Transcription - Episode 27

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Changer ses habitudes alimentaires progressivement pour une santé durable - Anthony Berthou • 27

Caroline : Anthony. C’est un épisode que j’attendais vraiment beaucoup, parce que tu es pour moi un énorme spécialiste, avec une approche qu’on voit peu chez les nutritionnistes diététiciens. C’est que tu es… bon, spécialisé dans le sport et la santé, ça, assez logique de mon côté. Mais tu as aussi une approche très scientifique. Tu as complété ton diplôme par plusieurs formations pluridisciplinaires qui t’ont aidé à appréhender la santé avec une approche globale de la nutrition biologique, médicale, technologique et environnementale. On va essayer de parler de tout ça. Et est-ce que tu pourrais te présenter ?

Anthony : Merci. Déjà je suis ravi aussi de passer ce moment avec toi. Alors pour me présenter, tu l’as fait déjà dans les grandes lignes, donc merci déjà pour cette présentation. Dans mon parcours, ce que je peux peut-être préciser par rapport à l’activité physique, c’est que, en fait, c’est ce qui m’a amené à m’intéresser à la nutrition, d’abord, en tant qu’athlète, j’ai fait partie de l’équipe de France junior de triathlon. Donc tout gamin, j’avais douze-treize ans, je m’intéressais déjà à la nutrition donc, quand je dis que ça fait trente ans que je m’y intéresse, les gens ont du mal à me croire quand il me voit, mais, voilà, si, si, ça fait bien trente ans. Et après, ça fait vingt ans que c’est plus mon métier à part entière. Et justement, ça m’a amené à en faire mes études, mon métier. J’ai suivi beaucoup d’équipes de France, d’équipes olympiques, avec un tropisme dans l’endurance parce que je venais de ce monde-là. Donc que ce soit le triathlon, la course à pied hors stade, et puis d’autres disciplines comme le canoë-kayak, le ski alpin, le cyclisme sur piste, donc beaucoup plus explosifs que le triathlon, mais très intéressants aussi. Et puis j’ai enseigné aussi beaucoup en Suisse, à l’École polytechnique de Lausanne, sur les enjeux mondiaux de l’alimentation, donc les projections 2050, et un sujet qui est vraiment d’actualité au sens médiatique. Après, moi ça fait une dizaine d’années que j’avais commencé à enseigner à l’époque, et déjà c’était d’actualité, mais c’était beaucoup moins vulgarisé, beaucoup moins accessible, à savoir finalement comment on peut concilier des enjeux nutritionnels individuels, voire thérapeutiques parfois, avec des enjeux beaucoup plus systémiques à long terme, collectifs. Et donc, ça m’a demandé de remettre en question beaucoup de choses, d’apprendre aussi beaucoup d’éléments, parce que quand on a un cursus thérapeutique, entre guillemets, on ne voit pas ces enjeux systémiques. Et malheureusement, quand on regarde les politiques de santé publique aujourd’hui, on n’a quasiment aucun pays qui intègre les données écologiques et de biodiversité dans des recommandations nutritionnelles. Donc tout est segmenté, cloisonné. On aura l’occasion, je pense, d’en parler, je vais m’arrêter là parce que je vais digresser de la présentation, mais donc, forcément, le côté écologique. Et je me plais de plus en plus à me prétendre, entre guillemets, spécialiste de ces enjeux systémiques autour de l’alimentation, entre guillemets, c’est comment on peut essayer de regarder de manière transversale tous ces aspects pour établir en fait des recommandations qui soient simples pour la plupart des personnes, parce qu’il y a une vraie cacophonie nutritionnelle aujourd’hui, les gens sont complètement perdus. Et c’est vrai qu’entre un aspect nutritionnel, écologique, sportif parfois, quand je dis nutritionnel, pas dans le sens de la santé, on peut avoir des discours qui sont parfois différents, voire qui s’opposent.

Caroline :Oui, complètement.

Anthony : Dans l’idée c’est, on pose tout à plat sur la base de la science qui est disponible actuellement, pour essayer d’en extraire un message le plus simple possible. Je vais m’arrêter là, mais…

Caroline : Non, mais c’est vrai que je t’ai contacté, comme on disait juste avant d’enregistrer, sur les conseils de Sébastien Chaigneau, et mon enjeu, c’était plus de discuter avec toi de tes recherches sur tout ce qui était santé, plaisir, comment lier l’activité physique et la pleine conscience. Et entre temps, tu as sorti un livre qui s’appelle « Du bon sens dans notre assiette : Ce que nous avons oublié de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs », et je n’avais aucune idée que tu étais en train de préparer ça. Et je suis ravie qu’on puisse parler aussi de cette approche plus systémique, parce que c’est en effet des enjeux dont on parle peu. Donc ce que je te propose, c’est qu’on parle dans un premier temps de l’activité physique, de la pleine conscience, c’est pareil, c’est des notions dont on entend peu parler en nutrition ; et ensuite on s’attaquera au bon sens dans notre assiette.

Anthony : OK. Si je me permets juste avant, pour peut-être boucler la boucle de ce que tu indiques là, dans le sous-titre de « Ce que nous avons oublié de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs », c’est ce que moi j’appelle ma troisième révolution nutritionnelle, c’est-à-dire l’approche évolutionniste, de se dire finalement… alors quand on regarde les enjeux de santé, quand on regarde les enjeux écologiques, et qu’on essaie de mettre en place un programme cohérent autour de ça, de se dire en quoi on est programmé génétiquement parlant, comment on a évolué au cours du temps, non pas en l’espace de quelques décennies, voire centaines d’années, mais à l’échelle de dizaines de centaines de milliers d’années. Alors, bien sûr, c’est délicat d’affirmer comment mangeaient nos ancêtres du paléolithique, et il ne s’agit pas du tout de reproduire ce modèle-là, mais simplement de comprendre en fait les mécanismes évolutifs qui nous amènent aujourd’hui à être ce qu’on est, et comment on peut simplement les respecter, en prendre soin, parce qu’on se rend compte que, on aura l’occasion peut-être d’en parler, mais on est en train de bouleverser à une vitesse bien trop rapide à l’échelle de la biologie, tout notre mode de vie. Et tu parlais d’activité physique, de pleine conscience, d’alimentation. C’est des piliers de base, bien sûr, notre santé, et notamment des mécanismes dits épigénétiques, c’est-à-dire de l’effet de l’environnement sur l’expression de nos gènes. Et là, on bouleverse les choses à l’échelle de la biologie en termes de vitesse, mais on en reparlera peut-être.

Caroline : Est-ce qu’on peut peut-être commencer par, justement, cette association activité physique et plaisir de la nutrition, parce que c’est des choses souvent qu’on oppose, et comment on peut bien gérer ?

Anthony : C’est vrai que déjà dans le monde du sport, moi je me rappelle au tout début, c’était des pâtes, des pâtes et encore des pâtes, et je commence à vieillir un petit peu, mais c’est les années 80…

Caroline : C’est toujours le cas.

Anthony : Malheureusement, oui. Alors, ça change, mais il y a encore du boulot. Et, on était dans une approche très diététique, très calorique, et je dis souvent que c’est une condition qui est nécessaire, mais pas suffisante, parce qu’effectivement un traileur, un marathonien, alors il y a le marathon de Paris qui s’est déroulé hier, bien sûr ces coureurs vont regarder qu’est-ce qu’ils vont mettre dans leurs assiettes pour ne pas tomber en hypoglycémie le jour de la course. Donc la notion de glucide et glycogène est importante, mais l’enjeu de la nutrition pour un athlète va bien au-delà. Et je dis souvent que l’athlète n’existe pas, c’est-à-dire qu’on n’a pas un sportif, on a un individu qui va rajouter un facteur de stress supplémentaire qui est la pratique d’une activité physique, le stress au sens cellulaire, pas au sens émotionnel ; et cet individu il a son mode de vie, donc il a sa gestion des émotions, la qualité de son sommeil, la qualité de son alimentation, son niveau de sociabilisation, bref, il y a énormément de facteurs qui interviennent, qui font qu’un même individu peut répondre de manière différente à une activité physique en fonction du moment de vie, du contexte dans lequel il est. Et ça, c’est pour moi essentiel à comprendre, de poser vraiment ces fondamentaux, parce que le sportif a envie parfois d’aller dans des recettes miracles, un peu comme tous les humains, c’est-à-dire je vais prendre le gel qui va bien, la boisson la plus technique possible, si on reste dans la nutrition, parce qu’après on peut parler du vélo, la paire de chaussures, et cetera. Et finalement, plus c’est dithyrambique dans le discours, et plus ça va le séduire quelque part, et en occultant en fait les fondamentaux. Il ne faut pas oublier que ce qui va conditionner la performance ou la santé d’un athlète, c’est la façon dont il va répondre à sa sollicitation quotidienne, c’est-à-dire l’entraînement, mais aussi son mode de vie. Et ça, ça passe justement par une révision de la façon dont il mange, de la façon, je ne veux pas dire dont il pense, mais en tout cas, on peut aller jusque-là si on parle de gestion des émotions, de la façon dont il dort, et cetera. Et finalement, les stratégies de gestion nutritionnelle pour des courses, c’est la cerise sur le gâteau, et ce n’est pas l’inverse. Donc c’est vraiment aller dans le détail une fois qu’on a posé tous ces fondamentaux. Et c’est pour ça que la nutrition du sportif, c’est avant tout la nutrition de monsieur et madame Tout-le-Monde à 99,9 %, je dis n’importe quoi, c’est empirique quand je donne ces notions, mais dire que c’est la majorité, et qu’après on va rentrer dans du détail une fois qu’on a ces bases-là. Et malheureusement, on l’appréhende souvent dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’on va aller chercher, encore une fois, le gel ou le régime dans les deux, trois jours qui précèdent la course, et on ne s’est pas du tout intéressé à la qualité de l’assiette dans le quotidien, sur non pas des jours, mais des mois, voire des années, en amont d’une préparation quoi.

Caroline : Et ce qui m’intéresse, c’est parfait, c’est l’alimentation de monsieur et madame Tout-le-Monde, et comment on peut bien manger en ayant du plaisir ? Parce que pour beaucoup de personnes, tout de suite, quand on parle de nutrition, d’alimentation, il y a un côté restrictif, voilà de frustration, de régime. Quand j’évoque avec des amis que j’ai une alimentation plutôt cétogène, on me dit tout le temps que je fais un régime cétogène, je corrige, très régulièrement, en disant que c’est un mode de vie, que j’essaie au maximum. Mais voilà, est-ce que tu peux peut-être nous apporter un petit éclairage sur ça ?

Anthony : J’aime bien ta remarque. C’est pour ça que je parle aussi beaucoup d’alimentation cétogène et non pas de régime cétogène, parce qu’on est sur un modèle alimentaire et pas sur régime au sens effectivement commun du terme, qui est restrictif, qui est la frustration. Déjà, c’est quoi le plaisir ? Il faut déjà repartir sur cette base-là. Alors, on va rester dans le cadre de la nutrition, mais, mais rien que sur ça, il y aurait beaucoup de choses à dire. Parce que malheureusement, aujourd’hui, on est dans un environnement alimentaire qui a été fortement conditionné, il ne faut pas se le cacher, par un lobbying, par une industrie qui nous a effectivement mis à profusion un certain nombre d’aliments ultra transformés. Et aujourd’hui, les gens vont aimer manger le paquet de gâteaux, le paquet de bonbons, et je n’ai rien contre le paquet de bonbons ou autres.

Caroline : Ah oui, c’est très bon hein.

Anthony : Ils sont faits pour ça, justement. Maintenant, ils devraient, à mon sens, rester là où ils méritent d’être, c’est-à-dire dans un plaisir occasionnel, si on prend du plaisir justement à manger ce type d’aliments. Mais c’est vrai que si vous avez pris l’habitude de manger des produits ultra-transformés avec beaucoup de sel, avec beaucoup de graisses, avec une teneur en sucre importante, et ce mélange fait qu’effectivement on va avoir une appétence, le sel est un exhausteur de goût donc… après on pourrait donner plein d’exemples autour de ça, mais juste avoir à l’esprit que ces produits vont nous conditionner à une appétence, et ce sont des produits par exemple qui sont aussi plus mous, donc qui vont donner moins de satiété, donc on va aussi avoir envie d’en manger plus régulièrement. Donc ce n’est pas… on ne parle pas de théorie du complot, mais aujourd’hui, c’est vraiment des données qu’on a en termes de publications. Anthony Fardet l’a beaucoup vulgarisé ces dernières années, et on a beaucoup de papiers au niveau scientifique qui montrent, en tout cas qui étudient l’impact du niveau de transformation des aliments sur la santé, indépendamment de la teneur en un macronutriment ou un micronutriment en particulier. Ça, c’est très intéressant, notamment par rapport à une notion qui est fondamentale, qui s’appelle la matrice alimentaire. On en reparlera peut-être un peu plus tard.

Caroline : À la limite je veux bien qu’on rentre dedans dès maintenant.

