayurvédique, comme la médecine tibétaine, ce sont des systèmes médicaux. Il y a en fait une représentation de ce qu’est l’être humain au niveau de son anatomie, de sa physiologie, c’est comment il fonctionne, d’accord ? Ensuite, on a un certain nombre d’outils pour comprendre les déséquilibres. Comment il perd la santé ? Comment il arrive à être malade ? On parle de physiopathologie si vous voulez. Il y a aussi tout un système qui permet d’étudier les causes des maladies. Par exemple, en médecine conventionnelle, on va dire voilà, cette maladie provient de telle bactérie, de tel virus, de tel déséquilibre du système organique. OK. La médecine chinoise, c’est une autre dialectique, comme en médecine ayurvédique ou en médecine tibétaine, c’est une autre manière d’interpréter ces pathologies. Donc il y a les causes des maladies. Il y a le mécanisme des maladies, la physiopathologie. Il y a les causes des maladies, ce qui les provoque. D’accord ? Et puis, il y a ensuite toute une batterie, si vous voulez, d’outils pour faire un bilan, pour dire bon voilà, « Cette personne a-t-elle des pathologies ? » OK ? Mais de quelle nature, de quelle nature est cette pathologie ? Parce que selon, si vous voulez, alors, c’est peut-être un petit peu moins présent en médecine occidentale, en médecine chinoise et en médecine tibétaine, médecine ayurvédique, c’est pareil, une même maladie, prenons par exemple les douleurs de règles. D’accord ? Beaucoup de femmes ont des douleurs de règles. Sauf qu’il n’y a pas, si vous voulez, un seul, comment dire, type de douleurs de règles. Il y a différents, différents types de douleurs de règles, et que si vous voulez avoir des résultats pour améliorer la santé de vos patientes, vous avez intérêt à utiliser le traitement qui est adapté au type de douleurs de règles. Basé sur ce qu’on appelle le diagnostic différentiel des syndromes en médecine chinoise, et qui permet si vous voulez d’avoir ensuite une thérapeutique la plus proche des besoins de la personne. C’est ça qui est intéressant. D’accord ? Ensuite, ce qu’il faut savoir, c’est que quand je dis que la médecine chinoise est un système, c’est qu’également bien entendu, elle intègre bien sûr des thérapeutiques. Les thérapeutiques les plus connues en Occident, c’est l’acupuncture. Mais il y a aussi il ne faut pas oublier celle qui est la plus importante en médecine chinoise, celle qui est la plus utilisée en Chine, pas depuis quelques jours, mais depuis le début, c’est la phytothérapie chinoise, c’est-à-dire les plantes chinoises. Enfin, quand on dit plante chinoise, en réalité, il y a aussi quelques substances animales ou minérales aussi en plus des végétales. Donc il y a la, bien sûr, la phytothérapie chinoise, il y a l’acupuncture, il y a le massage chinois qui, on va dire, qui intègre un peu, je dirais, l’équivalent de notre kinésithérapie et une forme d’ostéopathie, différents de la kinésithérapie occidentale, différente de l’ostéopathie occidentale. Mais des choses comme ça qui… c’est pour vous donner une idée de ce que regroupe cette spécialité. Et il y a aussi la diététique chinoise, fabuleuse. La diététique chinoise, ce n’est pas seulement pour vous expliquer si vous voulez, ce qu’il faut manger ou pas, bien sûr qu’elle fasse ça, mais aussi, c’est utiliser les aliments comme médicaments. Voilà, je vous donne un petit exemple tout simple. C’est si vous avez une hypertension artérielle, certaines hypertensions artérielles répondent bien au céleri ou au jus de céleri ; je parle du céleri branche.

Caroline : Oui.

Philippe : D’accord ? Ça, c’étaient les Chinois en premier qui ont découvert ça. Maintenant il y a quelques collègues occidentaux qui ont retrouvé aussi cette idée-là, mais en réalité ça fait depuis longtemps qu’en Chine on utilise, comment dire, le céleri pour traiter l’hypertension artérielle, par exemple, c’est un exemple comme ça. Voilà, ça c’est les thérapeutiques principales. Et on pourrait… alors ça, c’est ce que je viens d’écrire, c’est le système médical chinois. D’accord ? Donc anatomie, physiologie, physiopathologie, étiologie et thérapeutie, diagnostique et thérapeutique. OK ? C’est tout ça. En parallèle, il y a une chose en supplément, qui normalement n’est pas classifiée à l’intérieur de la médecine chinoise, mais qui est plutôt en parallèle. C’est ce qu’on appelle le Yang Sheng. Le Yang Sheng, si vous voulez, c’est les méthodes de prévention, les méthodes de préservation de santé. C’est ce que l’on peut mettre en place, si vous voulez, dans différents domaines pour avoir la meilleure santé possible et la plus longue possible.Ce dont, la civilisation chinoise, comment dire, une si vous voulez des idées majeures, n’est pas forcément d’être le plus gentil possible pour aller dans un paradis, au paradis après la mort, ça c’est plutôt dans nos sociétés occidentales, donc influencé par les religions monothéistes. D’accord ? Ça, on n’en est pas conscient, mais ça, vraiment, structure notre pensée. En Chine, il n’y a pas ça. En Chine, c’est plutôt vivre, enfin, devenir immortel. Chez nous, on veut être, il faut être gentil pour arriver au paradis. En Chine, c’est faire en sorte de devenir immortel là et maintenant. Ce n’est pas après que ça se passe, ça doit être maintenant. On ne sait pas si les gens sont allés au paradis ou si les gens sont devenus immortels en Chine, mais en tout cas, c’est ce qui, si vous voulez, on va dire, structure la pensée du peuple chinois. C’est pour ça que c’est un des éléments qui fait que c’est une pensée différente. Et donc c’est pour ça qu’ils ont mis en place tout un certain nombre de stratégies pour vivre le mieux possible et surtout le plus longtemps possible, pour devenir, pour tenter de devenir immortels. Mais ça, ce n’est pas à proprement parler la médecine chinoise. Et là où on met par exemple le fameux Qi Gong, qui vous savez probablement est une forme de travail physique qui permet… alors, beaucoup disent de gymnastique chinoise, enfin, c’est un peu une insulte parce que c’est, ça va au-delà, ça prend un travail, ce n’est pas qu’un travail, si vous voulez, physique, ça fait travailler aussi bien sûr le physique, mais aussi l’esprit, et il y a ce qu’on appelle le chi, l’énergie. Donc il y a différents aspects de l’être humain qui sont activés pour arriver à avoir le meilleur équilibre, physique, émotionnel, spirituel. Si vous voulez, pour atteindre cette fameuse immortalité ou tout au moins une bonne santé. Et donc, normalement, le Qi Gong fait partie du Yang Sheng, qui lui-même n’est pas véritablement de la médecine chinoise, mais plutôt en parallèle, de la médecine chinoise.

Caroline : Et est-ce qu’il y a d’autres ? Alors, à la limite, tant qu’on est en train de parler du Yang Sheng on va peut-être enchaîner là-dessus pour ensuite revenir sur les différents… j’ai oublié le terme que vous utilisez, mais les différentes façons d’aider un patient, et peut-être des techniques, je ne sais pas, l’acupuncture, la phytothérapie, le massage chinois…

Philippe : Oui, enfin, au niveau des thérapeutiques de la médecine chinoise, on a donc l’acupuncture, c’est ce qu’il y a de plus connu chez nous, les plantes chinoises, la diététique chinoise, le massage chinois, ça, c’est vraiment les quatre, les quatre majeurs. Après, il y a des petites choses qui peuvent se greffer sur l’une ou sur l’autre, mais ça, c’est les majeurs.

