Transcription - Episode 19

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Fabrice Kuhn - Pourquoi essayer l’entraînement à glycogène bas même si vous n’êtes pas sportif de haut niveau -  #19

Caroline : Fabrice Kuhn. Vous êtes médecin. Enfin, tu es médecin, passionné de sport, de nutrition et de science, et on va parler d’un petit peu tout ça aujourd’hui.

Fabrice : Bonjour Caroline ! Alors effectivement, je suis médecin ; médecin du sport, et sportif. Et une bonne partie de tout ce que j’ai appris et essayé de retransmettre pour mes lecteurs vient de ce que j’ai recherché pour moi, et ce que j’ai testé pour moi, et ce que je continue à tester. Parce qu’en fait, mon credo, c’est de lire la science, de voir comment on peut progresser, de l’appliquer pour pouvoir l’exploiter et l’expliquer après.

Caroline : Super. C’est exactement l’objectif de ce podcast.

Fabrice : C’est exactement comme ça que je fonctionne.

Caroline : C’est parfait. Alors on va aborder dans les grands thèmes aujourd’hui : le jeûne intermittent, le régime cétogène et également l’entraînement à glycogène bas.

Fabrice : Voilà. Alors tout ça, c’est des choses qui sont différentes, mais finalement qui utilisent des filières de notre organisme similaires et donc finalement tout est lié.

Caroline : Est-ce que tu peux nous donner un petit peu des… nous expliquer ? Qu’est-ce que c’est ? En quoi tous ces éléments sont liés ? Et puis, peut-être, les définir un par un ?

Fabrice : D’accord. Alors en fait, donc le régime classique ; pour moi, le régime classique, c’est le régime méditerranéen. Ce n’est pas le régime occidental, c’est le régime méditerranéen, où il y a beaucoup de fruits et de légumes, où on a une répartition assez classique : protéines, glucides et lipides. Finalement, notre carburant principal, ce sont les glucides, quand on fait un effort, mais aussi les lipides. En fait, on est un moteur hybride. Et ce qu’on peut faire avec notre régime, parce que notre organisme est bien fait, c’est qu’en fonction de notre régime, on peut l’influencer et le pousser à utiliser plus ou moins l’un et l’autre des carburants. Donc si on fait un régime classique méditerranéen, on va consommer pas mal de glucides. Si on fait un régime cétogène en réduisant de façon drastique les glucides, on va pousser notre organisme à utiliser un carburant de secours, qui sont les cétones qui sont produites à partir des graisses et donc on va consommer beaucoup de graisses. C’est une espèce de régime comme on peut dire Low Carb ou hypoglucidique, mais encore plus poussé. Le régime intermittent… le jeune intermittent, c’est qu’on va utiliser encore la même, finalement, la même adaptation de notre organisme, à savoir produire des cétones, mais de façon moins élevée, parce qu’on n’a pas poussé le curseur aussi loin, mais finalement, a profité de ses réserves pour utiliser les carburants de façon différente, et c’est ce qu’on utilise, par exemple si on s’entraîne le matin à jeun ou si on ne mange pas un repas. Donc il y a plein de façons de faire un jeûne intermittent et on utilise les mêmes filières. Et l’entraînement à glycogène bas lui est plutôt destiné aux sportifs. Là, on n’est plus dans le jeûne intermittent, ça va être un effet immédiat. Le régime à glycogène bas, c’est-à-dire qu’on va déclencher des adaptations physiologiques, qu’on va laisser perdurer pour les utiliser, les exploiter plus tard, dans plusieurs semaines, quand on aura une compétition dans plusieurs semaines ou simplement pour en profiter pour notre santé. Parce qu’on se rend compte que finalement, même si on déclenche des adaptations, elles sont profitables à la fois à nos performances sportives et à la fois à notre bien-être et à notre santé. Parce que finalement, quand on s’entraîne, quand on fait du sport, quand on mange bien, on déclenche des adaptations similaires qui sont profitables à la fois à notre santé et à nos performances. Parce que finalement, ce qui nous rend plus performants, c’est que notre organisme soit fonctionnel. Et ce qui rend notre organisme en bonne santé, c’est qu’il soit fonctionnel. Donc finalement, on se rend compte que bien manger et faire du sport, créer des adaptations similaires qui profitent à notre organisme.