Anthony : Juste peut-être, pour finir sur cette notion de plaisir, c’est de se dire finalement, c’est vrai que si on s’est complètement déconnecté de produits bruts, c’est-à-dire des fruits, des légumes, des légumineuses, des oléagineux, la volaille, du poisson, pour ceux qui mangent, des œufs, et cetera, mais ces aliments-là ont des saveurs, effectivement, qui sont très plaisantes. Mais si on les compare à ces aliments ultra-transformés, qu’on a pris l’habitude de les consommer, ça peut paraître assez fade et il ne faut pas oublier non plus un point important, c’est qu’on a perdu l’envie ou le temps de cuisiner. Et du coup, effectivement, si vous mangez une courgette sans rien, ou des haricots verts, ou un morceau de poisson sans huile, sans aromate, sans épice, sans un minimum de cuisine, vous n’aurez pas le plaisir que vous auriez avec un produit qui aura été fait, entre guillemets, avec amour, où vous aurez pris un petit peu de temps pour le faire. C’est basique, c’est des choses qu’on a perdues. Donc en fait, cette notion de plaisir, elle est très intéressante parce qu’elle nous ramène en fait déjà à l’essentiel de ce que peut représenter notre alimentation, à savoir des produits bruts, qu’on va effectivement cuisiner, qu’on va… pour lesquels on va s’intéresser en termes de filière, en termes d’origine, et le plaisir de manger un fruit ou un légume d’un producteur local ou de son propre potager…

Caroline :C’est ce que j’allais dire.

Anthony :… il est tout aussi important que le plaisir gustatif à proprement dit. Donc on est vraiment dans une approche, à mon sens, holistique globale. Et ce qui n’est pas simple c’est que quand on a pris l’habitude justement de ces aliments ultra-transformés, qu’on considère comme le référentiel du plaisir, on a parfois du mal à s’en défaire. Donc il y a clairement une période d’adaptation. Et puis ça demande, effectivement, d’apprendre à cuisiner si on ne l’a pas fait a minima, on ne va pas être un chef cuisinier, mais avec des tout petits détails, avec des petites astuces, on peut faire des trucs super sympas. Donc, le plaisir pour moi, il est là. Et voilà.

Caroline : Combien de temps ça prend — on revient sur la matrice juste après combien de temps ça prend pour une personne qui souhaite, tu vois, passer d’une alimentation avec, peut-être, des produits transformés ? Est-ce qu’on a des études dessus ?

Anthony : Alors, ce n’est pas vraiment des études, c’est plus des constats. Et ça dépend aussi beaucoup des tempéraments des personnes. Et notamment, on voit aussi entre les hommes et les femmes, parfois, des grands différentiels où, souvent les hommes vont dire OK, du jour au lendemain, ils changent tout, et notamment pour des facteurs de performance, on parlait du sport.

Caroline : C’est ce que j’allais dire. C’est souvent les sportifs en règle générale là-dedans qui sont très bons.

Anthony : Exactement. Ou j’arrête de fumer, ou c’est ma crise de la quarantaine. Bref, il y a toujours un facteur qu’on va changer radicalement. Et ça peut fonctionner chez certains, et chez d’autres beaucoup moins. Et c’est pour ça que là moi je crois beaucoup aussi à la stratégie des petits pas. Et je dis souvent de ne pas faire de révolution, mais une évolution, et donc d’aller chercher déjà un élément qui nous apporte du plaisir, qui nous motive, qui peut paraître un détail, mais qui va initier un processus, qui va nous amener un autre élément, puis un autre, et de manière vertueuse, finalement, réussir à changer en profondeur notre alimentation. Et dans les constats, on voit qu’il faut souvent à peu près deux ans pour changer en profondeur, au sens où ça devient radicalement une étude, pardon une habitude, pas une étude je ne sais pas, parce qu’en fait j’avais en tête une étude quand je disais ça. Mais, parce que je pensais à cette notion aussi de passer d’un système préfrontal en sens neurobiologique, où là, on a beaucoup d’efforts à mettre en place, à faire pour justement changer cette habitude, et puis progressivement basculer dans un système limbique qui va être un système d’automatisme, et qui fait que quand on va se retrouver à la cafétéria, au lieu d’aller chercher l’assiette de frites, on va aller acheter, chercher l’assiette de légumes, non pas par un effort, mais parce que c’est ce qui nous procure du plaisir et que c’est intégré. Et là, il n’y a plus d’effort nécessaire. Et ça ne veut pas dire que les frites, on ne les mangera pas, mais si on les mange, c’est, comme j’évoquais tout à l’heure pour le paquet de gâteaux ou autre, c’est du plaisir occasionnel, et donc ça doit rester à sa place d’occasionnel et non plus l’inverse quoi, entre guillemets. Voilà. Donc pour… je ne sais pas si ça répond à ta question.

Caroline : Oui. Si, si complètement, mais, ça en induit plein d’autres, mais il va falloir qu’on soit très strict dans ce qu’on aborde.

Anthony : La matrice.

Caroline :Parce que oui, voilà, on va revenir sur la matrice. Mais on pourrait aussi là partir sur l’impact, en effet, de notre cerveau, et donc d’un mode un peu automatique qu’on a, et des réponses qui ont été générées par les dernières années qu’on vient de passer aussi, sur nos habitudes alimentaires. Mais restons dans la matrice pour l’instant.

Anthony : La matrice, en tout cas, on va en parler, mais… Alors, pour introduire ce sujet, j’aime beaucoup citer une étude qui m’avait plu, qui est sortie il y a à peu près, il y a trois ans maintenant, c’était en 2020, dans Nature Food, et qui montrait, en fait, les auteurs se sont intéressés à ce qu’ils appellent la part sombre de l’alimentation ; et ils ont regardé des bases de données existantes, et notamment vis-à-vis des principes actifs végétaux, donc des fruits, des légumes en particulier. Et ils ont regardé le nombre de composés, pour lequel on avait des données vis-à-vis d’un effet de santé particulier, et qu’on pouvait quantifier. Ils ont comme ça isolé à peu près cent cinquante principes actifs végétaux, ce qui est déjà très bien, parmi eux la Quercétine qui va jouer sur le fonctionnement de l’immunité, l’ail qui contient l’allicine. Bref, il y en a beaucoup comme ça, et c’est passionnant en tant que tel. Mais ils les ont corrélés au nombre de composés qui sont présents à travers les bases de données, au niveau des fruits et des légumes, et sur plus de quarante-neuf mille métabolites végétaux, finalement on se rend compte qu’on en maîtrise à peu près cent cinquante. Donc ça, ça nous amène à énormément d’humilité. On pense savoir beaucoup de choses de la nutrition, on en sait très peu, et plus… en tout cas moi plus j’avance et moins j’en sais, et je pense qu’au niveau de la science, on en est aussi un petit peu dans cette phase, parce qu’on découvre aussi les notions d’interaction qui peuvent exister. Et c’est là où la matrice alimentaire intervient, à savoir que des nutriments peuvent être présents dans un aliment, et ces nutriments peuvent soit agir de manière synergique, soit en opposition, en tout cas, créent un effet qui ne sera pas le même que l’effet de ces composés pris d’une manière isolée en dehors de la matrice alimentaire. Et c’est vrai que les référentiels nutritionnels aujourd’hui se basent sur des macronutriments, des glucides, des lipides, des protéines ; sur des micronutriments ou des principes actifs qu’on connaît, voilà, il y a ce qu’on ne connaît pas, comme je le disais, et pas du tout sur l’interaction dans la matrice alimentaire qui joue un rôle très important. Il y a, il y aurait plein d’exemples alors…

Caroline :J’allais y venir. Est-ce que tu aurais un ou deux exemples peut-être, les plus parlants ?

Anthony : Oui. Alors, par exemple, je parlais de quercétine tout à l’heure ; on sait que la quercétine avec la vitamine C a plutôt un effet synergique, sauf que quand on les met ensemble dans un complément alimentaire, elles ont plutôt un effet d’antagonisme. Le fer et la vitamine C c’est pareil ; en fait, la vitamine C a cette capacité de transformer un fer qu’on appelle non héminique en fer héminique, un fer qui est plus biodisponible, et ça, c’est le cas plutôt quand c’est dans la matrice alimentaire, et quand on a un complément alimentaire, on a du fer et de la vitamine C, on peut au contraire favoriser un effet de type pro-oxydatif, donc à l’inverse de ce qu’on va rechercher. Et encore une fois, c’est passionnant parce que ça nous amène à l’humilité. Et si on y rajoute une strate supplémentaire qui est la notion d’épigénétique dont je parlais tout à l’heure, à savoir qu’un même composant, en fonction de notre capital génétique et de ce qu’on en a fait d’un point de vue de notre mode de vie, peut exercer des effets différents. Et, alors, je vais parler un peu barbare, mais il y a un composé qu’on appelle l’EGCG, l’Epigallocatéchine galate, qui est ce qui fait un peu la spécificité du thé vert ; on dit oui, c’est mieux pour la santé, notamment au niveau cardiovasculaire, de boire du thé vert par rapport aux autres thés. Et effectivement, il y a une oxydation intermédiaire dans ce thé qui crée un polyphénol, qui est le fameux EGCG, et on se rend compte que chez certains individus, ce composé peu plutôt avoir un effet délétère. Et ça peut représenter au final un facteur de confusion de certaines publications. On va dire « Tiens, tel composé aurait un effet délétère ». Non ! Il peut l’avoir chez certains individus, souvent de manière très minime par rapport à la masse de population, mais qui mérite d’être intégré. Je vais… peut-être un autre exemple et puis après, on pourra parler d’un autre sujet, mais je pense beaucoup aux oméga 3, parce que c’est à la mode et parce qu’on manque effectivement, en France on est 98 % de la population a manqué d’oméga 3 longue chaîne, donc ce qu’on appelle l’EPA et DHA. Donc c’est vrai que statistiquement, on est quasiment tous sujet à un déficit, par un défaut d’apport alimentaire, mais aussi par un défaut de métabolisation des formes végétales en forme dite longue chaîne, l’EPA et DHA. Ce qui nous amène à des recommandations de manger plus de poissons gras, parce que c’est quasi le seul modèle qu’on a aujourd’hui. Alors qu’on a d’autres solutions. Avant de commencer le podcast, on parlait notamment de la filière des produits animaux, et de manger de la viande. Une viande qui aura été issue d’un animal qui a mangé de l’herbe, va avoir beaucoup plus par exemple de DHA, que d’oméga 6, parce que la vache aura brouté des tourteaux de soja, et cetera. Voilà, c’est juste une petite digression et pour dire qu’aujourd’hui, globalement, on a un problème nutritionnel qui est le statut en acides gras et notamment en oméga 3 à longue chaîne. Donc, qu’est-ce que font la plupart des personnes, voire des professionnels ? Ça va être de conseiller des capsules d’oméga 3, et ces capsules donc vont être concentrées dans les oméga 3. Et ce qui fait leur force fait aussi leur faiblesse. C’est ce qu’on appelle les doubles liaisons dans la structure moléculaire. Je ne veux pas rentrer trop dans les détails là-dessus, mais c’est des composés qui donnent de la fluidité à l’acide gras, qui va donner aussi la propriété de cet acide gras, réguler une inflammation par exemple. Mais, ce sont des composés qui sont très sensibles à l’oxydation. Et donc, quand vous avez votre oméga 3 dans la matrice alimentaire protéique, du jaune d’œuf, du morceau de poisson, du morceau de viande si vous mangez de la viande, et cetera, qu’elle est d’une bonne filière, les protéines et l’organisation structurelle fait que cet acide gras, il est moins sensible à l’oxydation. Quand vous prenez une capsule d’oméga 3, vous avez eu tout un process qui a concentré ces oméga 3, de manière plus ou moins qualitative. Vous allez les stockés pendant, pendant souvent longtemps, plusieurs semaines, voire plutôt plusieurs mois, voire plusieurs années pour certains, et souvent à température ambiante. Et au final, on se retrouve avec des composés qui sont extrêmement pro-oxydatifs, qui sont des bombes oxydatives, et qui créent plus d’effets délétères que d’effets positifs en tant que tels. Et j’ai en tête, par exemple, une étude sur ce qu’on appelle le LDL oxydé ; le LDL donc qu’on considère à tort comme le mauvais cholestérol, on dit oui tu as du cholestérol, en fait on parle du LDL. Et le LDL n’est pas le problème, le problème est son oxydation. Donc, on peut dans une prise de sang, doser ce qu’on appelle le LDL oxydé, plus exactement les anticorps anti-LDL oxydés. Et donc on a une étude sure, un essai clinique randomisé, un essai de qualité, où on se rendait compte que quand on donnait des oméga 3 à des personnes qui avaient un taux de LDL relativement élevé, si ces oméga 3 étaient oxydés, on augmentait le taux de LDL oxydé ; donc on augmentait le risque athérogène, le risque cardiovasculaire, alors que si c’étaient des oméga 3 de qualité ce n’était pas le cas. Donc la personne pense très bien faire, de se dire « OK, je manque d’oméga 3, je prends une supplémentation », et je ne suis pas contre la supplémentation, mais c’est montrer qu’il y a une différence entre la capsule d’oméga 3 et même pas la même quantité d’oméga 3, beaucoup moins d’oméga 3, mais dans la structure originelle de l’aliment qui est cette matrice, et avec des effets de santé qui peuvent être différents quand on rentre dans des logiques que moi je considère pharmacologiques, c’est-à-dire quand on met…

Caroline :Complètement.