Caroline : D’accord.

Philippe : Certains ajoutent le Qi Gong, mais c’est une erreur historique. C’est ceux qui ne connaissent pas le monde chinois ni la médecine chinoise, ils rajoutent, pratiquement tout le monde rajoute le Qi gong, mais non, le Qi Gong appartient au fameux Yang Sheng, qui est plutôt les méthodes de prévention, qui est un sujet différent.

Caroline : Et dans ces méthodes de prévention, on retrouve quoi d’autre, du coup ? Si… par exemple, j’imagine qu’il y en a plein.

Philippe : Oui, il y a plein de choses très différentes. Par exemple, il y a l’idée que pour être en bonne santé, il faut suivre les rythmes de la nature. Donc il y a une manière de manger pour chaque saison, une manière de s’habiller pour chaque saison, une manière de dormir, enfin une manière de dormir, mais des horaires plus adaptés pour dormir plutôt l’hiver ou l’été, etc, etc. En d’autres termes, il y a toute une batterie de recommandations pour suivre les rythmes de la nature. Il y a une chose qu’on a oubliée nous, êtres humains contemporains, c’est que nous baignons en permanence dans la nature. Bien sûr qu’on s’est déconnecté de la nature, bien entendu, qu’on n’a plus conscience, comment dire, d’être influencé par les cycles de la lune, les cycles, comment dire, du jour et de la nuit, des saisons, etc. On a oublié tout ça, mais c’est une réalité physiologique. Et la médecine chinoise dit si on suit, si on va dans le sens du courant, on est porté par le courant, donc on a moins d’efforts et on a plus d’énergie. Vous pouvez être à contre-courant, c’est votre droit le plus absolu, mais ça sera plus difficile, plus coûteux, plus fatigant. Et donc ça, ça coûte en général de la vie. Vous pouvez mal manger, fumer, vous droguer, boire de l’alcool, faire la fiesta régulièrement, vous avez le droit, mais ça, ce n’est pas suivre les rythmes, comment dire, de la nature. Et forcément, ça va épuiser beaucoup plus rapidement votre organisme.

Caroline : Et donc, moins de chance de vivre le plus longtemps possible.

Philippe : Tout à fait. C’est ça. Alors ça, voilà, ça, c’est une histoire des cycles de la vie. Après, il y a des recommandations, par exemple, justement pour avoir une activité physique, énergétique, spirituelle, à travers par exemple le Qi Gong, il y a tout un tas de choses intéressantes. Il y a ce qu’on appelle les autos massages ; beaucoup d’automassage, de certains points d’acupuncture pour stimuler ceci ou cela en fonction de nos souffrances. Nous sommes, nous naissons tous si vous voulez avec des forces et des faiblesses, à la naissance. Vos faiblesses peuvent être contrôlées justement par ces méthodes de Yang Sheng, ces méthodes de prévention, notamment par des automassages. Ça ne règle pas tout. Si vous avez une maladie génétique terrible, des fois ça ne suffit pas, même d’avoir une super hygiène de vie. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Mais pour un bon nombre d’entre elles, certaines personnes qui sont programmées pour faire du diabète, des maladies cardiaques, s’ils font attention toute leur vie à leur santé, avec ces méthodes-là, ils peuvent éviter de tomber malades.

Caroline : Vous avez eu des cas comme ça, des personnes que vous avez pu suivre ?

Philippe : Je vais vous dire. Le mode occidental, le monde occidental ne pense pas au futur. On a du mal à se projeter. Quand on est jeune, à fond, on a la pêche, etc, on ne pense pas à faire attention à son hygiène de vie, à préserver sa santé, etc. Donc c’est très difficile de venir, de voir des gens qui viennent à nous pour dire « Voilà, j’ai vingt-cinq ans, j’ai la pêche et je veux continuer à l’avoir jusqu’à cent vingt-cinq ans ». Voilà « S’il vous plaît, faites-moi vivre cent ans de plus », on n’a pas cette demande-là. Qu’est-ce qu’on a comme demande ? Je vais vous dire. Mon cabinet, il est uniquement rempli de gens qui ont déjà des souffrances. Quand… alors, j’ai des jeunes enfants aussi, des, malheureusement qui sont malades très tôt, parce que voilà, comment dire, dans leur constitution, dans leur terrain, malheureusement, il y a une grande faiblesse qui fait qu’ils sont très vite malade. On a des ados, on a des adultes, on a des personnes plus âgées, du troisième âge, du quatrième âge, etc. Mais tous sont déjà malades. Ils ne viennent pas pour la prévention. Donc pour être honnête, de temps en temps, on arrive qu’on a contrôlé une pathologie d’un patient, après lui proposer un plan, un programme de maintien de sa santé qui sont basés sur ces règles, comment dire, de prévention. Mais ce n’est pas le plus souvent. Le plus souvent, les gens dès qu’ils vont mieux, en général, ils arrêtent, ils continuent rarement. Il y a quand même, on a quand même bien sûr dans notre patientèle des patients fidèles qui sont là très souvent, des fois on se demande même nous pourquoi ils sont encore là. OK. Mais la plupart, dès qu’ils ont obtenu ce qu’ils ont… ce qu’ils cherchaient, ils disparaissent. Ce n’est pas un reproche, mais c’est vrai que ça serait à ce moment-là qu’il faudrait mettre en place de la prévention et ils ne sont pas, ils ne sont pas en demande. Alors, c’est peut-être aussi ma faute ou la faute de notre profession de ne peut-être pas assez insister sur cet aspect-là.

Caroline : J’allais dire, est-ce que ce n’est pas lié aussi tout simplement à la médecine occidentale qui ne fait pas très attention à la prévention ? On est plutôt dans un système occidental où on va soigner plutôt que prévenir.

Philippe : Il y a de ça. De toute façon, la médecine occidentale, malgré ce qu’elle vous dit, fait zéro prévention. Ils confondent prévention et diagnostic précoce. Découvrir une maladie précocement, ce n’est pas ça la prévention. La prévention, c’est faire en sorte que la personne ne tombe pas malade. C’est ça la vraie prévention. Donc la médecine occidentale ne fait pas de prévention. D’accord ? Ce n’est pas grave, vive la vie. Mais, ce n’est pas sa particularité. Et en effet, je dirais que nos populations ne sont pas habituées à avoir l’idée de « Peut-être que je peux mettre des choses en place dans ma vie pour éviter d’être diabétique, d’avoir de l’obésité, des maladies cardiaques, des maladies respiratoires, etc ». Ça ne fait pas partie de notre culture. Et même en Asie, où cette culture est un petit peu plus développée, bien sûr qu’ils ne sont pas la majorité à faire ça.

Caroline : D’accord.