Caroline : Quand tu dis « on déclenche des adaptations similaires », est-ce que tu pourrais être un petit peu plus précis, exactement, ce que tu entends par là ?

Fabrice : En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que quand on fait du sport, on exerce un stress sur notre organisme. D’accord ? Un stress au sens physiologique du terme, pas au sens psychologique, au sens physiologique.

Et ce stress est bénéfique dans le sens où il pousse notre organisme à s’adapter. Comment il le fait ? C’est-à-dire que quand on exerce un stress, par exemple, on va utiliser… puisqu’on est sur le thème des glucides, si en fait, on va courir une heure ou un peu plus, on va baisser le glycogène de nos muscles, et ça c’est un signal adaptatif. D’accord ? L’organisme perçoit le signal et il va s’adapter à ça parce qu’il ne veut pas se retrouver confronter à un stress. Donc pour s’adapter, il produit de l’ARN messager — on en a entendu beaucoup parler avec les vaccins, mais là, c’est nous qui le produisons — et cet ARN messager va produire, va nous aider à produire les protéines adaptées à l’effort qu’on veut faire, l’effort qu’on a fait et qu’on veut faire.

On a le même principe sur la musculation ; finalement, on va exercer une tension sur nos muscles et on va déclencher des cascades adaptatives qui sont des réactions biochimiques avec de l’ARN messager. Et finalement on va produire les protéines, là pour la construction musculaire, ce qui va nous rendre plus forts. Et ce qui fait que le geste qu’on a fait, si on répète la production de ces protéines au cours de plusieurs entraînements, notre muscle va devenir adapté à ce geste. Ce qui fait que finalement, dans quelques semaines, ce ne sera plus un geste difficile, il n’y aura plus de courbatures, ce sera un geste acquis. Et en fait, tout notre organisme progresse comme ça. Là, on profite de l’hypoxie concrète à l’effort, on profite de la baisse du glycogène musculaire, on profite de la tension musculaire, on profite de l’acidose, on profite du stress oxydant ; le stress oxydant, c’est pareil, on a l’habitude de ne voir que le côté négatif, et finalement, déclencher un petit peu de stress oxydant, c’est ce qui nous fait progresser. D’ailleurs, on s’est rendu compte qu’en bloquant le stress oxydant avec des doses excessives de vitamine C chez les sportifs, on en empêchait leur progression.

Caroline : D’accord. Et comment on en vient donc à profiter, notamment sur le glycogène, comment ça se passe concrètement ?

Fabrice : Alors, en fait, ce qu’il faut comprendre c’est… donc je l’ai dit tout à l’heure, notre organisme est un moteur hybride. On va utiliser un mélange de glucides et un mélange de lipides. Plus l’effort est intense, plus on court vite, plus on pédale vite, plus on utilise de glucides. Plus l’effort est modéré, donc on va dire autour de 60 %, 50 %, on va privilégier les lipides. D’accord ? Et c’est… bien sûr, ce n’est pas radical, c’est une progression et une inversion de la courbe. Le but… le problème du sportif souvent, sportif d’endurance, c’est qu’il va… il peut se trouver à court de carburant parce que finalement, du glycogène, on ne peut en stocker que 600 g dans nos muscles. Or un gramme de glucides, c’est 4 kilocalories. Par contre des graisses, vous savez bien tous les auditeurs, qu’on peut en stocker beaucoup. Et en plus, les lipides, c’est 9 kilocalories, c’est-à-dire deux fois plus que les glucides. Du coup, l’organisme est bien fait, il privilégie le stockage des graisses qui sont beaucoup plus efficientes. On stocke plus d’énergie pour moins de poids. Voilà. Donc on a ce moteur hybride, et on va essayer de l’exploiter. Le sportif, il n’a que 600 grammes. Donc s’il veut… entre autres, le mur du marathon, c’est la baisse du glycogène musculaire, mais pas que, mais s’il veut perdurer, il va falloir qu’il ne soit pas limité par ça. D’accord ? Donc on peut apprendre à son organisme à privilégier l’utilisation des lipides. C’est-à-dire que, au lieu d’avoir un point de croisement, c’est-à-dire qu’on a 50 % de glucides et 50 % de lipides, autour de 60 % de l’intensité maximale, on va le décaler, et on peut aller beaucoup plus loin avec un régime cétogène ; on peut aller à 70-80-85 %.