Anthony :… des oméga 3 très, très fortement dosés, ou la quercétine dont je parlais tout à l’heure, le resvératrol… Bref, il y a plein de composés aujourd’hui qui sont un peu à la mode, à juste titre, parce qu’ils ont des effets réels, mais à des doses qui sont pharmacologiques. Et juste pour là aussi donner un exemple, le resvératrol, donc c’est un polyphénol qui était à l’origine du french paradoxe, boire un peu de vin rouge, c’est bon pour notre santé. Alors, on l’a quand même fortement relativisé cette notion, ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas boire de vin rouge, pour en discuter, c’est un autre sujet. Mais, non seulement on s’est rendu compte que ce n’était pas le vin rouge en tant que tel qui avait un effet, puisqu’on avait des études qui montraient plutôt l’effet inverse, mais surtout quand on a démontré un effet du resvératrol dans, notamment via la résistance à l’insuline, de problématiques cardiovasculaires. Les études, en moyenne, étaient autour de 1 gramme de resvératrol par jour, voire 5 grammes ou davantage. Et on a des auteurs scientifiques, dans des publications, où les auteurs se sont amusés à comparer ce que ça représentait en termes d’aliments, et en termes de vin, en fonction du millésime et du cépage, parce que les teneurs changent, on a un vin plus ou moins tannique. C’était entre 500 litres et 2 200 litres de vin par jour ; donc les dégâts collatéraux de l’alcool, potentiellement, plus importants que le bénéfice du resvératrol. Donc, en fait, quand on donne 1 gramme de resvératrol à, je vais dire un patient, ou quand une personne prend, il faut avoir à l’esprit qu’on sort complètement de la logique de l’alimentation. Et ça peut être judicieux à partir du moment où c’est mené par un professionnel ou en tout cas qu’on a pu objectiver l’intérêt d’aller vers cette supplémentation. Mais elle ne doit en rien se substituer, en fait, au travail de fond qui est la base de l’alimentation au quotidien. Et c’est, je rebondis sur notre sujet de départ qui était le sportif, c’est exactement la même chose. Et c’est passionnant parce que ça montre qu’il y a quand même du boulot encore.

Caroline : Oui. Et ce que je trouve vraiment très intéressant, c’est que, au final, toutes les études ou les recherches qui peuvent être faites sur la nutrition, l’alimentation, comment aider l’individu à être mieux, en meilleure santé, peut-être plus performante, tout tend vers la même chose, même si on avance dans, on va dire, dans nos recherches, dans notre capacité à trouver des applications, on a de meilleurs outils, et cetera, et qu’en fait la nature est plutôt bien faite.

Anthony : C’est, tu parlais de mon livre tout à l’heure, c’est exactement ça. Et quand je parle du bon sens dans l’assiette…

Caroline : C’est ça.

Anthony :… en fait, je me suis, entre guillemets, amusé pendant près de dix ans à écrire, alors non pas ce livre-là, mais le même en version plus développée, qui sortira au mois de juin, donc dans peu de temps, où justement, en fait, j’ai compilé à la hauteur de ce que moi je comprenais et connaissais, toutes ces données, et finalement, pour en arriver à une conclusion extrêmement simple. Ce qui est peut-être un paradoxe, mais ce qui est aussi très stimulant et très intéressant, c’est qu’effectivement on doit rentrer dans l’ultra détail pour comprendre des mécanismes, pour au final se conforter sur le fait qu’un principe de bon sens est avéré. Et sans parler des remèdes de grand-mère, en fait, on se rend compte qu’il y a énormément de choses ; l’histoire du vinaigre, par exemple, ave la glycémie. Bon bref, il y a plein de petites anecdotes comme ça, où on se rend compte que des au… pas des automatismes, mais des… ces fameux remèdes de grand-mère où c’est logique, du bon sens.

Caroline : Qui nous faisaient du bien et qui leur apportaient du confort.

Anthony : On commence à comprendre, voilà, des mécanismes, alors qu’avant on était plutôt à les rejeter en disant « Mais non, c’est n’importe quoi », et cetera. Encore une fois, ça nous amène quand même à pas mal d’humilité. Et puis si on y rajoute des strates écologiques et des approches encore plus systémiques, ça amène encore plus d’humilité ouais.

Caroline : Et pour rester, justement, dans ce côté plutôt naturel de la nutrition, si on passe sur le côté pleine conscience, aujourd’hui, comment on peut faire pour avoir, prendre le temps peut-être de manger, et qu’est-ce que ça apporte en fait, de prendre le temps de manger ?

Anthony : Déjà, c’est prendre soin de soi. C’est tout bête, mais spontanément, c’est ce qu’il me viendrait quand même à l’esprit. Parce qu’on est dans une société aujourd’hui où on n’a plus le temps de rien, où on est stressé de tout, on est dans un milieu extrêmement anxiogène, surtout en ce moment. Si on parle d’écologie, je vais rajouter une couche d’anxiété. Maintenant c’est, je crois aussi important d’avoir conscience, c’est-à-dire à un moment donné, de poser l’état des lieux pour après avoir les leviers et agir, mais ça, c’est encore un autre sujet. Pour reprendre sur la notion de conscience, c’est que ça me fait penser à la question de tout à l’heure du plaisir. Et je parlais de la cuisine ; c’est-à-dire que, aujourd’hui, on n’a plus le temps ou plus exactement on ne prend plus le temps de cuisiner. Et là, il n’y a aucun jugement de valeur. C’est que justement, on est dans un modèle de société où on est tellement oppressé de tout, que finalement on va chercher du temps là où on peut en gagner. Donc pour certains, ça va être sur le sommeil, ça fonctionne un temps, mais pas éternellement. L’activité physique, on en fait moins. Il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’on est programmé pour bouger, et ça, c’est un grand dada pour moi, donc on pourra en parler si…

Caroline : Oui, j’aimerais bien. J’aimerais bien qu’on aborde aussi ce petit point parce que je trouve ça, tu as une approche là-dessus qui est à l’encontre peut-être de ce qu’on peut entendre parfois, et, ou en tout cas différente. J’aime beaucoup ta vision de ce pour quoi on est programmé.

Anthony : On pourra en parler avec plaisir. Mais on n’est pas programmé pour rester là assis derrière une chaise. Alors là on le fait nous, enfin une heure ou deux et c’est très bien, mais après, on aura besoin d’aller bouger. Moi, j’ai été faire ma course à pied tout à l’heure avant qu’on se voie, et c’est, entre guillemets, c’est parfait. Maintenant, c’est loin d’être parfait parce que quand je dis ça, on a aujourd’hui des problèmes de sportifs sédentaires, qui est encore un autre… vous savez, des poupées russes en fait, qui nous amènent toujours à plein de sujets. Mais pour rester sur cette notion de pleine conscience, c’est effectivement déjà de s’accorder un temps de cuisine et un temps sur le repas, c’est-à-dire de se poser à un moment donné en conscience, et ne serait-ce que vingt minutes. Vingt minutes, c’est juste le temps nécessaire pour que nos récepteurs au niveau digestif, notre cerveau, commencent à initier de la satiété. Donc en fait, si tu manges en dix minutes parce que tu es pressé, parce que tu as acheté un plat, aussi bon soit-il écologiquement, nutritionnellement, ou le sandwich à la boulangerie, ou le Mac Do, et cetera, si tu manges en dix minutes, tu ne le fais pas par rapport à tes besoins, tu le fais par convention, parce qu’on t’a vendu une portion et que tu l’as fini. Pour que déjà que tu écoutes ta faim, il faut du temps, ta faim et plus exactement la satiété. Donc, je dis déjà aux personnes de se poser vingt minutes, et de mastiquer. C’est basique, mais on l’oublie. En fait, on est dans un, encore une fois, dans un schéma de tellement d’optimisation du temps, voire de stress, qui fait qu’on gobe en fait, et on ne mastique plus du tout. Sauf que la mastication, c’est ce qui est nécessaire pour déclencher la satiété au niveau cérébral, on a une pléthore de publications, notamment vis-à-vis des enfants, qui montre que le fait de manger mou ou de prendre des aliments liquides, du coca, et cetera, ne déclenche pas la même façon de comptabiliser les calories par le cerveau par rapport à un aliment qu’on croque. Si tu croques du chou rouge, tu vas mettre beaucoup plus de temps que de boire un verre de coca. Voilà. Je caricature, mais c’est important parce que ça répond à un processus de satiété qui est nécessaire. Et je dis souvent, un peu par l’absurde, aux personnes de poser leur fourchette entre chaque bouchée. Alors, ça devient vite pénible parce que justement, on n’a pas le temps entre guillemets. Mais c’est juste pour là aussi conscientiser, de se rendre compte qu’on a besoin de mastiquer. Alors souvent on dit de manière un peu arbitraire de mastiquer sept fois avant d’avaler, en médecine chinoise, on parle de vingt fois, ou de manger ce qu’on boit et de boire ce qu’on mange. Mais sans aller jusque-là, simplement de conscientiser que oui, je suis en train de mastiquer, que ça me donne de la saveur des aliments, parce que si je gobe, finalement, je ne suis pas du tout alerte au plaisir en fait, de ces saveurs-là. Donc déjà, ça nous amène à redécouvrir parfois l’aliment, on peut passer dix minutes à redécouvrir un morceau de pomme en fait. Et souvent, quand on a jeûné sur des périodes longues, le plaisir, la saveur de l’aliment, elle est juste extraordinaire.

Caroline : Oui, oui, ça je confirme. Le meilleur bouillon que je n’aie jamais bu c’était après trois jours de jeûne.

Anthony : Exactement. Et ça, ça nous ramène quand même à des fondamentaux dont on ne prend absolument plus le temps. Donc déjà pour moi, la conscience, elle est là. Et d’un point de vue purement de notre système digestif, notre amygdale salivaire, tous nos enzymes, vont pouvoir agir de manière correcte parce qu’en fait, si tu as des débris protéiques, glucidiques qui parviennent dans l’intestin tout simplement parce que les enzymes n’ont pas pu faire leur job, parce qu’on n’a pas commencé par mastiquer, ça va être le point de départ d’un certain nombre de troubles fonctionnels, digestifs, voire extra digestifs, donc on voit…

Caroline : Tu sais… Tu vois, je ne savais pas forcément que c’était aussi, que ça jouait aussi un rôle dans le déclenchement de certains troubles.

Anthony : Si on en vient à notre microbiote, qui est notre écosystème… l’écosystème intègre le microbiote, il n’y a pas que le microbiote et ça c’est un peu plus ce qui est intéressant parce que moi, je parle beaucoup plus de trépieds entre le microbiote, la muqueuse intestinale et le système immunitaire. Là aussi sans rentrer dans ces détails, pour répondre sur le sujet des débris, en fait, si tu manges des pâtes ou des pommes de terre ou des légumineuses que tu ne prends pas le temps de mastiquer, tu vas avoir des débris glucidiques plus importants dans l’intestin, notamment au niveau de la chaîne d’amidon, voire des fibres. Si tu ne prends pas le temps de mastiquer un morceau de viande ou de volaille, c’est pareil. Et donc ça, ça va… comme les enzymes digestives n’auront pas pu agir de manière aussi efficace que si tu avais bien mastiqué, ça va aussi davantage nourrir certaines bactéries du microbiote. Et on a deux grandes… alors, il y a énormément d’espèces, chez un individu il y a plus de cent soixante espèces différentes dans le microbiote, et là je parle des bactéries, je ne parle même pas des autres microorganismes. Mais, souvent on les oppose un peu en deux classes : soit la flore dite de fermentation, qui va utiliser les glucides ; et la flore de putréfaction. Et donc, si tu manges déjà beaucoup de protéines par exemple, et qu’en plus tu ne les mastiques pas, tu vas favoriser le développement d’une flore au détriment de l’autre, donc altérer cet écosystème. Ce même écosystème qui va interagir avec ta muqueuse intestinale, qui parfois, si on reste sur l’histoire des protéines par exemple, les gens qui mangent beaucoup de protéines vont développer une flore qu’on appelle sulfito-réductrice, donc bref, plus tolérante à bile, plus résistante, et ça, ça a tendance à favoriser la perméabilité de notre muqueuse intestinale. Et donc potentiellement le foyer inflammatoire, parce qu’en fait, une fois qu’on a initié comme ça un processus inflammatoire au niveau intestinal, on peut le propager au niveau systémique. Alors là, il y a des notions de prédisposition, de facteurs qui se cumulent donc, j’essaie encore une fois de rester assez simple et montrer que d’un point de départ en fait, on a tout un processus qui se met en place et qui peut expliquer, alors, pas un trouble en tant que tel, parce que là j’isole le facteur de la mastication, mais ce facteur plus un autre, là par exemple le fait de manger plus de protéines que la moyenne, plus le fait d’avoir des additifs dans les aliments ultra-transformés, d’avoir eu peut-être un traitement médicamenteux, d’être stressé, de pratiquer une activité physique, qui va jouer aussi sur la perméabilité de l’intestin ; bref, c’est tout un ensemble de facteurs qui au final crée un contexte qui effectivement peut être le point de départ de troubles, voire de pathologies. Et donc d’où cette notion de mastication. Et pour en revenir à la pleine conscience, si on raisonne aussi sur la partie écologique, sur le bien-être animal, qui est aussi un autre sujet, mais qui mériterait d’être traité, mais sur la partie écologique, effectivement de se dire je mange une mangue qui est sous plastique, bio parce qu’elle vient du Pérou et qu’elle est sous plastique chez Auchan ou chez Carrefour, pour la distinguer de la même mangue non bio, et cetera, quel est le raisonnement logique que j’ai à ça ? Parce que finalement certes elle est moins… elle est bio, donc elle a moins d’intrants chimiques, mais au niveau de l’impact écologique, voire social, par rapport au système de récolte, de l’économie locale qui va être issue en fait de cette agriculture, on a des considérations parfois qui en fait, où on pense bien faire en achetant un truc bio, mais au final ce n’est peut-être pas très cohérent. Donc cette notion de conscience, on peut la mettre à plein de strates du choix alimentaire. Et un autre exemple, c’est les noix de cajou ; par exemple, je ne sais pas si tu connais un peu cette polémique sur les noix de cajou, genre, il y a une question écologique de, notamment, effectivement par rapport à l’empreinte sur les émissions de gaz à effet de serre qui n’est pas trop problématique, un problème d’empreinte hydrique ; mais surtout dans la noix de cajou, en fait dans la pomme de cajou, parce qu’au départ, c’est le fruit, donc tu as la coque, et tu as un composé qui s’appelle l’acide anacardique, qui est un irritant très important pour les muqueuses en particulier. Et donc c’est surtout les femmes en Inde qui vont décortiquer à la main ces noix, et qui vont se brûler littéralement les doigts et toute la sphère ORL, pour pouvoir avoir au final une noix de cajou qu’on va retrouver grillée, salée chez nous à l’apéritif. Donc, ça pose un vrai, je ne vais pas dire un cas de conscience, mais un vrai dilemme parce que tu te dis bon, j’arrête d’acheter ces noix de cajou parce que voilà, ce ne sont pas des conditions acceptables pour les personnes qui les décortiquent en l’occurrence. Mais en même temps, si j’arrête, quel travail elles vont pouvoir… ouais, il y a comme ça beaucoup de strates de, de toute une pelote qu’on commence à détricoter en fait.