Philippe : Et ce qui est très marrant de voir en Chine, c’est qu’au moment de la retraite, où il y a un changement psychologique, souvent ils se mettent « Ah là, attention, ça veut dire que j’arrive à un certain âge ». Et là beaucoup font du Qi Gong, font attention, mieux attention à ce qu’ils mangent, on fait attention au rythme des cycles de nature, etc. Quoique, il y a encore une majorité de Chinois qui vivent dans les campagnes où il y a un peu plus cette habitude de respecter un certain nombre de cycles naturels, etc. Et il y a tout un savoir populaire. On retrouve par exemple dans certains aspects de la diététique chinoise, par exemple, dans la formation que je donne sur la diététique chinoise, on a tout un, comment dire, une partie du cours où c’est, en fait, ce qu’on appelle ça des recettes de diétothérapie, mais populaire en fait, qui viennent en fait de ce que font, ce que faisait en tout cas beaucoup, peut-être un peu moins aujourd’hui, les gens des campagnes pour se soigner, parce qu’ils n’avaient pas toujours les moyens de se soigner avec des plantes ou des médicaments, que sont la médecine occidentale et d’introduction relativement récente, en Chine. D’accord ? Et actuellement, ils sont au même niveau que nous, sauf qu’ils nous ont dépassés sur beaucoup, beaucoup de choses. Même en médecine occidentale, on n’en est pas conscient en Occident, parce qu’on est dans notre bulle, mais en réalité, ils nous ont dépassés sur beaucoup de choses. Donc ils utilisent beaucoup la médecine occidentale, mais demeurent encore, enfin, demeuraient autrefois, il y a ne serait-ce que trente, quarante, cinquante ans en arrière, beaucoup de gens qui vivaient dans les campagnes qui n’avaient pas accès aux médicaments ou très difficilement, ou peu, ou n’avaient pas les moyens. Donc ils étaient obligés d’utiliser des légumes, des céréales de tous les jours pour soigner des petits bobos de tous les jours. Pas un cancer en stade terminal, on est d’accord. Mais si vous avez une gastrite, un ulcère de l’estomac, de la toux, un gros rhume, une grippe, on n’avait pas toujours les médicaments adaptés. Qu’est-ce qu’on a fait ? On a utilisé ce qu’on avait à disposition, dans la cuisine, dans les champs.

Caroline : Est-ce que vous avez des exemples à nous donner ?

Philippe : Tout à l’heure, l’exemple que je vous ai donné pour, comment dire, le céleri, c’en est un.

Caroline : Oui.

Philippe : On s’est aperçu que le céleri branche, et plus particulièrement le jus de céleri branche, si vous en prenez l’équivalent de deux beaux verres à moutarde par jour, grâce à terme, au bout de dix-quinze jours, une modification de votre tension artérielle, à partir du moment où on est plutôt dans ce qu’on appelle nous dans le jargon de la médecine chinoise, due à une montée du Yang du foie, on ne va pas rentrer dans les détails, c’est un type si vous voulez d’hypertension artérielle. C’est plus si vous voulez les hypertensions qui sont plus sensibles aux émotions, c’est que certains hypertendus ont leur tension qui augmente lorsqu’ils sont un peu plus énervés, un peu plus émotifs, etc. Pour ces personnes-là, le jus de céleri, par exemple, est remarquable. Voilà, ce n’est pas un médicament le jus de céleri, et pourtant ça peut faire office de médicaments. Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre des médicaments pour l’hypertension, que les gens qui ont un problème d’hypertension aillent voir surtout leur médecin pour prendre ce qu’ils ont à prendre, etc. Je dis simplement que, par exemple, si, comment dire, un patient qui a de l’hypertension, je parle de chez nous, pas ce qu’on fait en Chine, mais ce qu’on a chez nous, quelqu’un qui aurait de l’hypertension, qui a du mal à être, comment dire, contrôler, d’ajouter du jus de céleri en plus, ce serait sans doute une bonne solution.

Caroline : Ça ne peut pas lui faire de mal.

Philippe : Voilà. Après, il y a plein de choses. Par exemple, le jus de pomme de terre pour, comment dire, traiter les ulcères d’estomac. Des choses comme ça. Le chou pour les douleurs articulaires, le chou directement, les feuilles de chou concassées qu’on peut mettre localement. Tout simplement le sel de cuisine ; vous pouvez mettre, vous faites réchauffer du sel de cuisine avec des semences qu’on a, des graines de fenouil, d’accord ? Des graines de fenouil. Vous voyez, ce n’est pas très, très chimique, tout ça ; du sel, moitié-moitié du sel et graines de fenouil ; vous les faites sauter dans une poêle à sec ; quand c’est assez chaud, vous le mettez dans une gaze ou même une chaussette en coton, pourquoi pas ? Il faut que ça soit bien tiède ; et ça vous le mettez localement sous la région lombaire quand vous avez des douleurs lombaires. Et parfois de faire ça deux fois par jour pendant dix jours, quinze jours, vous allez avoir assez souvent la surprise de se dire « Mais bon sang, j’ai moins mal » ou « Je n’ai plus mal ».

Caroline : Et comment, comment on l’explique ? Est-ce qu’il y a des explications ? Est-ce que non c’est…

Philippe : Si, si, si. C’est la grande question. C’est : comment ils ont fait pour trouver autant de plantes qui traitent autant de pathologies ? Comment ils ont fait pour trouver tous les points d’acupuncture ? Comment ils ont fait pour trouver ce genre d’exemples, que je vous donne là ? Comment ? Comment ils ont fait ? Ce n’est pas facile à répondre en réalité Caroline. Bon, d’abord, ce qu’il faut prendre conscience, c’est que la Chine est une civilisation qui a environ cinq mille ans. La France, pour vous donner une petite idée, les historiens disent c’est mille cinq cents ans. D’accord ? La France, hein.

Caroline : Oui, oui.

Philippe : Je ne parle pas de, comment dire, de la Gaule, etc. Bon, admettons. Mais même si vous prenez la Gaule, etc, c’est quoi ? C’est deux mille ans, deux mille cinq cents ans. La Chine, c’est cinq mille ans, donc forcément sur ces cinq mille ans, les gens aussi ont eu besoin, même il y a cinq mille ans en arrière, de se soigner, de se nourrir. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont regardé dans la nature, ils ont essayé plein de choses. Je n’ai pas de théorie à énoncer là-dedans, mais on peut imaginer qu’à force de consommer telle plante, telle céréale, telle graine, etc, il y en a qui sont morts de l’absorption de certains, d’autres allaient mieux pour le poumon, d’autres allaient mieux pour le ventre, etc, etc. Je pense qu’il y a un aspect empirique important. Et puis une autre chose aussi qu’on a totalement oublié dans notre monde moderne, parce que c’est même lié, simplement ce qu’il y a, les connaissances ne sont pas que mentales et intellectuelles, et rationnelles et scientifiques, elles relèvent aussi de l’intuition, d’une partie qui n’est pas en rapport avec la raison. Et on a en fait dans la médecine chinoise traditionnelle, on parle notamment d’un des créateurs de la médecine chinoise qui s’appelle l’Empereur Shennong ; et cet Empereur Shennong, la légende dit qu’il goûtait les plantes ou les aliments, et qu’il percevait en lui où allait l’effet des plantes : dans le foie, au niveau du cœur, ou ailleurs ; et qu’il pouvait en déduire si ce remède était d’abord un médicament ou un poison ; on dit qu’il avait cette capacité à neutraliser les poisons, mais qu’il pouvait dire « Oui, mais cette plante, c’est du poison, donc ça il n’en faut pas ». Et à partir de ses expériences, il disait « voilà, cette plante agit dans tel endroit, elle fait ceci, fait cela, et traite cela ». Et la première matière médicale chinoise, la matière médicale si vous voulez c’est un ouvrage où on compile les indications des plantes médicinales chinoises, des substances minérales, végétales et quelques animales également. Et on l’appelle justement « La matière médicale de Shennong », Shennong donc ce fameux, en fait, c’était un empereur, un des empereurs mythiques qui ont créé l’association chinoise et lui, il a créé tout ce qui a rapport avec l’agriculture et l’art des plantes, des aliments, etc.

Caroline : D’accord.