Caroline : OK.

Fabrice : Et du coup, on ne se retrouve plus à être aussi dépendant des glucides. Alors, on peut aussi la déclencher cette adaptation avec l’entraînement à glycogène bas.

Caroline : Oui, c’est ce que j’allais te demander.

Fabrice : Ouais.

Caroline : Donc le régime cétogène, c’est quelque chose sur le long terme, c’est un mode de vie. Et sur un entraînement à glycogène bas, comment ça fonctionne ?

Fabrice : En fait, ce qu’on fait, c’est qu’on fait un premier entraînement, alors qui peut être soit le matin, soit le soir. Donc on va parler du matin en premier, ce qu’on appelle l’entraînement bi quotidien. On fait un premier entraînement le matin qui permet de vider, au moins, vider plus de la moitié du glycogène musculaire. Donc il faut que l’entraînement soit intense.

Caroline : D’accord, donc de haute intensité.

Fabrice : Voilà. Et puis prolongé. Une fois qu’on a baissé ce glycogène musculaire, on a déclenché les cascades adaptatives dont on parlait tout à l’heure. On a envoyé le signal. Notre organisme se met en mode adaptation. En temps normal, on devrait manger la ration de récupération, ça remplirait le glycogène de nos muscles, on stoppe les adaptations. Là on ne mange pas. Donc le glycogène musculaire reste en bas, d’accord ? Donc, notre organisme reste profilé en mode adaptatif, d’accord ? Donc on ne mange pas. Tant qu’on ne mange pas, les adaptations se poursuivent, on reste en mode adaptatif. On peut manger un peu de protéines pour la qualité du muscle, ça, c’est intéressant. Mais il ne faut pas en manger trop parce que si on en mange trop, on va faire de la néoglucogenèse, et on va fabriquer du glycogène, on va arrêter les adaptations. Donc c’est 20 grammes, pas plus. On continue à rester en mode adaptatif et on fait un deuxième entraînement plus tard le soir après s’être reposé. Et là, on va faire de l’endurance. Donc, on va repousser encore. Donc notre organisme apprend à travailler avec peu de glycogène et on baisse encore plus le glycogène musculaire. Et donc on prolonge l’adaptation et on les amplifie. Après cet entraînement, on mange normalement, il suffit…

Caroline : Avant le deuxième entraînement, on n’a pas mangé du tout ?

Fabrice : On n’a pas mangé du tout. On n’a pas mangé du tout sauf un peu de protéines, éventuellement 20 grammes de protéines.

Caroline : Donc on se lève, on s’entraîne, on mange…

Fabrice : On mange d’abord avant de s’entraîner.

Caroline : On mange avant de s’entraîner ?

Fabrice : On laisse passer deux ou trois heures, pour que les aliments ne soient pas dans l’estomac. On s’entraîne une première fois, on ne mange pas, on s’entraîne une deuxième fois et là on mange

Caroline : d’accord. Donc en gros, sur une journée normale, on a un repas le matin, un repas le soir.