Caroline : C’est des poupées russes encore.

Anthony : Exactement. Et donc, j’ai envie de dire, quand on parle de bon sens, pour moi, la solution simpliste, mais tellement juste et tellement profonde à plein d’aspects, c’est de se dire que je mange brut des produits qui sont locaux, de saison, sur des circuits courts et avec le moins d’intrants chimiques. Rien qu’avec ça, pour plein de raisons et certains mécanismes qu’on ne connaît pas encore, on résout déjà beaucoup de choses. Donc pour moi la conscience elle est déjà là, et ça nous amène à apprendre à cuisiner, donc à apprécier différemment les aliments, à passer du temps en cuisine, à passer du temps avec les… oui, la main qui nous nourrit, c’est-à-dire l’agriculteur qui, voilà, qui aura…

Caroline :Oui. La tomate, elle n’a pas la même saveur quand on va discuter avec l’agriculteur.

Anthony : Exactement. Si c’est toi qui l’as fait dans ton potager, c’est pareil. Donc en fait, on voit que derrière un enjeu nutritionnel ou parfois écologique, il y a toute une série de dimensions qui sont extrêmement intéressantes parce qu’on les a perdues en fait, malheureusement pour beaucoup. Et je fais peut-être le rebond avec l’activité physique qui sont…

Caroline : J’allais te poser la question. Et pourquoi alors est-ce qu’on n’est pas programmé…

Anthony : Pour rester comme ça. Juste sur cette histoire de vingt minutes, j’ai un ami qui est entraîneur, qui s’appelle Christophe Malardé, dans le monde du trail, et qui au moment du confinement avait créé un petit challenge de vingt minutes de prépa physique par lot d’exercices, par jour, et je crois que ce challenge devait être sur cent jours si je ne dis pas de bêtises, je crois que c’est ça. Et il en a fait un bouquin d’ailleurs. Et il racontait que certaines des personnes qu’ils coachaient, disaient « Bah non, je n’ai pas vingt minutes par jour pour m’entraîner, ce n’est pas possible », et cetera, et Christophe répond « Si tu n’as pas vingt minutes pour toi par jour, c’est qu’il y a une vraie question de fond sur ton mode de vie ». Et j’ai trouvé, c’est pour ça que je me permets de prendre cet exemple, parce que je le trouve tellement juste, tellement vrai. Et c’est la même chose pour la cuisine. Si on n’a pas vingt minutes pour préparer à manger ou pour manger…

Caroline : J’allais dire déjà pour manger. Allez, admettons, laissons la préparation.

Anthony : Oui, oui, tout à fait. Mais rien que pour manger, tout à fait. C’est qu’on voit que nos curseurs des priorités, on les a mis ailleurs et je crois que, après, c’est un enjeu sociétal en tant que tel, mais ça nous amène là aussi à des sujets de fond. Donc pour te répondre sur le fait de bouger, c’est que, on est, alors, déjà des animaux diurnes, c’est-à-dire qu’on est fait pour bouger le jour et pour dormir la nuit. C’est tout bête quand je dis ça, mais, on est synchronisé sur des rythmes en permanence, le fameux rythme circadien, et tout fonctionne par des rythmes : notre immunité, nos hormones, notre microbiote a aussi un rythme circadien. Donc ce n’est pas que la question du jour et de la nuit ou de dormir et d’être éveillé, c’est que c’est beaucoup plus impactant que ça en termes de biologie. Et on sait que le mouvement joue un rôle important à ce niveau-là. On a des capteurs, ce qu’on appelle des horloges périphériques au niveau des muscles, au niveau du foie, au niveau de pas mal d’organes. Mais, si on regarde à l’échelle du temps, l’homme et avant l’homme, si on parle des hominidés, des homininés, et cetera, on a toujours été en mouvement à travers des flux migratoires, à travers… Alors quand on s’est mis sur deux pattes au sens de la, on a acquis la bipédie, ça nous a permis d’explorer davantage. Et ça, ça crée des stress au niveau cellulaire qui sont le point de départ de nos adaptations. Il y a un auteur que j’aime beaucoup citer aussi, qui s’appelle Matson, qui donne l’exemple du lion affamé, et qui dit qu’un lion n’a jamais été aussi performant physiquement que quand il a faim pour aller chasser. Donc là, le lion il ne se demande pas s’il va tomber en hypoglycémie, s’il avait mangé de pâtes avant sa chasse ou autre. Donc c’est… j’en rigole, mais c’est tellement juste. Et en fait, ce mouvement musculaire associé, là je rajoute un autre critère qui est la notion de jeûne, d’absence de prise alimentaire, mais ça vient stimuler ce qu’on appelle le BDNF, qui est un facteur de croissance au niveau neuronal, qui est une des hypothèses évolutionnistes du développement du cerveau chez l’homme, notamment depuis la bipédie. Donc on pourrait remonter comme ça très loin. Mais on voit que cette notion de mouvement musculaire, elle est bien plus, là aussi, profonde qu’on pourrait l’imaginer. On a un terme aujourd’hui qu’on utilise de plus en plus dans la littérature scientifique qui s’appelle les exerkines. C’est un terme générique qui englobe toutes les molécules qui sont produites quand on fait du mouvement musculaire. Et en fait on se rend compte qu’il y en a dans les muscles, mais il y en a dans tous les organes. Donc en fait, quand on est en mouvement, c’est tout notre organisme qui répond à ce mouvement-là. L’ostéoporose, par exemple, on sait que un des meilleurs facteurs de prévention, pour ne pas dire le meilleur facteur, c’est déjà de bouger, et de créer de la sollicitation. Je fais ça parce que l’onde de choc mécanique, la contrainte, va créer une adaptation, et on sait que par le mouvement en fait, on crée un contexte optimal pour prendre soin de notre tissu osseux. Là je parlais de BDNF avec le cerveau, c’est pareil au niveau du tissu adipeux, c’est pareil au niveau du foie, bon bref, il y a énormément de… du microbiote également, et de l’intestin. Il y a énormément d’organes qui sont très sensibles. Et malheureusement aujourd’hui, on s’est complètement désadapté de ça parce que, encore une fois, on est dans un modèle sédentaire, et une terminologie de plus en plus utilisée, c’est cette terminologie-là dont je parlais tout à l’heure, de sportif sédentaire, c’est-à-dire que il y a deux notions différentes. Je peux partir très longtemps,

Caroline : Non mais moi j’adore donc, ça va.

Anthony : Il y a la notion d’inactivité physique et la notion de sédentarité. Donc ça, c’est des aspects de sémantique officielle, de sémantique en tout cas de recommandation, qui est de dire effectivement, les gens ne font pas assez d’activité, donc ils sont dans l’inactivité physique. L’inactivité, c’est quelqu’un qui ne va pas faire d’activité physique au sens sportif ou en tout cas marcher, et cetera, suffisamment de temps dans la journée ou dans la semaine. Et il y a la notion de sédentarité. La notion de sédentarité, on considère que c’est quand on reste assis plus de sept heures dans la journée. Donc, on peut avoir notre sportif, moi en l’occurrence, j’ai été courir tout à l’heure. Je fais une heure quinze, une heure trente de course à pied, très bien. Mais si le reste de la journée je suis assis tout le temps, je crée des facteurs de risque en termes de santé, indépendamment du bénéfice que j’ai eu à aller courir, aller nager, aller faire une activité physique. Et donc on a besoin de bouger. On estime qu’on a besoin tous les vingt à vingt-cinq minutes de bouger quelques minutes. On parle aussi souvent de bouger cinq minutes toutes les trente minutes. Et ça c’est un bénéfice indépendamment de, encore une fois, de la pratique sportive ou de l’activité sur un temps donné. Et malheureusement, on est… déjà, on est beaucoup trop peu à bouger suffisamment sur un temps de pratique, et beaucoup trop peu à rester trop sédentaire. Et ça, ça a des implications sur l’insulinorésistance par exemple, qui est quand même, aujourd’hui une insuline, toi qui connais le régime céto… l’alimentation cétogène, c’est un des grands bénéfices, c’est justement de mieux réguler cet aspect. Je parlais de rythme circadien, on sait que ça joue aussi sur l’insuline.

Caroline : Moi je… de toute façon, tu prêches une convaincue. Moi, quand je suis en cétose, ma vie est transformée. Je dors très bien, j’ai une énergie qui est incroyable, je sens mon cerveau avec des capacités qui ne sont pas celles du quotidien normalement. Enfin c’est, je ne suis pas la même.

Anthony : Alors là, tu es dans le dans le schéma, entre guillemets, extrême, au sens où tu n’as plus les glucides, mais pour quelqu’un qui mange des glucides, la régulation de la glycémie, mais surtout la sécrétion d’insuline associée à la glycémie est essentielle sur énormément de facteurs. Et je parlais du mouvement. En fait, le mouvement crée de la sensibilité des cellules à l’insuline, qui est un facteur de bénéfices cardiovasculaires, métaboliques, qui est extrêmement important. Du coup, je rebondis sur ce que tu disais par rapport à la sensation que tu as, sur cette alimentation cétogène. Alors moi j’ai beaucoup accompagné de sportifs ou de patients là-dessus parce que c’était une demande de leur part. Je l’ai aussi expérimenté pendant un an à peu près, plus pour des raisons de santé dans mon cas, vis-à-vis de ce qu’on appelle la neuro-inflammation. Clairement, j’en ai vu un bénéfice. Après, c’est toujours cette contrainte, cette balance, contraintes sociales et bénéfices biologiques ou métaboliques, et cetera. Mais là où il y a de la… c’est pour ça que je me permets un peu de rebondir sur ça, on a quelques données aujourd’hui sur des marqueurs, et notamment ce qu’on appelle les ApoE. Je ne sais pas si ça te parle. En fait, c’est ce qu’on appelle des apolipoprotéines de type E, qu’on a beaucoup étudié vis-à-vis des risques de maladie d’Alzheimer, et plus récemment des maladies des risques de diabète de type 2. Et d’ailleurs, pour la maladie d’Alzheimer on parle de plus en plus de diabète de type 3 ou d’un insulinorésistance cérébrale.

Caroline : Ouais, ça je sais ouais.

Anthony : Et en fait, on se rendait compte qu’effectivement des gens qui avaient un type d’ApoE particulier, ce qu’on appelle des ApoE4 en termes de polymorphisme génétique, avaient en moyenne dix fois plus de risques de développer une maladie d’Alzheimer ou de développer une maladie de type diabète de type 2, en tout cas une problématique métabolique. Et en fait si on remonte à l’échelle de l’évolution, et là je vais essayer de faire assez simple, mais…

Caroline : J’ai vu à ton regard qu’il fallait vraiment prendre une pause de deux secondes pour simplifier le schéma.