Philippe : Donc, cette partie-là, aujourd’hui, elle nous paraît complètement irrationnelle. C’est quoi cette blague ? Consommer une plante, on sent où ça va, etc. Ça nous paraît fou d’avoir une connaissance autre que le mental. Ça nous paraît fou, mais en réalité beaucoup de gens dans leur quotidien n’utilisent pas que leur mental, mais aussi leur intuition, la partie de cerveau droit pour simplifier un petit peu, comment dire, les choses, et surtout pour parler au cerveau gauche qu’on a l’habitude d’utiliser. Voilà. Donc, il y a aussi ça. Il y a des choses, il est évident que ça ne peut pas passer que par l’empirisme. Alors, il y a un empirisme sur cinq mille ans, ça compte, c’est énorme, c’est énorme déjà, mais je pense qu’il y avait autre chose… enfin, ce n’est pas que je pense, c’est une certitude, il y avait aussi des personnes qui ont eu la capacité, qui ont toujours la capacité, moi je connais dans mon entourage, croyez ou ne croyez pas, ça m’est égal, et ça m’est égal à un point où vous ne pouvez pas imaginer, vous me croyez ou pas, qu’il y ait cette capacité de sentir en vous là où ça bloque ou ça ne va pas ou c’est trop chaud, ou c’est trop plein ou c’est trop déficient ou voilà. Il y a cette approche aussi des réalités. Bien sûr que ça fait exploser, comment dire, les gens qui sont ultra rationnel, qui ne pensent qu’avec le cerveau, ça, c’est évident.

Caroline : En médecine chinoise, il y a une grosse… Est-ce qu’on peut dire qu’il y a une place du coup qui est laissée à l’émotionnel ? Est-ce que c’est accepté ? Parce qu’en médecine occidentale, ça ne l’est pas trop, voire pas du tout.

Philippe : Alors, c’est très simple. En médecine chinoise, on considère qu’il y a trois grandes causes de maladie. Les premières, ce qu’on appelle les causes externes. C’est quoi ? C’est le vent, le froid, l’humidité, la chaleur. Comment dire, je dois en avoir un autre qui est la sécheresse et ce qu’on appelle la canicule. Il y en a six qui sont censés être des facteurs climatiques qui, sur certaines circonstances, peuvent attaquer le corps et le perturber. Dans la vision chinoise, il faut comprendre qu’il y a une chose qui est très importante, et après je vais continuer Caroline. C’est que vous devez comprendre que notre manière de voir le monde, c’est simplement un système de croyances et le système de croyances actuel, celui qu’on utilise en général dans notre monde, c’est celui de la science moderne est ce n’est pas la vérité, ce n’est pas la réalité. C’est une représentation du réel. Et qu’il y en a d’autres. Et quand on a compris ça, déjà, on est un peu plus relax et peut-être un peu plus tolérant sur des points de vue qui sont différents du nôtre. Et comprendre que notre science n’est pas la vérité bon sang. On le croit, beaucoup de gens le croient, mais non, c’est simplement une représentation, une tentative de représentation du réel. La médecine chinoise est une autre présentation. La médecine conventionnelle, la médecine ayurvédique ou tibétaine sont d’autres manières de comprendre le réel, d’interpréter le réel. OK ? Et dans cette manière d’interpréter le réel, en médecine chinoise, on pense que ces six facteurs climatiques externes sont des causes de maladies. On ne parle pas de virus, on ne parle pas de bactéries, par exemple, pour parler d’un syndrome grippal ou du covid. Mais on va parler d’atteinte externe de ces six facteurs pathogènes. Les six n’attaquent pas en même temps, c’est peut-être l’un, c’est peut-être une combinaison de deux, il n’y a pas forcément les six d’un coup. Donc ça, c’est une première cause de maladie. La deuxième cause de maladie, c’est les causes internes. Les causes internes ce sont ce qu’on appelle les sept émotions, ce sont les sept émotions qui, si vous voulez, sont une grande cause de déséquilibre plutôt interne de nos organes, qui vont faire qu’on va avoir de l’asthme, un trouble digestif, des problèmes cardiaques ou autres, plein d’autres choses. Donc c’est extrêmement développé, ça a été, enfin, c’est une de mes grandes passions, tout ce qui tourne autour des émotions. Et surtout, j’ai beaucoup, beaucoup de recherches dans ce domaine-là. Et je peux vous garantir que la médecine chinoise prend considérablement bien en compte les causes émotionnelles, les pathologies et le rôle qu’elles tiennent, si vous voulez, dans nos vies. Soit d’un point de vue physiologique, parce que les émotions, à un certain niveau, sont normales, une partie de ce que nous sommes, et les émotions quand elles deviennent pathogènes, qu’elles perturbent notre organisme, soit au niveau de notre esprit, de notre corps ou les deux, et amènent à des pathologies. D’accord ? Et puis pour finir l’histoire des causes des maladies, un troisième type de cause qu’on appelle les causes ni externes ni internes, qui sont un ensemble en fait de causes qui sont par exemple, le fait de mal manger, d’avoir une mauvaise diététique, ça, c’est une cause ; les blessures, les coups qu’on peut recevoir, les traumatismes, les piqûres d’insectes ou d’un serpent qui vous pique, c’est, d’accord, ce genre de choses, et bon, il y a d’autres phénomènes. Mais en fait, ce sont des causes qui ne sont pas dues à ces facteurs climatiques externes ou aux émotions.

Caroline : OK. Très, c’est très clair. Est-ce qu’on peut peut-être rentrer un petit peu dans le détail de l’acupuncture ? Comme on a bien dégrossi, je dirais, la médecine chinoise, pour vraiment rentrer dans cette pratique thérapeutique qui est l’acupuncture. Donc, qu’est-ce que c’est ? Comment ça se passe ? Et puis quels bienfaits ça nous apporte ?

Philippe : Alors, l’acupuncture si vous voulez est basée sur l’idée que le corps humain, pour bien fonctionner, bien sûr, il a un cerveau, il a un squelette, un tas d’organes, et tout ça est plus ou moins en lien les uns avec les autres, mais qu’il y aurait justement un réseau, un peu comme internet, qui connecte un certain nombre de choses ensemble pour que ça fonctionne en harmonie. Il faut par exemple que le cœur et les poumons soient en harmonie pour que le côté cardiaque et respiratoire fonctionne bien, si vous voulez. Et il y a des milliers d’exemples. Donc il y a un certain nombre de choses qui doivent fonctionner ensemble. Il faut quelque chose qui connecte ces choses ensemble, ce qui connecte ces choses ensemble, ce sont ce qu’on appelle les méridiens. Les méridiens qui est une très mauvaise traduction d’ailleurs, du terme Jing en chinois, et ces espèces de réseau qu’on a en surface du corps, mais aussi à l’intérieur du corps, qui va connecter notre cerveau, notre cœur, nos organes, etc, etc, et qui participent donc à la physiologie, au bon fonctionnement de l’être humain. Si vous fonctionnez bien, vous êtes en bonne santé Caroline, c’est parce qu’aussi, vous avez ces méridiens. Et donc ensuite, les Chinois s’étant aperçus de cela, ils se sont aperçus que sur ces méridiens il y avait comme une espèce d’interrupteurs, qu’on appelle points d’acupuncture. En fait des interrupteurs qui vont faire que, selon l’interrupteur que vous allez choisir, ça va augmenter ou diminuer l’activité dans un organe, dans un tissu, dans un système organique ou autres. Donc c’est une manière, si vous voulez, de réguler le fonctionnement du corps, le plus souvent quand il est malade ou même en prévention. Si vous savez que tous les printemps vous allez faire des allergies respiratoires, vous avez moyen en hiver de faire par exemple certains types de traitements en acupuncture pour prévenir, pour faire que le système soit plus fort et prêt au moment où les allergies vont arriver au mois de mars par exemple, ou avril, ou plus tôt, en ce moment, tout se dérègle un petit peu, mais bon voilà. Donc ça veut dire quoi ? En clair, l’acupuncture, c’est l’action avec certains instruments dont on va parler, sur ces fameux méridiens, donc ce réseau, à travers des zones particulières de ce réseau, qui sont les points d’acupuncture. Et bien sûr, on stimule ces points d’acupuncture avec quoi ? Alors, il y a plusieurs choses, mais bien sûr les aiguilles d’acupuncture. D’accord ? On a aussi la moxibustion parce qu’en fait le terme qu’on utilise en Chine, ce n’est pas le terme, on n’utilise pas le terme acupuncture. Le vrai terme c’est Zhēnjiu. Zhēnjiu veut dire littéralement « Aiguille et Moxa ». C’est quoi cette histoire-là ? Aiguille, c’est les aiguilles d’acupuncture, OK, donc il y a bien l’aiguille. Et le moxa, c’est quoi ? C’est une plante, un type d’armoise qui est préparé de manière particulière, on dirait presque du coton, mais qui a une couleur un peu beige, et cette plante est utilisée avec des petits cônes pour stimuler certains points d’acupuncture. On les chauffe, on les brûle, d’accord ? Ça s’allume, un peu comme une bougie, sauf que ça, ça se consume beaucoup plus vite. Alors il y a beaucoup de techniques différentes. Des fois ça touche la peau, des fois ça ne touche pas la peau, dès fois entre la peau et le moxa il y a quelque chose qu’on met à côté, des fois on met le moxa au-dessus de l’aiguille, donc on a l’aiguille et le moxa en même temps, des fois ce sont des bâtons de moxa où on chauffe une zone, il y a des boîtes à moxa, c’est des grosses zones sur le ventre où on va mettre beaucoup de moxas. Il y a beaucoup de techniques parce qu’une autre manière donc de stimuler ce réseau de méridiens, c’est la moxibustion, ce qu’on appelle la moxibustion, qui utilise l’armoise, qu’on appelle plutôt en général moxa.

Caroline : D’accord.

Philippe : D’accord ? Bien sûr qu’il y a d’autres manières de stimuler. Il y a comme un petit marteau avec des petites aiguilles qu’on appelle le marteau à fleur de prunier, qui peut stimuler aussi les méridiens, ou simplement un point. Il y a le Gua Sha qui est une espèce de, à l’origine qui était un morceau de corne, ou une pierre, pour frotter fortement certaines zones d’un méridien ; pareil, pour stimuler, pour activer certains aspects dans le corps. Voilà. Donc, il y a ça et d’autres choses. Même le massage chinois, utilise beaucoup le massage, pas que, mais aussi le massage des points d’acupuncture, des méridiens eux-mêmes, et on retrouve ça dans le fameux Yang Sheng d’automassage par exemple. Mais voilà, en tout cas, l’acupuncture c’est ça. C’est un système qui est basé sur l’idée que ça fait partie, les méridiens font partie de, comment dire, de la physiologie comme vos organes. Aussi important. Ce n’est pas en dessous, ce n’est pas au-dessus, c’est pareil. Donc ça fait partie de comment le corps fonctionne. Mais on l’utilise aussi pour réguler votre corps quand il dysfonctionne, à travers ces fameux interrupteurs que sont les points d’acupuncture.

Caroline : Et donc on peut aussi en prévention utiliser nos méridiens et nos points d’acupuncture ?

Philippe : Exactement, parce que l’exemple de tout à l’heure, si vous savez que tous les mois de mars, vous allez faire une allergie respiratoire au pollen, etc, il y a moyen avec l’acupuncture ou la moxibustion pour stimuler les points, certains points d’acupuncture, pour faire en sorte que votre corps soit prêt pour éviter de souffrir de ces allergies ou en tout cas être moins sensible, faire moins de crises, etc. Ce n’est pas de la magie la médecine chinoise, c’est une médecine. Ce que je veux dire par là c’est que parfois ça marche super bien, des fois ça marche correctement, mais insuffisamment, puis des fois ça ne marche pas. Il y a aussi des échecs. C’est comme toute médecine, ce n’est pas de la magie, c’est simplement malheureusement qu’une médecine. Mais on peut faire de très, très belles choses. Et donc là, il y a une vraie possibilité d’aider les gens à aller mieux.

Caroline : Est-ce qu’il y a des points d’acupuncture assez généraux, qu’on peut travailler nous au quotidien sans avoir une grosse connaissance d’acupuncture ?

Philippe : Alors, oui. Il y a une, comment dire, il y a le système qui s’appelle les autos massages, où c’est le fait de masser tel ou tel point dans le corps pour, si c’est des problèmes digestifs, si on est un peu plus angoissé, si comment dire, on a des problèmes respiratoires ou autres, si on a des maux de tête, etc. Il y a une possibilité. Pour que ça fonctionne, il faut le faire tous les jours et très régulièrement. C’est-à-dire que ce n’est pas de temps en temps, si vous massouillez un point, que ça va changer votre vie. Sauf si vous détenez vous-même un pouvoir un peu de guérisseur. Pour cela aussi, il y a bien sûr des différences entre les gens, des gens qui, naturellement, ont leur pouvoir de guérisseur très développé. Moi je pense, pratiquement tout le monde peut devenir guérisseur. Vous savez le guérisseur des campagnes comme on en a chez nous, eh bien il y a aussi ça en Chine, bien évidemment. Mais au-delà de ces aspects-là, tout le monde a cette capacité de soigner à distance, en touchant, en massant les autres personnes. Je ne dis pas de les guérir du stade terminal du cancer. Je ne dis pas ça, bien évidemment. Je parle d’aider la santé ; vous avez un mal de tête, vous avez un peu de nausée, vous êtes fatigué, vous avez un torticolis, des choses simples. On peut presque tous devenir entre guillemets « Guérisseur ». Ça s’apprend, connaître les méthodes, être, comment dire, guidé. Et dans cette idée-là, on peut être notre propre guérisseur en massant le point, et en fonction de votre énergie, vous pouvez être plus ou moins efficace sur vous-même. C’est évident que si vous êtes très malade, très fatigué, vous aurez moins d’impact sur vous-même. Et donc là, du coup, il vaut mieux se faire masser par par votre mari, votre voisin, ou la copine, ou qui vous voulez. Ce que je veux dire par là, c’est que parfois, on n’est peut-être pas le mieux placé pour se soigner.

Caroline : Très bien. Et si on revient sur la phytothérapie, est-ce qu’il y a… donc, vous nous avez donné l’exemple du fenouil, du fenouil et du sel, du céleri. Est-ce qu’il y a d’autres plantes qu’on a, nous, accessibles ? Parce que j’imagine qu’il y a certaines plantes qui sont accessibles peut-être en Orient et pas forcément en Occident. Mais est-ce qu’il y a des plantes comme ça, un petit peu qu’on utilise tous les jours et on ne connaît pas ou on ne sait pas les pouvoirs ou les vertus qu’elles ont ?

Philippe : Alors Caroline, vous parlez plus des aspects diététiques ou plutôt de phytothérapie ?

Caroline : Les deux.