Anthony : C’est ça. On parle d’haplogroupe, c’est-à-dire un peu des typologies d’ADN au niveau des mitochondries. Je ne vais pas plus rentrer dans les détails qui sont très liés aux flux migratoires, donc aux origines ethniques finalement, et notamment en fonction des personnes, par exemple, qui ont vécu en Centrafrique ou dans des latitudes basses, donc avec de la chaleur, une alimentation essentiellement glucidique puisque ça voulait dire des fruits, des légumes, des tubercules, et cetera, vis-à-vis d’autres populations qui ont vécu dans le froid, où là les mitochondries ont dû produire plus de chaleur et fonctionner essentiellement avec du gras, des protéines, un peu de fibres, mais pas ou peu de glucides, donc un modèle plutôt cétogène. Et en fait on a des, alors, on a des profils génétiques aujourd’hui qu’on sait identifier, mais on a ce marqueur qui est l’ApoE, et certains auteurs, certains chercheurs sur le modèle parlent des allèles de mangeurs de viande ; c’est-à-dire que les gens qui sont non pas ApoE4, mais ApoE3 et surtout à ApoE2, sont des gens finalement qui se prédisposent beaucoup plus à une alimentation de type cétogène, et les ApoE3 par exemple modèle Low Carb, et si je caricature un peu, les ApoE4 plutôt régime méditerranéen avec des glucides sans une forte sécrétion. Mais c’est des gens qui ont été facilement sujet à l’insulinorésistance, d’où en fait la corrélation avec cette notion de diabète et d’Alzheimer. Et c’est passionnant parce que pour moi, c’est un, je ne peux pas dire c’est le premier, mais en tout cas, ça fait partie des premiers éléments sur lesquels on peut s’appuyer en termes de génétiques pour personnaliser des recommandations. Et en fait, ça nous donne aussi une autre dimension par rapport à toute la polémique qu’on peut avoir sur le cétogène. On a des personnes qui vont dire « Moi je ne m’y fais pas, ce n’est pas possible, je m’y adap… ». Et chez le sportif, c’est encore plus marqué parce qu’il y a une notion de pratique en fait. Tu connais Sébastien Chaigneau, que je salue au passage, qui l’a beaucoup pratiqué, et qui est un fervent défenseur, ou en tout cas, qui parle de son expérience très bien sur ce sujet-là. Mais, dès qu’on parle d’endurance ou d’ultra endurance, effectivement, si on ne s’adapte pas à un modèle alimentaire comme le cétogène, ça peut vite devenir compliqué. Donc le fait de savoir qu’il y a une forme de prédisposition à ça, c’est intéressant pour finalement dire OK, on y va ou on n’y va pas. Et souvent, ce que je dis aux sportifs, si on parle du cétogène, c’est que-ou d’ailleurs un non sportif — c’est avant tout un contrat social, c’est-à-dire, ça veut dire revoir son apéro, revoir le gâteau d’anniversaire, et cetera, donc être prêt à être un peu en marge de la plupart des personnes sur certains moments. Alors après, avec une souplesse plus ou moins forte, mais… après c’est toujours des questions de balance bénéfices-contraintes. Mais pour en voir les bénéfices, il faut quand même un certain temps. Et tu disais toi quand tu es en cétose, effectivement tu vas très bien parce que en fait, le cerveau adore les corps cétoniques, et c’est l’histoire de Matson avec le lion affamé dont je te parlais tout à l’heure. C’est que, effectivement, on a vécu comme ça pendant des périodes, sans prise alimentaire où il fallait bouger, puisque là il fallait chercher à manger, il fallait chercher à se défendre ou à combattre, et cetera donc on n’avait pas le choix. Donc le cerveau, il ne va pas dire « Non. Je n’ai plus de glycogène. C’est la panne sèche et j’arrête ». Donc heureusement qu’on a des voies comme ça de secours, qui sont des voies de secours chez certaines populations-notamment, je parlais des ApoE4 — et qui étaient, probablement, des modèles quotidiens pour des gens qui ont un autre polymorphisme génétique.

Caroline : J’ai deux questions suite à ce qu’on vient de dire. On déroge complètement par rapport au programme, mais tant pis. Sur le régime cétogène, est-ce que tu crois à la flexibilité métabolique et est-ce que tu as un avis là-dessus ? Ça m’intéresse de savoir. Moi c’est ce que j’essaie de pratiquer, et je me questionne. Est-ce qu’on a… enfin, je n’ai pas trop trouvé en fait des études ou de la littérature là-dessus. Donc j’aimerais bien avoir ton avis. Et le deuxième point c’est est-ce qu’on peut savoir ou est-ce qu’on peut tendre vers un à ApoE2 si ça nous intéresse ? Pour essayer de se dire OK, j’en suis très loin, je m’en rapproche. Est-ce qu’il y a un moyen de savoir ça ?

Anthony : Alors est-ce qu’il y a moyen ? Oui. Est-ce que tu pourras y tendre ? Non. C’est-à-dire ça c’est ta génétique, donc en fait c’est comme ça, et tu es soit hétérozygote, soit homozygote, c’est-à-dire que ce soit tu as deux allèles, soit tu n’en as qu’un. Et donc si tu en as deux, t’es encore plus prédisposé. Et en France, malheureusement, on n’a pas le droit de le faire à titre préventif. Donc ça, c’est un autre débat éthique qui est que, effectivement, sauf si ton médecin a une suspicion de maladie génétique, et notamment là on parlait… alors, là on n’est pas dans la génétique, mais en tout cas où il y a une propension, il y a un risque particulier, on peut le doser à titre préventif simplement pour ta santé. Donc tu vas en Suisse, tu vas dans plein d’autres pays, tu pourras le faire. En France, tu ne peux pas le faire. Donc, voilà. Après, une fois que tu l’as, il est là. Et c’est d’ailleurs un des grands débats éthiques, en fait, de une fois qu’on a l’information, qu’est-ce qu’on en fait ? Alors là c’est, je ne vais pas dire quelque chose de confort, mais si on parle de risque de cancers, et cetera, ça peut amener à d’autres sujets. Mais toujours est-il que une fois que tu l’as, tu pourras te dire « OK, je suis plus ou moins prédisposé à manger soit cétogène ou autre », mais tu ne pourras pas le modifier.

Caroline : Oui, mais si ça te donne quand même une, enfin, un aperçu, parce qu’il y a quand même énormément de, pour le coup, littérature, et c’est chose connue sur le régime cétogène, ça améliore quand même grandement la maladie d’Alzheimer et des maladies qui sont liées à tout ce qui est neurologique ; et donc si on a potentiellement une prédisposition, c’est quand même pas mal de se dire…

Anthony :Oui bien sûr. Oui, oui, mais…

Caroline :… allez, si je change peut-être… Bon, de base, c’est bien d’avoir une bonne alimentation.

Anthony :Oui.

Caroline : J’en suis convaincue, mais, ça peut aider et autant ne pas attendre.

Anthony : Oui. Eh bien, on rentre dans tout le débat justement de la personnalisation et notamment sur le profilage génétique. Mais oui, bien entendu. En fait j’avais compris dans le sens est-ce que tu peux modifier ton capital? Non.

Caroline : Oui. Non. OK.

Anthony : Et là tu ne le changes pas.

Caroline : Non, mais par contre tu peux l’aider.

Anthony :Voilà. Tu peux en tout cas modifier ton mode de vie en fonction de ça. Complètement. Et, alors, juste sur l’histoire d’Alzheimer et du cétogène, c’est là où, quand on regarde en détail la littérature, justement, on a quelques publics qui associent le profilage ApoE avec Alzheimer et le régime cétogène. Et on… ça conforte cette tendance que justement, par exemple chez des ApoE4, qui sont les plus sujets à Alzheimer, le cétogène n’est pas aussi intéressant que un ApoE2 ou un ApoE3, mais qui se prédisposent moins à la maladie. Donc des gens qui… alors, après ce n’est pas une question de guérir, c’est une question de ralentir l’évolution de la pathologie.

Caroline : Oui c’est ça. Non, non, c’est ça. Complètement.

Anthony :Et après, il y a plein d’hypothèses encore autour d’Alzheimer. Par contre ce qui est certain, c’est qu’il y a une insulinorésistance qui se développe, une insulinorésistance centrale, c’est-à-dire cérébrale. Et on a, on sait qu’aujourd’hui qu’on a une production locale au niveau hypothalamique, un peu d’insuline, qui a un effet très localisé indépendamment de l’insuline au sens périphérique. Donc effectivement, l’alimentation cétogène amène à pas mal de questions. Après, il y a un grand biais dans les études, c’est que on, souvent on est sur des modèles expérimentaux chez l’animal ; on va étudier l’effet du BHB, donc, tu dois connaître ça.

Caroline : Oui.

Anthony :Ce composé qui est le substrat principal au niveau des corps cétoniques, le bêta-hydroxybutyrate, et ça… il y a des effets qui sont marqués, vis-à-vis notamment de la réduction de la neuro-inflammation. C’est pour ça qu’historiquement on l’avait indiqué dans le cas des enfants épileptiques. Maintenant l’alimentation cétogène, c’est différent du BHB chez des animaux. Et là il y a la façon dont on va mener le régime cétogène et en fait, les effets du modèle alimentaire autre que la notion de cétogène, c’est-à-dire est-ce que je mange cétogène et de qualité sur les graisses ou pas. Bref, c’est des grands facteurs de confusion.

Caroline : Oui, oui. Et puis c’est les gros problèmes aujourd’hui liés au régime cétogène, c’est que on associe gras et bon gras et mauvais gras, et surtout mauvais gras donc…

Anthony :Et plus de protéines. On en parlait tout à l’heure, et cetera donc, on pourrait faire une émission sur cétogène, et toi tu connais bien le sujet. Ta première question c’était…

Caroline : Sur la flexibilité métabolique.

Anthony :Justement en fait, ça c’est une très bonne question. Et donc ça nous amène à un principe qui s’appelle le principe d’Hormèse en fait, qui est un principe à la base de toxicologie, qui en fait étudie l’effet positif ou délétère d’un composé en fonction de sa dose. Donc c’est l’histoire de Paracelse « c’est la dose qui fait le poison ». Et ça, ça a été beaucoup étudié, notamment un scientifique qui s’appelle Calabrese, qui est très expert de ce sujet. Mais sans là aussi rentrer dans les mécanismes, c’est un des principes d’évolution qui est que on a besoin de se stresser pour s’adapter, et donc potentiellement aussi générer une pression sélective, parce qu’au final, ceux qui se seront le mieux adaptés seront ceux d’ailleurs à qui ont assuré la descendance, et cetera. Mais la biologie, l’évolution… le vivant est fait de stress cellulaire ; c’est-à-dire que, on a déjà un principe de base, un besoin de base, c’est la reproduction, et le deuxième c’est l’évolution. Donc, cette évolution se fait par des stress. Et ce qu’on sait c’est qu’un individu qui est en bonne santé aura une capacité de supporter un stress cellulaire plus important et plus fréquemment que quelqu’un qui est malade ou en tout cas qui a moins de moins de vitalité. Et la notion flexibilité métabolique, elle intervient à ce niveau-là, à savoir que on va créer des stress réguliers, comme ça par les demandes d’adaptation, et en fonction d’une part, de la prédisposition génétique de la personne, on parlait des ApoE par exemple sur le modèle cétogène ou versus modèle plutôt glucidique, mais aussi en fonction de l’état de santé dans lequel se trouve l’individu, on aura une capacité à assurer cette flexibilité qui sera très variable. Donc, elle peut être très intéressante, mais elle doit être vraiment personnalisée, a minima en fonction de l’état de la personne, et idéalement en fonction d’un profilage si jamais on en a un quoi.

Caroline : OK.

Anthony :Voilà.

Caroline : Super.

Anthony :Si ça répond à ta question…

Caroline : Si, si. Non, non, ça répond à ma question puisque je m’interrogeais sur est-ce que c’était pertinent ou pas ? Est-ce que vraiment on peut réussir à tendre vers cette flexibilité ? Puisque je te disais moi c’est un peu ce que j’essaie, c’est ce que je cherche, avec des moments où je vais être en céto, enfin, en cétose, et des moments où je vais être plutôt Low Carb à certes consommer des glucides, mais éviter au maximum d’en consommer trop.

Anthony : Ce qui est certain, c’est que si tu pars sur un modèle cétogène, globalement, même si tu réintroduis des glucides, ce sera important de limiter la sécrétion d’insuline parce que là, si tu passes d’un extrême à l’autre, ton corps il va avoir plus de mal à supporter ça, surtout dans la répétition. Par contre, effectivement, sur le…. alors, ça dépend de quoi on parle. Si on parle de la performance, par exemple, quand tu es dans un modèle d’endurance classique, c’est-à-dire tu manges des glucides, tu peux créer un effort int… tu peux supporter un effort intense et être performant à ce niveau-là. Et notamment grâce à une enzyme qu’on appelle la PDH, donc la Pyruvate déshydrogénase. Je ne vais pas trop, voilà, essayer de donner de termes techniques, mais je suis obligé de passer un petit peu par là pour donner des exemples. Et quand tu es en cétogène, en fait, pour un athlète d’ultra, donc en tout cas des efforts au moins de huit-dix heures, on a effectivement ce bénéfice des corps cétoniques parce qu’on s’affranchit en fait de la contrainte des glucides, mais au détriment de l’activité de cette PDH qu’on perd très vite ; en quelques jours, voire quelques semaines. Donc ça veut dire que un athlète d’endurance, en cétose, ne pourra pas supporter des efforts à haute intensité. Et notamment, parce qu’il a perdu cette adaptation enzymatique qui est liée au modèle glucidique. Donc, on parle de plus en plus dans le monde du sport, de ce qu’on appelle la périodisation nutritionnelle, où là on va venir cibler justement en fonction de l’objectif de l’entraînement, le modèle alimentaire, et sans passer dans des extrêmes de cétose versus, entre guillemets, normaux ou hyper glucidiques. Par contre de se dire, sur des efforts longs où je vais, comme on le dit vulgairement, taper dans les graisses, c’est-à-dire favoriser la filière alipolitique, de s’entraîner à glycogène bas peut être intéressant. Il y a des, là aussi je parle un peu de jargon dans le sport, mais « Train low », de « Sleep low », et cetera, où on vient, on vient forcer l’organisme en fait à jouer sur cette filière lipidique. Mais on n’est pas bien, on est en termes de performance en tant que telle. Et puis des efforts, on va faire du fractionné, on va faire de l’intensité, où là au contraire, on va partir avec un niveau de glycogène qui est haut. Donc on n’est pas vraiment dans la flexibilité métabolique, mais on est dans de l’adaptation en fait, en fonction de l’objectif effectivement du modèle alimentaire. Mais, je reviens sur cette notion d’état de santé initial qui est important parce que, et notamment pour l’insuline, c’est vrai que c’est, que si tu es en modèle Low Carb ou en cétogène, il y a une sensibilité à l’insuline qui est devenue très importante, c’est un bénéfice. Mais par contre, si du jour au lendemain tu te remets à manger beaucoup de glucides, il y aura une réponse qui sera beaucoup plus forte aussi à ce niveau-là. Donc on a des amplitudes qui doivent être quand même assez modérées.