Philippe : Les deux. Presque tous nos aliments peuvent être utilisés pour améliorer notre santé. Beaucoup de légumes, beaucoup de fruits, beaucoup de céréales peuvent avoir un impact remarquable sur notre santé. Bien évidemment, ce qui fait… la différence qu’il y a entre un aliment et un médicament, ou un aliment et une plante, c’est que son pouvoir est moins puissant. On n’aura pas… moins de choses spectaculaires. Mais il y a quand même certains aliments qui, je vous donne un exemple, une graine qui n’est pas forcément, qui ne fait pas partie de notre cuisine à nous, mais qu’on trouve très facilement, c’est les graines de fenugrec, qu’on trouve facilement, enfin, beaucoup dans la cuisine indienne. D’accord ? Du fenugrec vous trouvez ça dans les magasins diététiques, etc, bref. Si vous prenez la poudre de ce fenugrec, par exemple deux ou trois grammes à la fin de chaque repas, vous avez une chance de voir baisser votre, comment dire, votre glycémie. C’est-à-dire, en d’autres termes, ça a un aspect de prévention sur le diabète. Alors, je parle du diabète de type 2, et plutôt pour quelqu’un qui serait en prédiabète. Si quelqu’un, comment dire, prend de l’insuline sur un diabète de type 1, ça il faut oublier, ça ne changera rien à la donne. Par contre, pour quelqu’un qui, parce qu’il… il a la cinquantaine, il ne fait pas d’exercice physique et il mange bien, il est obèse ou en surpoids bien, et qui commence à avoir un peu trop de sucre dans le sang, comme on dit, eh bien cette personne-là, vous lui faites perdre du poids, vous régulez son alimentation, c’est des choses qui sont à faire et à ne pas faire, lorsqu’on est à ce niveau-là, vous lui donnez ce type de poudre de fenugrec, et vous pouvez, assez souvent, si c’est fait sérieusement, éviter qu’il tombe réellement en diabète. Voilà, ça, c’est une forme de prévention, c’est une forme d’aliment-médicament. Parce qu’à l’origine, c’est une épice.

Caroline : Oui, oui. Comme beaucoup d’épices. Beaucoup d’épices…

Philippe : Le fameux, le fameux Jiang Huang, comment on dit en français, je n’ai qu’en chinois là. Vous savez, c’est l’espèce de racines jaunâtres, alors là ça ne me vient plus. Le curcuma, merci. Alors c’est une des plantes qu’on utilise aussi en pharmacopée, elle s’appelle Jiang Huang. Et c’est une substance, pareil, qui au départ était dans la cuisine indienne, est utilisée, mais couramment. Très, très couramment. C’est comme nous on met le poivre. Dans la cuisine des Chinois, on utilise assez peu ce curcuma-là. En revanche, dans la phytothérapie chinoise, oui, on l’utilise beaucoup. D’accord ? Et donc au final, ça veut dire quelque chose qui est au départ une épice, on va dire, entre guillemets, un aromate, peut être utilisée parfois pour soigner plein de choses. Je peux faire un discours sur le curcuma parce que tout le monde connaît. En tout cas, je pense qu’une bonne partie de nos auditeurs connaissent ça ou c’est très facile d’avoir des informations sur ce sujet sur internet. Mais voilà, ça c’est des exemples très, très simples. Et on peut dire que, mais… beaucoup de fruits ont… beaucoup de fruits, beaucoup de légumes ont ces plus ou moins de pouvoirs thérapeutiques. Bien sûr que tous n’ont pas un impact incroyable. Mais par exemple, si vous souffrez, vous savez vous avez eu en hiver une grosse grippe. OK, le gros de la grippe est parti, vous n’avez plus de fièvre, plus de frissons, pas de courbatures, etc, ça va de mieux en mieux, mais persiste une toux ; une toux sèche et un petit peu de glaire carrément, qui ont du mal à sortir. Vous voyez ? Cette ambiance-là ? Tout le monde l’a vécu ça. Par exemple, il y a un moyen facile d’atténuer la toux et d’améliorer en fait l’expectoration des mucosités, qu’on appelle en médecine chinoise dans ce cas-là « mucosité sécheresse », soient des mucosités qui ont du mal à être évacuées, expectorées, qui parfois on est obligé de forcer vraiment pour que ça sort deux ou trois petits morceaux de mucosités. Et en parallèle de ça, il y a de la toux qui traîne pendant une semaine, deux semaines, trois semaines, un mois, deux mois après la grippe. Voilà, pour finir sur ce type de toux sèche avec des mucosités, sécheresses, tout simplement consommer du, si on peut le faire, du jus de… du vrai jus de poire. Je dis du vrai jus de poire, je veux dire par là, ça peut être un jus qui est déjà fait, il ne faut pas que ça soit ce qu’on appelle, en France on appelle ça, vous savez quand c’est une espèce de purée comme le, on ne dit pas du jus d’abricot, c’est…

Caroline : Du nectar.

Philippe : Un nectar, voilà. Exactement. Un nectar d’abricot, parce qu’en fait ce n’est pas du jus. Et des fois ce n’est pas le jus de poire qu’on a, mais c’est le nectar. Ce n’est pas le nectar qu’il faut, c’est véritablement le jus. Et ça, le jus de pomme va… le jus pardon, de poire, va humidifier le poumon, favoriser l’expectoration de ces glaires et calmer la toux. Tout simple. Voilà, c’est un autre exemple.

Caroline : Est-ce qu’il y a des ressources où on peut aller chercher ces éléments là pour apprendre, pour…

Philippe : Il y en a une qui est très très belle. Mais ça va faire de la publicité. Je ne voudrais pas que ce soit mal interprété.

Caroline : Non, mais vous pouvez y aller, c’est votre livre.

Philippe : C’est un de mes livres. Je n’ai pas fait exprès, je vous assure. Je pense qu’il est là, voilà, qui s’appelle, je ne sais pas si vous le voyez, qui s’appelle « Ces aliments qui nous soignent ». C’est un livre, c’est un de mes livres… Enfin, moi, j’ai fait beaucoup de livres qui sont plus pour des professionnels. Mais celui-là a été fait à la fois pour les professionnels et le grand public, pour comprendre justement les propriétés médicinales des aliments. Donc il s’appelle « Ces aliments qui nous soignent », c’est chez Guy Trédaniel éditeur.

Caroline : OK. Très bien.

Philippe : Il a eu beaucoup de succès et continue encore à se vendre très, très bien, parce qu’il est justement assez pratico-pratique, il nous fait comprendre qu’en mangeant tel type de fruits, de légumes, de céréales, ça peut aider ceci, cela, et c’est vraiment compréhensible.

Caroline : Est-ce que vous auriez, comme je disais j’aime bien finir mes épisodes souvent avec des petites astuces ou des moyens de se sentir un petit peu mieux au quotidien, des choses que vous pratiquez vous… Alors bon, j’imagine que vous faites beaucoup de choses au quotidien pour être en bonne santé, mais voilà, deux-trois petites astuces accessibles et faciles et rapides à faire et à intégrer au quotidien pour améliorer sa santé.

Philippe : Bon, on a déjà donné pas mal de petites astuces là.

Caroline : Oui, oui, à mon avis, c’est pas mal.

Philippe : OK. Moi je pense sincèrement qu’il y a plusieurs choses vraiment qui sont fondamentales, qui ne peuvent pas régler tout, mais qui déjà mettent une bonne base pour la santé. D’abord, c’est bien manger quoi. Mais vraiment, bien manger, c’est vraiment très important. Alors je sais qu’il y a des divergences importantes quant à la manière de bien manger selon la naturopathie occidentale et la diététique chinoise. Je ne veux pas rentrer dans une polémique, ça n’a aucun intérêt, mais peu importe. Mais trouver le système alimentaire qui, pour vous, vous apporte un confort digestif, ce que vous mangez déjà doit être bien digéré. La manière dont vous mangez, ça fait trop de gaz et de douleurs intestinales, des dérèglements du transit, des choses de cet ordre-là, ça veut dire qu’il y a un truc qui ne va pas, quelque chose qui ne va pas dans votre alimentation. Donc il faut trouver d’abord le système alimentaire qui vous convient. La diététique chinoise convient à beaucoup de gens. D’accord ?

Caroline : Est-ce qu’on peut rentrer du coup dans la diététique chinoise un petit peu ?