Caroline : On garde le plaisir de se faire un pain au chocolat de temps en temps, on va dire, mais on ne va pas passer sur un régime où il y a du pain au chocolat tout le temps.

Anthony :Et puis le paquet de gâteux, de bonbons.

Caroline : Non, non. De toute façon, mon corps aujourd’hui, ça me fait plaisir en fait sur le coup, et puis en fait, je… ça me fait de moins en moins plaisir parce que je le vis mal, donc…

Anthony :Tu le vis mal. Après ça dépend si tu parles psychologiquement ou métaboliquement.

Caroline : Métaboliquement, physiquement. C’est je me sens très fatiguée, j’ai du mal à digérer, enfin, ouais, c’est plaisant sur le moment, mais après ça ne l’est pas du tout.

Anthony :Après, à ce niveau-là, et ça c’est, alors, c’est très intéressant parce que du coup, c’est là où on parle de la balance bénéfices-contraintes entre guillemets, et puis finalement ta part de bénéfices à rester là-dessus est bien plus importante finalement…

Caroline : Oui, oui.

Anthony :… que la contrainte de ne pas manger un pain au chocolat ou autre. Après, il y a cette notion d’adaptation. Tu parles au niveau digestif où en fait notre microbiote s’adapte aussi sur ces modèles alimentaires. Et du coup, quand tu reviens à un autre modèle alimentaire qui peut être différent sur les répartitions entre les macronutriments, ça peut te demander une adaptation aussi qui n’est pas négative au sens où ça ne veut pas dire que tu t’es adapté et que en fait le reste est désadapté, ça veut dire que tu t’es adapté dans un contexte, que tu peux te réadapter dans un autre, mais que la phase de transition elle n’est pas confortable. Voilà. Et comme quand, tu as fait un cétogène je pense pour la première fois ou quand tu parlais de jeûne sur trois jours, au début ce n’est pas simple, voilà. Il faut accepter de sortir, c’est le fameux effet d’Hormèse, sortir de sa zone de confort, être en stress, et c’est à partir d’un temps que on commence à en voir les bénéfices et à être bien mieux. Donc, là c’est pareil, c’est-à-dire il faut accepter qu’il y ait une période de transition. Donc ce qui est délicat, c’est quand tu es toujours dans des périodes de transition où finalement là tu n’as plus de zone de confort dans un sens ou dans un autre.

Caroline : Oui. Et c’est ce qui est très dur avec le régime cétogène, c’est que oui, ça devient après socialement difficile de vraiment maintenir quoi.

Anthony :C’est pour ça que je parle de contrat social ou autre. C’est, il faut accepter ça.

Caroline : Oui.

Anthony :Au risque de divorcer ou par exemple, voilà.

Caroline : Est-ce qu’on peut passer alors maintenant à plus cet aspect sur comment on peut faire aujourd’hui pour avoir une alimentation qui soit aussi bien saine qu’écologique ?

Anthony :Oui, oui, ça peut être un long sujet aussi. En fait, ça ne change pas grand-chose par rapport à déjà ce qu’on a dit, c’est-à-dire le côté brut, c’est-à-dire non transformé, local, sur des filières courtes, de saison ; et là où du coup, quand je parle de saison, cette notion de flexibilité métabolique elle a un sens aussi dans notre évolution, en fonction des saisons, parce qu’on avait des modèles alimentaires qui variaient. Mais je ne vais pas revenir dans le sujet d’avant. C’était juste une petite parenthèse. Et puis avec le moins d’intrants chimiques, donc plutôt bio, donc plutôt bio ou sans contaminants, en tout cas, qu’on a rajouté, parce qu’il y en a automatiquement du coup, maintenant, dans l’environnement. On y rajoute la notion de produits animaux. Ce qu’il faut savoir qu’effectivement, quand on parle d’écologie, alors on a en tête les émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique, et le GIEC nous en parle régulièrement, mais il n’y a pas que ça. Il y a… on estime qu’il y a à peu près neuf limites planétaires, dont le réchauffement climatique, par les émissions de gaz à effet de serre, l’eutrophisation, l’acidification des sols, il y a des enjeux autour du phosphore également, il y a des enjeux autour de l’eau, il y a des enjeux bien sûr autour de la biodiversité, autour des… on parle des aérosols c’est-à-dire des contaminants, des molécules qui sont présentes dans l’air. Et malheureusement, aujourd’hui, on a dépassé déjà six des neuf limites planétaires, biocapacité, et on en a dépassé trois en l’espace de deux-trois ans à peine. Donc en fait, on va vite, on va trop vite, c’est-à-dire quand on rentre dans un schéma qu’on a de moins en moins de facilité à modéliser et appréhender.

Caroline : On a dépassé lesquelles ?

Anthony :Alors, notamment sur le réchauffement climatique, sur les aérosols, et puis, le phosphore également, sur l’eutrophisation je crois qu’on a… j’ai un doute, je regarde en détails mais je ne les ai plus en tête là. En tout cas, sur ces notions, il faut avoir à l’esprit que, en fait, quand on parle de réchauffement climatique, on parle de, avant tout aussi d’atteinte de la biodiversité, et notamment par rapport à nos choix alimentaires, c’est-à-dire que quand, juste pour donner un ordre d’idée sur les émissions de gaz à effet de serre, il y a à peu près un tiers de gaz à effet de serre de la part du réchauffement qui est lié au modèle agroalimentaire, au sens de la culture, de l’élevage et l’industrie agroalimentaire. Dans ce tiers, il y a à peu près les deux tiers qui sont liés à la consommation animale, et, ou en tout cas à l’élevage. Et dans les deux tiers, les trois quarts qui sont liés aux ruminants, et donc notamment aux bovins, aux moutons, mais on mange proportionnellement beaucoup moins de moutons qu’on mange de vaches dans le monde. Et donc, quand on va dire manger moins de viande, par exemple de bovins, pour limiter le réchauffement climatique, c’est aussi mettre en place un modèle alimentaire qui va être peut-être, plus intéressant sur la biodiversité, qui va créer moins d’eutrophisation, qui va demander moins d’eau, et cetera. Donc on voit que là aussi, c’est des poupées russes en tant que telles. Mais on a un rapport du EAT-Lancet, donc qui est un ensemble d’experts qui a sorti en 2019 déjà, donc ça commence à dater, un ensemble de recommandations justement pour concilier ces aspects nutritionnels vis-à-vis de la santé publique, entre guillemets, et vis-à-vis de l’écologie. Et donc leur modèle, ils estimaient, faisait gagner, en tout cas réduire d’à peu près 6 à 11 % les risques de mortalité précoce, et surtout permettait d’éviter le réchauffement climatique de 2 °C, voire d’atteindre, en tout cas de limiter, à 1,5 °C, c’est-à-dire d’atteindre l’objectif de 1,5 °C. Ça, c’était il y a trois ans. On sait depuis que non seulement on ne l’a pas mise en place…

Caroline : C’est ce que j’allais dire, c’est que au final…

Anthony :… mais c’est déjà trop tard, au sens où le dernier rapport du GIEC, l’avant dernier maintenant, nous indique que ce n’est plus une probabilité à 2050, c’est une certitude, et plutôt sur 2040. Donc, finalement, on voit que les données sont valables à un moment donné, mais plus on attend et plus les efforts pour rentrer dans ces objectifs seront importants. Mais ce que nous disait cette étude, alors il y a plein d’aspects.

Caroline : Ouais c’était… j’allais y venir. Elles étaient… quelles étaient les recommandations ?

Anthony :Alors c’est, en plus, c’est un peu comme le GIEC ; c’est-à-dire le GIEC c’est un rapport qui va être donné à un moment donné, là c’est pareil, c’est un rapport du EAT-Lancet sur d’autres publications. Donc en fait, entre guillemets, il ne faisait que reprendre un ensemble de… alors, il y a les travaux de Springman, il y a pas mal d’experts sur le sur le sujet, mais qui sont des données parfois très anciennes et qu’on connaît déjà. Mais en tout cas, un des points majeurs, c’est la réduction de la consommation de viande, et notamment sur les viandes bovines ou des ruminants. Ils incluent aussi le porc, alors qu’il n’est pas un ruminant en soi, mais dans le modèle nutritionnel c’est cohérent de les mettre à peu près ensemble. Donc, à une consommation, une portion tous les neuf à dix jours. Donc quand on voit qu’aujourd’hui on a du mal à dire aux gens de manger, ne serait-ce qu’une fois par jour de la viande, on voit qu’il y a quand même un axe de progrès qui est important. Et malheureusement aujourd’hui, quand on regarde les projections, en fonction des pays, on est parfois à 190 voire plus de 300 % de biocapacité vis-à-vis de la consommation des ruminants, donc ce qui est bien plus que ce vers quoi on doit tendre, c’est-à-dire une diminution normalement de 88 % de la consommation à l’échelle mondiale. Donc…

Caroline : Ça me permet de rebondir sur une question qu’on me pose souvent ; c’est oui, mais on fait comment pour les protéines ?

Anthony :En apport tu veux dire ?

Caroline : Oui parce que si jamais… tu vois, typiquement dans un régime cétogène, beaucoup de personnes pensent qu’il faut beaucoup de protéines, ce n’est pas forcément le cas. Mais il y a aussi beaucoup de personnes qui se disent si je n’ai pas… enfin, les protéines végétales, certes, tu peux en avoir, mais elles sont très riches en glucides, pour certaines et pour la majeure partie. Voilà, comment on gère ?

Anthony :C’est vrai que si tu fais cétogène et sur la notion végétalien ou autre, ça devient compliqué. D’ailleurs, sur les… c’est ce que nous disent les publications là-dessus, c’est que même si le modèle végétalien, végan, permettrait de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre par rapport à un modèle flexitarien, ce n’est pas pour autant un modèle adoptable pour toute la population et notamment pour l’écosystème, parce que ça amène d’autres questions sur la fertilisation des sols. Bref, encore une fois, c’est plein d’arborescence possible de remarques qu’on pourrait faire, mais pour répondre à ta question sur cet aspect, et c’est ce que nous dit ce rapport du EAT-Lancet comme d’autres, c’est déjà d’augmenter les oléagineux, fortement. Et l’intérêt de ces oléagineux c’est que, au niveau écologique c’est plutôt très intéressant. Il y a une contrainte sur l’empreinte hydrique qui n’est pas, voilà, qui est en fonction des types d’oléagineux, où ça peut être embêtant, et notamment de la géographie ; c’est-à-dire que si je pense aux amandes…

Caroline : J’avais ça en tête. On ferait mieux de manger des noisettes en France plutôt que des amandes, ou alors…

Anthony :ou alors des amandes françaises.

Caroline :… des amandes de Californie…

Anthony :Voilà, et non pas Californiennes, exactement. Donc déjà c’est l’intérêt, c’est que moi je parle beaucoup du triptyque noix-noisette-amande, c’est qu’ils poussent, sur les oléagineux, c’est ça moi qui nous donne ses oléagineux qui poussent sur le sol français. Donc déjà au niveau écologique c’est très intéressant ; au niveau hydrique, ça dépend parce qu’on parle d’eau grise, d’eau verte, d’eau bleue, donc en fait est-ce que c’est l’eau qui est liée en fait à la pluie? Est-ce que c’est lié à l’irrigation ? Par exemple, tu parles des amandes de Californie, un des vrais problèmes de ces amandes, c’est qu’on irrigue, donc en fait on utilise l’eau au détriment d’autres choses. Contrairement à d’autres oléagineux, le pistache par exemple qui demande beaucoup d’eau, mais il y aura une part d’irrigation qui sera peut-être un peu moins importante. Mais là on reste dans tous les cas dans des oléagineux, entre guillemets, exotiques, si je parle des pistaches. Donc l’intérêt sur la France, en tout cas localement, c’est effectivement ce modèle noix-noisettes-amande, nutritionnellement et très intéressant, nous apporte beaucoup de protéines, écologiquement, et bénéfique. Les légumineuses qui effectivement peuvent poser problème si on parle d’un cétogène, mais si on met de côté le cétogène pour un modèle flexitarien, ça correspond complètement. Donc légumes, tout ce qui est lentille, fève, pois secs, pois cassés, pois chiches et autres. Les produits céréaliers complets, on a moins de protéines, mais on en a quand même de manière correcte. Et aujourd’hui en France, on a deux problèmes sur les protéines, sur la population globale, comme le modèle occidental, c’est que déjà on mange trop de protéines. C’est-à-dire que…

Caroline : C’est à ça. J’avais envie que tu arrives à cette partie-là.