Philippe : Oui. Alors attendez, j’ai essayé de faire une deuxième pub, mais non, je pense que j’aurais… allez voir si jamais mon autre bouquin qui s’appelle, qui a été fait pour mes patients, que j’ai écrit pour mes patients, qui s’appelle « La diététique du Tao ». « La diététique du Tao » explique en termes simples, pour des gens qui ne connaissent pas la médecine chinoise, ce qu’est la diététique chinoise et comment appliquer les grands principes. Il y a des principes importants sur qu’est-ce qu’il faut manger, ce qu’il ne faut pas manger, ce qu’il faut éviter, ce qu’il faut favoriser au niveau des aliments solides, ou au niveau des liquides par exemple. Pour donner un exemple, parce que ça peut être un peu long. Actuellement, en Europe, il y a une obsession, c’est qu’il faut boire beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il faut boire des litres et des litres et des litres, et plus vous buvez des litres, mieux est votre santé. Ça, c’est faux. C’est totalement faux. Et de plus en plus de chercheurs, de médecins remettent en cause cette idée-là. Bien sûr qu’il faut boire. Mais l’excès de liquide est un problème parce que ça fatigue les organes qui gèrent cet excès de liquide qui ne sert à rien, notamment les reins, la vessie, etc. En diététique chinoise, on considère que pour quelqu’un qui n’est pas malade, qui n’est pas très malade, et en dehors de certaines exceptions, il faut d’abord boire à sa soif. Ça, c’est valable… ce n’est pas valable pour la personne âgée. Pourquoi ? Parce que la personne âgée perd en partie le réflexe de faim et de soif. Donc elle, au contraire, elle doit se forcer un peu plus à boire. Mais je dirais, pour l’enfant, c’est pareil. L’enfant, il faut faire attention parce qu’il ne s’écoute pas toujours. Mais on va dire pour l’adulte, de l’adolescence à l’âge adulte, jusqu’à l’âge mûr, d’abord, c’est boire à sa soif. Ensuite, il faut regarder tout simplement les quantités d’urine et comment est l’aspect de l’urine ; si l’urine a plutôt tendance à être toujours ou trouble ou jaune foncé ou un peu odorante, vous ne buvez pas assez. En d’autres termes, plus c’est jaune foncée, plus vous devez boire. Et en revanche, plus c’est clair, et plus vous allez uriner fréquemment, moins il faut boire. Donc, vous forcer à boire deux litres là au bureau, parce qu’on m’a dit que ça allait éliminer, bon, à part des électrolytes vous n’allez rien éliminé du tout, donc pas de graisses. Parce que la publicité a mis dans le cerveau de nos concitoyens que boire beaucoup permettait de faire perdre du poids, ce qui est totalement faux, c’est stupide, eh bien on a tendance à boire beaucoup. Et puis comme les médecins ne savent pas faire de prévention, ils reprennent toutes les bêtises qu’on nous… la piscine, c’est bon pour le dos, ce n’est pas vrai ; boire de l’eau, c’est bien pour la santé, c’est des choses comme ça. Vous voyez ? L’eau c’est bien selon nos besoins. Si vous avez un tempérament, qu’on dit en médecine chinoise, en vide de Yang, froid, c’est-à-dire qu’on transforme mal, on digère mal, on assimile mal, la quantité de liquide absorbée doit être moindre. Si au contraire, vous êtes plutôt en hyperactivité, le corps est chaud, il brûle beaucoup, il digère facilement, là vous devez boire plus. Observez vos urines : très claire, buvez moins ; très foncée, buvez plus ; peu souvent, buvez plus ; très souvent, buvez moins. Je donne quelques astuces, mais il y en a d’autres bien sûr qui sont vraiment plus en profondeur. Et voilà, c’est ça en fait la diététique chinoise, c’est des principes comme ça qui nous permettent de savoir les quantités qu’on doit consommer, aliment solide, liquide, quoi, comment, est-ce qu’on mange les fruits pendant le repas, est-ce que, comment, dire on doit prendre des liquides dans le repas ou pendant le repas, est-ce que… En fait, il y a des tas de choses comme ça. Et équilibrer ce qu’on appelle aussi les cinq saveurs. Des choses en fait qui sont relativement faciles à mettre en œuvre dans son quotidien pour déjà être en bonne forme sur cet aspect-là. Il n’y a qu’une seule règle Caroline en diététique : Ce que vous mangez ne doit pas générer de troubles digestifs. Si le ventre gonfle, s’il y a trop de gaz, s’il y a une modification de votre transit, s’il y a des fatigues après le repas, s’il y a des régurgitations acides, des nausées, voire des vomissements, ce serait encore pire, des aliments non digérés dans les selles, tout ça, c’est du digestif, des signes digestifs. Si vous avez ça, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans votre alimentation, ou c’est le système digestif qui ne fait pas bien son travail. Il faudra sans doute vérifier ce que vous mangez, comment vous le mangez, et aider le corps à mieux fonctionner pour assimiler et digérer ces aliments. Donc ça, c’est très important. C’est la première règle à respecter. La deuxième, c’est je dirais, alors ce n’est plus de la diététique chinoise, c’est si vous voulez vraiment vivre longtemps, n’achetez plus des produits préparés au supermarché. Ils sont tous piégés. Préparez les aliments vous-même. Achetez des aliments de base. D’accord ? Il vaut mieux si vous voulez cuisiner soi-même des légumes non-bio que d’acheter des produits finis bio. Voilà. Tous les produits finis ou pratiquement sont piégés d’une manière ou d’une autre. Donc ça, c’est notre grande règle, c’est éviter les produits industriels, c’est fondamental. Bon, ça, c’est l’alimentation. Deuxième grande chose qui, à mon avis, est très importante, d’autant plus je dirais dans nos sociétés occidentalisées, modernes, où on n’a pas le temps, on est précipité, on a plein de problèmes, plein de soucis, etc, etc, c’est une pratique qui permet de déconnecter le mental. D’accord ? Qui est sans arrêt en train de tourner dans la tête, avec par exemple le fameux Qi Gong. Mais si vous ne voulez pas faire du Qi Gong, ça peut être du yoga. Si vous n’aimez pas le yoga, ça peut être aussi de la méditation ou de la relaxation guidée, peu importe. L’intérêt, c’est de déconnecter le mental et revenir dans le corps physique. C’est pour ça que le Qi Gong me semble vraiment très intéressant. Je ne connais pas assez le yoga pour voir si c’est vraiment équivalent. Mais un vrai travail de Qi Gong, vous travaillez le physique, l’énergie. L’énergie si vous voulez c’est… il y a… en Occident, on a fait quoi ? On sait qu’il y a le corps physique et l’esprit. OK. Mais il y a quelque chose en plus, c’est l’énergie. Ce sont tous les métabolismes qui permettent de digérer, au cœur de battre, comment dire, à la force musculaire d’arriver dans vos mains quand vous voulez attraper quelque chose, etc. Pour simplifier, c’est ça le chi, l’énergie. On travaille aussi sur l’énergie. On essaie de connecter le corps, l’énergie et l’esprit, quand on fait un vrai travail de Qi Gong. Ce n’est pas une panacée universelle. Vous pouvez être aussi malade, même si vous faites du Qi Gong tous les jours, mais vous serez moins malade, vous serez en meilleure forme. Bien manger, bien bouger dans son corps. Troisième chose qui me paraît aussi important c’est, comment dire, avoir un sens à sa vie quoi. Avoir envie de se lever le matin, on se dit « Bon sang, vivement que je me lève demain matin pour, j’ai envie de manger le monde ». Fondamentale. Si votre vie est un pensum, c’est dur de se lever, c’est dur d’assumer ses tâches de la journée, c’est plus compliqué d’avoir une bonne santé quoi. On s’adapte. On s’adapte à tout. L’être humain est résistant. Mais si en plus dans votre vie vous mangez bien, vous bougez bien, vous pensez bien et en plus vous avez du… il y a un sens dans votre vie, et c’est pour ça que la… on est en Europe, on est en France, ici je crois, c’est ce qui fait qu’en France actuellement, vous avez un tiers des gens qui se droguent, qui prennent de la drogue, un tiers qui prennent des antidépresseurs et un tiers qui vivotent. On est un peuple de déprimés ou de mal-être. Il y a un mal-être énorme. Ce n’est pas une plaisanterie, malheureusement Caroline. La consommation de cannabis, de cocaïne a explosé. Il faudrait vraiment se poser la question, mais comment on en est arrivé là ? Et ce n’est pas simplement des petits jeunes désœuvrés. Toute la société fait ça, y compris en haut. Pourquoi notre société en est arrivée là ? Ça, il faudrait se poser la question. Pourquoi il y a au moins un tiers des Français qui prennent ou anxiolytique ou antidépresseur ? Pourquoi on est les, en proportion, le pays au monde, on consomme le plus de ces produits-là, de ces médicaments-là ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Ça, ce sont des questions intéressantes. Et ceux qui sont un peu dynamiques, ils s’en vont de France. J’exagère. Allez, je rigole. Je plaisante, je plaisante. Non, mais ce que je veux dire c’est que c’est aussi ça la santé, c’est avoir du sens, personnellement et en groupe. Actuellement, on a oublié cette notion de groupe.

Caroline : Oui.

Philippe : Sauf que l’humain est fait pour vivre, appartenir à un groupe, à une famille, un groupe, à un peuple, à une nation. Et actuellement, la nation n’a plus trop de sens, et donc on est tous malheureux, donc soit on se drogue, soit on prend un anxiolytique, soit on vivote. J’exagère un petit peu, c’est un petit peu une caricature. Je suis d’accord avec vous. Mais ce n’est pas si loin de la réalité quoi. Pour être en bonne santé, il faut avoir un sens à sa vie. Il faut que ce que l’on fait, on soit complètement adéquat avec ce qu’on fait. Ça peut être d’être banquier, être heureux dans le fait d’être banquier. Comment dire, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de jugement de valeur pour moi dedans. C’est ce qui vous permet de vous réveiller le matin avec la pêche, vous vous dites « Mais je vais manger le monde ». S’il n’y a pas ça, c’est plus compliqué.

Caroline : C’est difficile aujourd’hui pour des personnes de justement trouver ce qui les motive et de sortir aussi de, de se rendre compte, de prendre de la hauteur par rapport à leur quotidien qui les rend malheureux, ou en fait, ils ne s’en rendent pas compte parce qu’en effet, ils s’adaptent. Comment ? Comment on peut justement se questionner et se dire « OK, ça ne me rend pas heureux » et vers quoi tendre pour être heureux ?

Philippe : Ça, c’est une sacrée question, Caroline. Ça, c’est vraiment une vraie question. Alors, malheureusement, ce qui souvent réveille nos consciences, c’est les obstacles, c’est la dureté de la vie. C’est les maladies qui à un moment donné on se dit « Bon sang, on a échappé à quelque chose d’énorme », et tout d’un coup, on a une autre vision, on se dit « Bon, je vais faire plus attention à ma famille. Je vais être plus souvent avec mes amis. Je vais faire un métier qui est plutôt quelque chose qui me passionne que plutôt quelque chose qui est reconnu dans la société ». Vous comprenez ? C’est-à-dire que malheureusement, souvent, c’est des drames, des difficultés, qui nous permettent de prendre conscience que non, on n’est pas à notre place. Je sais bien que c’est dur, mais c’est souvent ça. Après, c’est est-ce qu’on accepte ou pas d’être endormi par l’espèce de doxa que nous impose actuellement nos sociétés ? Qui nous enferme dans une vision et surtout une manière de vivre absolument non humaine. En fait, moi c’est ma vision du monde, ou plutôt mon système de croyances, c’est de penser qu’on vient au monde pour réaliser de belles choses, pour faire le bien autour de soi, pour être utile au monde, pour que le monde soit meilleur. Et ça peut être aussi en faisant le ménage, en faisant la cuisine, peu importe, mais qui met notre esprit, notre cœur, alignés, si déjà ça, c’est aligné, le corps va être aligné. Et si on joue plus collectif qu’individuel dans cet état d’esprit, normalement ça doit créer quelque chose de positif, de lumineux. Il y a moins cette lourdeur qu’on sent et qu’on voit par exemple en France. Je me permets de parler de la France parce que c’est mon pays, et que chaque fois que j’y retourne, je sens cette chape de plomb qu’il y a sur notre pays quoi. Et c’est triste. Donc je pense qu’il faut accepter à un moment donné aussi de sortir de cette espèce de système, de manière de vivre qu’on nous impose actuellement, de s’informer sur des tas de choses, d’écouter les podcasts de Caroline, de comment dire, d’essayer de lire des auteurs, des penseurs, se réintéresser à la religion, au, comment dire, à la spiritualité, à notre histoire, à nos amis, à notre voisin de palier. Vivre différemment de ce qu’on nous impose et ne pas croire que les gens qui nous gouvernent, nous gouvernent pour notre bien. Ça, c’est la première chose qu’il faut éliminer. Comprendre qu’ils ne sont pas là pour nous, pour nous faire du bien, pour… non. Il faut comprendre tout de suite qu’ils ne sont pas là pour ça et penser, essayer de penser par nous-mêmes. Et puis essayer de faire le bien autour de soi, tout simplement. C’est tout bête, c’est tout simple. Et si on est porté par ce type d’énergie, si on mange bien, on bouge bien dans son corps, on pense bien, on a beaucoup, beaucoup, beaucoup plus de chance de vivre en bonne santé et longtemps. Ça ne fait pas tout. Il y a aussi des aspects génétiques qui sont, comment dire, qui ne sont pas maîtrisables, bien entendu. Il y a beaucoup de choses qui pourraient être changées dans notre vie pour justement éviter que certains aspects de génétique se développent ou se réveillent quoi. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question Caroline.

Caroline :Si, si. Non, non, c’est…

Philippe : On est parti loin. La médecine chinoise a disparu.

Caroline :Non, non, non. Non, c’est parfait. On a fait un très bon tour et puis voilà, l’idée c’était aussi de voir, enfin, j’aime bien interroger mes invités sur des astuces du quotidien qu’eux-mêmes pratiquent et auxquels ils croient, et qui sont liés ou non à ce dont on vient d’échanger. Et ça fait complètement sens avec ce dont on vient de parler sur la médecine chinoise. Donc non, non, c’est parfait Philippe. Merci beaucoup. Et puis, merci pour cet échange et pour votre partage.

Philippe : Voilà. Je vous remercie pour cette invitation. Et puis j’en profite, si vous permettez, de dire qu’à partir de septembre, j’ai décidé en fait d’ouvrir une école de médecine chinoise, vingt-cinq ans qu’on me demande d’ouvrir une école de médecine chinoise. Donc là ça y est, c’est lancé. Elle s’appelle l’ASMC, l’Académie Supérieure de Médecine chinoise. Et on va tenter d’aider tous les gens qui veulent justement apporter du bien autour d’eux grâce à la médecine chinoise. Et on va tout faire pour que ce soit vraiment une très belle aventure. Et voilà. Donc je vous encourage à venir vers Caroline pour avoir mon contact et je vous remercie d’avance pour tout ça.

Caroline : Merci beaucoup Philippe !

Philippe : A bientôt ! Au revoir !