Anthony :Donc, en gros, on mange entre 1,3 – 1,4 gramme de protéines par kilo de poids corporel par jour. Notre besoin, il est de 1 gramme — 1,2 gramme. Et encore, si on cuit mal les protéines, on fait des steaks grillés, et cetera. Si on y prend vraiment soin, on peut être à moins d’un gramme. Le besoin fondamental il est plutôt à peu près de 0,8 grammes, donc 0,8 et 1 gramme, mais pour des questions de complémentarité, de protéines, d'acides aminés et cetera, on parle souvent de 1 gramme-1,2 gramme. Donc en fait, déjà là, il y a 10-15 % qu’on peut facilement aller gagner. Et le deuxième aspect, c’est qu’en moyenne, je parle forcément que de statistiques, mais on consomme deux fois trop de protéines animales par rapport aux protéines végétales. Et bien sûr, ça, ça a un impact négatif sur les notions d’émissions de gaz à effet de serre, mais pas que. Je parlais des autres facteurs, notamment sur l’eutrophisation, et cetera, peu importe. Mais donc, revenir simplement à nos besoins de base, c’est-à-dire de manger au moins autant de protéines végétales que de protéines animales, d’en manger moins quantitativement que ce qu’on fait sans pour autant se mettre en situation de déficit. Alors là, on estime que c’est entre 18 et 25 % des gaz à effet de serre déjà, sur la part protéique, qui pourrait être gagnée. Ce qui est énorme, c’est considérable. Revoir la filière. Alors, le rapport de EAT-Lancet lui s’affranchissait un petit peu de ça. C’est ce qui a été d’ailleurs une des critiques qui ont pu être faites. Mais c’est vrai que, on a aujourd’hui des modèles extensifs, qu’on sait bien plus intéressants au niveau écologique, sans parler même du bien-être animal, que des modèles intensifs ; et aussi au niveau nutritionnel, je parlais des oméga 3 tout à l’heure avec l’histoire de la vache qui broute de l’herbe et non pas du soja. Donc bien sûr, c’est aussi de revoir ces modèles-là. Et puis, au-delà de la viande, sur l’aquaculture, sur le fait de préserver une partie des sols sans aucune intervention humaine, pour aussi favoriser la régénération. Il parle aussi d’un élément très pertinent qu’on évoque malheureusement très peu, qui est une notion de gouvernance indépendante des pays, notamment des… parce que voilà, le GIEC se repose sur l’ONU, mais après il y a, on pourrait en discuter aussi un petit peu là-dessus, mais finalement, aujourd’hui, tant qu’on n’aura pas une instance internationale de gouvernance vis-à-vis de certains respects en fait de critères écologiques, le risque, c’est qu’on est des pays, des États membres qui, qui forcément vont penser à leur économie.

Caroline : Oui, c’est ça. De toute façon, tout le jeu, il est aussi économique derrière.

Anthony :En tout cas, il y a une part importante, oui. En fait, ce qui est surtout très rassurant et très positif, parce qu’on dit des choses là qui ne sont pas forcément très, effectivement, très enthousiasmantes, mais c’est la réalité de la situation aussi et plus on en a conscience et plus ça nous met aussi dans le processus du changement, parce que ça, ce n’est pas forcément simple, et le GIEC, d’ailleurs on considère l’écoanxiété comme étant un problème à part entière lié à l’aspect écologique donc même l’écoanxiété est devenue un sujet de fond, mais ce qui est rassurant, c’est que… enfin, je reviens toujours à cette notion de bon sens, c’est-à-dire qu’on parle de nutrition individuelle, préventive, voire une adaptation sur des pathologies ou autre, et de modèle écologique, c’est que, et je me répète, je le disais tout à l’heure, mais si on revient sur une alimentation qui essentiellement brute, de saison, locale, donc sur des circuits courts, avec le moins de contaminants, et cetera, finalement on répond en grande partie à ces enjeux. Donc ça veut dire concrètement aussi avoir un modèle plus orienté sur les végétaux, ce qui ne veut pas dire un modèle végan ou végétalien, même si certains veulent le faire, mais, ça demandera des précautions et c’est aussi un autre sujet, mais voilà. Bon, il y a la vitamine B12, il y a les oméga 3 à longue chaîne dont on parlait. Il y a pas mal d’éléments à regarder de près. Ce n’est pas que ce n’est pas faisable, mais le risque en fait, c’est que des gens qui basculent végan ou végétalien le font un peu sur un coup de tête, pour des raisons qui peuvent être tout à fait justifiées, que ce soit le bien-être animal, l’écologie, la santé, et cetera, mais sans forcément avoir les informations ou l’accompagnement nécessaire pour bien adapté en fait, le modèle alimentaire en fonction. Et là, il y a quand même des précautions à prendre. Donc, en gros, c’est déjà d’être à peu près sur 80 % de végétaux. Effectivement, une vingtaine de pour cent de produits animaux. Donc on a vu les bovins ou les ruminants de, effectivement, de limiter. D’être vigilant sur la filière de poisson, parce que l’aquaculture aujourd’hui, pour beaucoup, c’est de l’élevage intensif au même titre que l’animal et tout l’impact écosystémique que ça peut avoir à ce niveau-là. Les… après, j’enfonce des portes ouvertes, mais sur l’histoire des pêches, voilà, avec le thon, et cetera qui posent de vrais soucis. Donc, quand on dit manger du poisson c’est mieux pour votre santé et l’écologie, oui et non ; ça dépend du type de poisson. On a aussi un respect des saisons à avoir. Il y a pas mal de choses qu’on pourrait…

Caroline : haute pêche.

Anthony :Exactement. Donc il y a aussi… on parlait, ça revient à la notion de conscience dont on parlait tout à l’heure donc, à l’avoir à l’esprit. Les oléagineux, et moi j’en conseille facilement au moins deux à trois poignées par jour, hormis cas particuliers de personnes qui ne tolèrent pas, et cetera, je reste général ; donc ça veut dire au moins 60 à 80 grammes de noix-noisettes-amande, qui sont très complémentaires au niveau nutritionnel. Et puis on a vu au niveau écologique qu’ils sont intéressants. De manger des huiles de qualité ; donc le mélange olive et colza est très intéressant sur les rapports entre les oméga 6, les oméga 3 et les oméga 9, mais des huiles de qualité. Là c’est pareil, ce n’est pas l’huile de colza raffinée qu’on a en grande surface, c’est une huile de colza vierge, première pression à froid, qu’on garde au réfrigérateur, parce que les, je vous le disais tout à l’heure, mais les oméga 3 étaient très sensibles à l’oxydation, donc au frigo, un à trois mois grand maximum. Et plus on va vers des huiles riches en oméga 3, moins on pourra les garder longtemps. Donc les huiles de noix, les huiles de cameline, les huiles de lin, c’est très, très peu de temps, parce qu’en plus, on ne sait pas combien de temps il s’est passé entre le moment de l’achat et le moment où on a fait l’huile en tant que telle. Mais en tout cas très peu de temps, qu’on consomme crue, donc au moins 2 à 3 cuillères à soupe, 2 à 3 cuillères à soupe d’huile d’olive également. Là, on peut utiliser pour la cuisson si on veut mais pareil, sans jamais dépasser le point de fumée. Donc c’est plutôt des cuissons douces. D’ailleurs, ça me fait penser à tout ce qui est ustensile de cuisson, éviter le téflon, tout ce qui est antiadhésif, qui est aussi un autre sujet passionnant, mais on ne va pas déborder, mais revenir sur de la cuisson à la vapeur douce donc, un cuiseur vapeur, voilà, basique ; d’avoir plutôt de l’inox pour les poêles ou les casseroles ; d’avoir du verre, le Pyrex qu’on met au four ; le verre aussi pour la conservation plutôt que le plastique. Bon, c’est des choses basiques, mais qui passent aussi par là. Qu’est-ce que… les légumineuses, donc tout… je me répète aussi, mais lentilles, fèves, haricots secs, pois cassés, pois chiches, et cetera ; là aussi si on les tolère, si on les fait bien trempé, parce qu’il y a une problématique de ce qu’on appelle les facteurs anti- nutritionnels qui peuvent être un peu embêtants pour certaines personnes, notamment au niveau de l’intestin, et là, on peut en consommer trois fois par semaine sans problème, voire davantage. Et puis des lentilles corail, des haricots azuki, par exemple, vont être beaucoup plus digestes que des gros haricots rouges ou des cocos, et cetera. Donc, c’est là où on peut aussi adapter le conseil à la tolérance digestive, mais en tout cas de refaire la part belle aux légumineuses, d’avoir bien sûr les… quand je parlais de 80 % de végétaux, donc une dominante de fruits, de légumes, cette notion de cinq ou six fruits, portion de fruits et légumes par jour, ça ne veut pas dire grand-chose parce que les gens n’ont pas de repère face à ça. Quand on regarde la littérature scientifique, c’est au moins 800 grammes à 1 kilo de fruits et légumes par jour. Et c’est énorme pour beaucoup de gens, parce que ça veut dire quand même trois fruits, deux à trois fruits, deux à trois portions de légumes, et c’est faisable en fait. Dès qu’on a…

Caroline : Oui.

Anthony :Mais c’est vrai que quand on regarde la réalité de beaucoup de gens, on en est encore loin. Donc, bien sûr, les… donc la part belle aux fruits, aux légumes, et je me répète, de saison, sur des filières courtes, et cetera. Et ça s’explique aussi au niveau nutritionnel. On n’a pas eu le temps d’en parler, mais il y a notamment vis-à-vis des polyphénols, on sait que des produits bio vont être plus intéressants que du conventionnel. Les œufs, les œufs sont très intéressants ; alors moi, je suis un fervent défenseur des œufs.

Caroline : Moi aussi. Ayez… Prenez des poules !

Anthony :Ouais, exactement donc… Alors, petite parenthèse sur les poules, c’est que, alors moi j’ai mes poules chez moi.

Caroline : J’aimerais, j’adorerais en avoir ouais.

Anthony :Le problème c’est qu’on a des études qui nous montrent que les œufs issus de poules, entre guillemets, pas artisanales mais qui sont…

Caroline : Maison.

Anthony :… familiales, voilà, c’est ça, on va dire ça, elles sont… ces œufs sont plus contaminants en dioxines et PCB, parce qu’en fait c’est des composés liposolubles qui sont de persistants organiques permanents, des polluants pardon organiques, ce qu’on appelle les POP, et qui restent dans les sols en fait. Et donc la poule elle va picorer dans les sols, mais dans une zone périurbaine on est rarement en pleine campagne, et cetera, et donc on fait très bien pour la poule, on fait très bien si on leur donne des graines de lin pour les oméga 3, pour l’aspect écologique aussi, mais en fait sur certains contaminants, c’est finalement moins intéressant que des œufs de poules élevées en batterie. Bien évidemment, je ne suis pas en train de dire qu’il faut aller vers les poules en batterie, mais montrer qu’il n’y a pas de réponse absolue, mais les problèmes sont en grande partie liés simplement à l’action humaine, c’est-à-dire que les PCB et dioxines, les problèmes sont en amont par rapport à notre mode de vie, l’industrialisation, tout ce qui est lié aux gaz d’échappement, à l’incinération, et cetera, c’est ça qui nous les a amenés plus que la nature en tant que telle. Donc aujourd’hui on fait des choix par défaut, mais en réaction en fait à nos propres modèles quoi. Mais les œufs sont, et notamment, j’en parle beaucoup au petit-déjeuner, d’avoir un ou deux œufs coques. Si quelqu’un qui ne mange pas ou très peu de viande, viande ou volaille, poisson, mais qui mange, déjà, deux œufs par jour, nutritionnellement il s’affranchit de beaucoup de contraintes.

Caroline : Il n’y a pas un risque, c’est une question qui m’est souvent posée avec les œufs, sur l’albumine, si je ne dis pas de bêtises ?

Anthony :Ah oui. Alors, l’albumine et l’avidine peut-être, mais ça c’est lié à quand le… au fait que le blanc soit encore liquide, c’est-à-dire quand le blanc est cru ; dès qu’il est blanc, de couleur blanche, c’est-à-dire dès qu’il a été dénaturé, cuit, en fait on n’a plus ce problème-là. Après, pour des… en lien avec l’albumine, sur des cas très particuliers, oui on peut faire attention, mais ce n’est pas le cas pour la grande majorité des personnes. Et puis je réponds peut-être à ce que certaines personnes vont se demander vis-à-vis du jaune d’œuf là, pour le coup, et non pas le blanc sur le cholestérol, il n’y a aucune inquiétude à avoir vis-à-vis du cholestérol. C’est une croyance qui est restée bien ancrée, qui l’est encore malheureusement, mais on n’a aucune corrélation entre le risque cardiovasculaire et la consommation des œufs. Et pour la faire très simple et très courte, déjà les trois quarts du cholestérol qu’on mesure dans une prise de sang, c’est nous qui le fabriquons. Si on en apporte, notamment le matin, il y a ce qu’on appelle la chronobiologie nutritionnelle, je parlais du rythme circadien tout à l’heure, en fait, on va réguler l’enzyme qui est à l’origine de notre propre synthèse de cholestérol. Donc finalement, le corps comprend qu’il a du cholestérol, et il se met à en produire moins pour avoir une somme qui va être correcte. Il faudrait monter jusqu’à au moins cinq œufs par jour pour avoir une augmentation significative de la cholestérolémie, autant pour le HDL que pour le LDL, et ce n’est pas pour autant que c’est associé à un risque athérogène, c’est-à-dire un risque cardiovasculaire, comme je le disais, en introduction, mais au début, c’est l’oxydation du LDL qui pose problème. Donc mesurer le taux d’anticorps anti-LDL oxydé, va être bien plus pertinent que simplement doser le taux de LDL. Quelqu’un qui a un taux de LDL élevé, mais un taux d’anticorps anti-LDL oxydé qui est bas, aura moins de risque athérogène sur ce critère qu’une personne qui a un taux de LDL normal, mais qui a un taux de LDL oxydé qui sera élevé. Donc, déjà ça c’est une parenthèse, mais qui est importante. Et l’autre point, c’est qu’on a… une fois qu’on avait écarté l’histoire du cholestérol, on s’est dit oui, mais il y a quand même un problème, notamment chez les diabétiques ou les personnes obèses, parce qu’on voit que manger des œufs tous les jours augmentait le risque soit d’apparition de diabète ou de complications liées au diabète. Et en fait, ça, c’était sur des cohortes qui étaient essentiellement américaines. Quand on prenait des cohortes asiatiques et des cohortes européennes, on a des méta-analyses aujourd’hui dans ce sens, en fait, on n’avait absolument aucun risque associé. Et surtout, ce qu’on a mis en évidence, c’est que c’était le mode de vie associé à la consommation d’œuf et la façon de consommer les œufs qui posaient problème.

Caroline : En fait, j’étais en train de me dire, est-ce que ce n’est pas plus le pain de mie qui va avec l’œuf que l’œuf.

Anthony :Ou le donuts, ou le beignet.

Caroline : Oui je me disais… qu’est-ce qu’ils font avec leurs œufs le matin.

Anthony :Ou le bacon associé, et cetera. En fait, c’était bien sûr… parce qu’en fait, il faut savoir que la plupart de ces études c’est des… c’est sur une base, soit autodéclarative ou de questionnaire, et finalement des questionnaires parfois qui vont être faits au début, au milieu, à la fin de l’étude, avec six mois de décalage, qui n’est absolument pas le reflet de ce que mange la personne tous les jours ; et ne prends pas en compte, effectivement, si l’œuf on le mange à la coque le matin avec une poignée de noix-noisettes-amandes, ou si on mange dans un donut et autre.

Caroline : On a pris une cuillère à soupe de vinaigre de cidre avant.

Anthony :Par exemple. Mais, et puis au-delà de ça, ça montrait que les gens qui étaient à risque c’est des gens qui avaient ce qu’on appelle une inflammation de bas grade ; donc c’est une inflammation qui est latente, qui est pernicieuse, et qui est en fait le point de départ de beaucoup de pathologies chroniques et notamment du diabète. Donc ça, ça s’explique par beaucoup des facteurs qu’on a développés depuis le début du podcast, et globalement par le mode de vie, donc la sédentarité, l’alimentation, le stress chronique, l’état du microbiote, tous les contaminants extérieurs, et cetera. Et c’est ça qui va être à cibler on va dire, en termes de conseils, plus que l’œuf qui n’a rien à voir dans l’histoire. On a même essayé de le rendre responsable sur un autre composé qu’on appelle le TMAO, où là aussi, ça a été largement remis en question. Donc soyez rassurés, si vous aimez les œufs et au niveau écologique, ce sera parfait. Vous pouvez tout à fait manger un ou deux œufs sans problème. Donc voilà, je pense qu’on a parlé des légumineuses, des huiles, des oléagineux, des…

Caroline : Des œufs.

Anthony :Des œufs, de la volaille… volaille non, on en a un peu parlé, mais indirectement, le poisson, les viandes…

Caroline : On a fait un bon tour.

Anthony :Oui, je pense que c’est pas mal. Là déjà ça vous fait une bonne base. En fait, c’est vrai qu’on se rapproche beaucoup du régime… de l’alimentation méditerranéenne. On n’a pas parlé des épices, des aromates, effectivement, et puis on peut parler du cacao, du café, du thé, qui là aussi posent des questions au niveau écologique, autre sujet, mais globalement, plus vous allez enrichir en, notamment en polyphénols, votre alimentation, plus ça sera intéressant. D’où l’idée aussi de mettre le maximum de couleurs dans l’assiette ; donc du vert, du jaune, du rouge, du bleu, du violet. Bref, tout ça, c’est des composés qui sont en lien avec le statut, justement, antioxydant de beaucoup de végétaux. Le mode de cuisson, on en a parlé donc…

Caroline : Parlé. Un petit peu.

Anthony :Et juste pour nuancer cette notion de modèle méditerranéen, c’est vrai que ça reste une base qui est plutôt adaptée à une population caucasienne, et après, en fonction de notre profilage génétique, de notre santé au sens de l’existence ou pas d’une pathologie, ou nos objectifs si on parlait des sportifs, là on calera des adaptations. Mais, c’est déjà, je pense, une bonne base quoi.

Caroline : Trop chouette ! J’aime bien finir mes épisodes en demandant à mes invités un petit hack au quotidien. Est-ce que tu as toi quelque chose vraiment où ce serait ce que tu aurais envie de dire aux auditeurs ?

Anthony : J’ai envie de dire j’en aurais deux.

Caroline : Allez, hop ! Je prends, je prends.

Anthony :Alors le premier, c’est le petit-déj. Si, et justement qui est en lien direct avec le deuxième, c’est si vous prenez un petit-déj, s’il y a un matin, manger autant de pains blancs, confiture, jus d’orange, ce que vous voulez, ou céréales soufflées Coco Pops, Spécial K, Fitness ou autre ; vous ne mangez rien pendant cinq-six heures ; entre midi et deux, si vous êtes sportif, vous allez courir ou vous faites votre sport, si vous ne l’êtes pas vous allez marcher, vous allez faire des courses, en tout cas, vous bougez ; et vous voyez comment vous vous comporter dans cette plage horaire ; et le lendemain, vous faites un petit-déj avec un ou deux œufs coques, la bonne poignée d’oléagineux dont je parlais, donc je me répète noix-noisettes-amandes ; un fruit que vous croquer ; et une boisson, un thé, un café, de l’eau, et cetera ; et vous refaites la même chose. Et en fait, là l’intérêt c’est que sur, notre, notamment la gestion de la glycémie, c’est très concret, et vous allez voir en fait d’un jour sur l’autre dans les mêmes conditions, si vous êtes en conscience, en tout cas à l’écoute de votre sensation, normalement ça devrait être pas mal. Donc ça c’est, je pense, c’est déjà un conseil assez simple. Et le deuxième, c’est quand — on n’a pas parlé du jeûne, du jeûne long, du jeûne intermittent — on a cette croyance qu’il faut manger tout le temps. Voilà, il faut manger trois repas par jour, voire quatre avec la collation. Ça, ce n’est qu’une construction sociale. Il n’y a aucune justification biologique à manger trois ou quatre fois par jour. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, et moi le premier, je peux être amené à le recommander. Mais si vous vous sentez mieux autrement, et il n’y a aucune raison de vous empêcher de fonctionner autrement. Et on parlait du rythme circadien tout à l’heure, ce qui a été mis en évidence par rapport au rythme circadien, c’est que justement, le fait d’avoir une absence de prise alimentaire sur 15-16 heures, dont le fameux 16/8, donc on ne prend pas soit le petit-déjeuner, soit le dîner. On a une capacité à restaurer un peu mieux le rythme circadien, qui lui-même aide à la sensibilité à l’insuline. Et donc, qui apporte beaucoup de bénéfices sur plein d’aspects bien au-delà du poids, on a dit oui, mais c’est parce qu’on mange moins. Alors oui, c’est un facteur de confusion potentiel, mais ça aussi on a su l’écarter. Et même si c’est le cas et que c’est rechercher, ça peut être bénéfique, alors ça demanderait quelques précautions, mais juste dire que, d’avoir cette période comme ça de 15-16 heures sans prise alimentaire, induit un effet positif sur notre rythme biologique qui lui-même va jouer positivement sur d’autres aspects. Donc si vous êtes, alors, je nuance peut-être un peu parce que c’est un peu comme l’histoire du cétogène tout à l’heure, c’est que si vous faites un seul jour, ça risque de ne pas être confortable parce qu’il faut un temps d’adaptation. Maintenant, si vous le faites sur dix, quinze jours, vous allez voir que au bout de quelques jours déjà, il y a une adaptation de se dire je ne prends pas soit de petit-déjeuner soit de dîner, après ça demande quand même de développer quelques conseils pour bien manger sur la période de prise alimentaire, et au niveau social, beaucoup de gens ont plus de facilité à ne pas prendre le petit-déj.

Caroline : Je préfère ne pas prendre de dîner. C’est plus agréable, enfin, mon corps, je me sens beaucoup mieux quand je prends un petit déj et un déjeuner ; mais socialement parlant, en effet, je saute beaucoup plus fréquemment le petit-déjeuner que le dîner.

Anthony : Et c’est très intéressant parce qu’en fait, c’est ce que nous dit la littérature, c’est-à-dire que, en fait, encore une fois, on est des animaux diurnes, donc on est fait pour bouger le jour, manger à ce moment-là et dormir la nuit. Et donc on parle d’alimentation en temps restreint, au niveau scientifique, plus que de jeûne intermittent qui est un peu une erreur d’expression, parce que ce n’est pas un jeune intermittent c’est… jeûne intermittent c’est, on jeûne autant de temps qu’on mange. Voilà, 24 h/48 par exemple pour les souris, donc là on parle de l’alimentation en temps restreint, c’est-à-dire qu’effectivement, comme le nom l’indique, on mange sur un temps restreint. Et donc il y a deux solutions : soit le temps est restreint sur le début de la journée, soit sur la soirée. Et on a peu d’études. Mais les quelques études qu’on a confortent le fait qu’effectivement, c’est plus intéressant de manger sur la première partie de journée, donc globalement de sauter le dîner. Donc pourquoi ne pas tester ça sur dix, quinze jours ? Si, vous en sentez le courage entre guillemets. Encore une fois, on est sans doute un peu masochiste au niveau biologique, mais on a besoin de sortir de notre zone de confort pour s’adapter. Je pensais sinon au jeûne plus long. Et alors là, c’est peut-être pour les gens plus avertis, mais là aussi, on a dans l’idée qu’on ne peut pas tenir sans manger. Alors, il y a des contre-indications, il y a des précautions. Je ne dis pas du tout que tout le monde peut jeûner, et la fleur au fusil, voilà, le faire comme ça très longtemps. Mais sur un jeûne, en général, de trois-quatre jours. Alors, souvent les gens font deux à trois jours parce que c’est assez, entre guillemets, assez simple, mais c’est la zone la plus inconfortable, le temps que le corps justement mette en place une cétose suffisante. Et donc, quand les gens veulent tester le jeûne, souvent je dis essayez de passer ce cap-là, et de faire au moins trois jours, une première fois, trois ou quatre jours, pour commencer à sentir les bénéfices. Après, je nuance quand même, parce qu’il faut écarter, encore une fois, des contre-indications, penser à boire davantage, peut-être à saler aussi davantage, alors, simplement l’eau de boisson, prendre un petit peu de sel, parce que, bon, il y a des… il y comme ça quelques petites précautions à prendre donc, je vais peut-être le retirer celui-là. Juste, comment dire, une façon pour moi d’aborder cette notion de jeûne qui peut être très intéressante. Et pourquoi je le disais là ? Parce que, pour moi, il est très accessible, bien plus qu’on pourrait le penser. Voilà, si on écarte ces précautions d’usage, sur certaines personnes, la plupart des personnes peuvent jeûner sur trois, quatre jours sans danger. Et en fait, ça nous montre qu’on est capable de s’adapter. Toi tu connais très bien…

Caroline : Et de ne pas manger en fait.

Anthony : Oui, c’est ça. Et tu connais le cétogène donc on est dans des filières qui sont proches, on va dire. Mais le jeûne induit encore d’autres mécanismes, comme l’autophagie, et cetera. Mais ça permet aussi de donner beaucoup de confiance à la biologie, à notre corps et de se rendre compte que, on est capable de beaucoup d’adaptation. Et, c’est ce que je dis un petit peu aussi dans le livre, sans provoquer pour autant, c’est qu’on est tombé dans une société de confort en fait, qui est très positif pour plein d’aspects, parce que on mange à notre faim pour la plupart, on n’a pas froid, on a… Donc tout ça, c’est OK, on a accès à la médecine et autres. Mais en fait, à force de faire ça, on s’est désadapté sur beaucoup d’aspects. Donc on est devenue sédentaire, on n’est plus suffisamment à la lumière naturelle et on a des longueurs d’onde ; tout ce qui est lumière rouge ou proche infrarouge, un problème d’excès de lumière bleue par les écrans. On mange, on en a parlé suffisamment depuis tout à l’heure, de manière parfois inadaptée. Donc en fait, on ne s’est pas, pareil, on ne s’est pas suffisamment confronté parfois au froid, à la chaleur, qui créent d’autres adaptations. Donc il ne s’agit pas d’être un masochiste et de tout essayer, mais de se dire que, en fait, sortir de cette zone de confort, c’est ce qui nous caractérise depuis tout le temps. Donc après il faut placer le curseur pour que ce soit positif et agréable, et pas quelque chose de contraignant et voire qui peut altérer notre santé.

Caroline : Oui, dangereux.

Anthony : C’est pour ça que je disais aussi tout à l’heure, plus on est en pleine santé, j’aime bien utiliser ce terme de pleine santé, plus on aura un curseur important, en fait, d’adaptation ; et moins on sera en bonne santé, et plus on va être prudent en fait face à ça. D’où l’intérêt d’être accompagné aussi pour un professionnel. On parlait du jeûne, moi je conseille, bien sûr, pour ceux qui souhaitent le faire, d’être accompagnés à ce niveau-là pour, voilà, pour que ce soit bien fait en fait, et surtout pour que ce ne soit pas fait si ça ne doit pas être fait. Mais juste sur donner confiance en fait en soi, au sens biologique du terme, parce qu’on a tout créé pour perdre notre confiance biologique aussi, donc c’est dommage. Voilà.

Caroline : Merci beaucoup Anthony.

Anthony : Avec plaisir.

Caroline : Merci.