Fabrice : Voilà. Et le but… la ration glucidique totale, elle est classique. Le but, on n’est pas dans la restriction, on est simplement dans la réorganisation. L’autre solution qui est encore plus efficace, c’est de faire l’entraînement intense le soir, de ne pas manger le soir, et de s’entraîner le lendemain matin à jeun. Alors pourquoi c’est plus efficace que l’entraînement à jeun ? C’est simplement parce que quand on s’entraîne à jeun le matin, on a baissé le glycogène du foie, parce que c’est lui qui va nous fournir l’énergie pour le cerveau durant la nuit. Mais les muscles n’ont pas travaillé, ils n’ont pas baissé le glycogène, c’est le glycogène musculaire qui favorise les adaptations. Donc on s’entraîne à jeun, on consomme plus de graisses c’est vrai, parce que le l’insuline est basse, parce qu’on n’a pas mangé durant la nuit. Par contre on ne déclenche pas les mêmes adaptations.

Caroline : Donc si on veut vraiment aller taper la performance…

Fabrice : Mieux vaut faire ça.

Caroline :… mieux vaut manger le matin et le soir, et pas forcément le…

Fabrice : Le midi. Il vaut mieux s’entraîner à glycogène bas soit en bi quotidien, soit en s’entraînant le soir, et le lendemain matin, ce qu’on appelle le sleep low, c’est dormir en bas.

Caroline : Et donc par rapport, c’est la grosse différence en fait avec un régime cétogène, c’est que là, on va aller chercher l’adaptation de muscles, là où dans un régime cétogène, en fait, on va aller chercher la production de glycogenèse pour aller chercher la production de cétones et ensuite les lipides…

Fabrice : Voilà. La différence, c’est qu’à l’entraînement à glycogène bas, on n’utilise pas les cétones comme carburant parce qu’on en produit très peu, et pas suffisamment pour que ça fonctionne, on cherche les adaptations. Alors que le régime cétogène, c’est autrement. En fait, le régime cétogène, on va favoriser les mêmes adaptations, c’est-à-dire d’être capable d’utiliser énormément de graisse, comme avec l’entraînement à glycogène bas, sauf qu’en plus, la quantité de glucides étant réduite tous les jours, on produit des cétones qui sont produites dans le foie à partir des graisses, et donc on devient une vraie machine à utiliser les graisses. Et en plus on a les cétones qui sont un excellent carburant pour le cerveau. La différence sportivement, se trouve dans le fait qu’avec un régime cétogène, on est particulièrement adapté à utiliser les graisses. Par contre, en ne mangeant pas de glucides, on perd les facultés à utiliser les glucides. Donc un test, au niveau de l’intestin, on est moins capable de les assimiler. Or on peut en avoir besoin à l’effort. Les sportifs qui utilisent le régime cétogène peuvent en bénéficier énormément. Ce n’est pas le cas de tout le monde. En fait, on se rend compte qu’il y a certains sportifs qui en bénéficient si énormément et d’autres un peu moins. Je viens d’avoir des nouvelles d’une triathlète que j’ai un petit peu conseillée, qui est passée au régime cétogène, qui vient de faire une énorme performance, qui vient de se qualifier sur un Ironman et qui vient de gagner sa catégorie en mode cétogène. Donc ça marche très bien, mais pas pour tout le monde. Le régime à glycogène bas, c’est vraiment pour déclencher ces adaptations, mais on n’aura pas la production de cétones. On est vraiment sur une filière différente. Par contre, comme on continue à manger des glucides régulièrement, on reste polyvalent ; c’est-à-dire qu’on sera capable d’utiliser les glucides dans la course si on en a besoin ; par contre, on sera un peu moins capable d’utiliser les lipides. C’est une espèce de compromis en fait.

Caroline : C’est un hybride.

Fabrice : Ouais, bah comme nous.

Caroline : Et toi, tu as testé tout ? On va dire que tu as testé le jeûne intermittent, tu as testé le régime cétogène, l’entraînement à glycogène bas, pour tes performances sportives j’entends, ou aussi pour ta vie au quotidien.

Fabrice : Alors j’ai testé les trois pour mes performances, pour comprendre comment ça fonctionne, parce que j’aime bien explorer, et donc ça permet d’explorer de choses. Donc j’ai déjà fait plusieurs périodes en régime cétogène, ce n’est pas ce que je fais en ce moment. Avec… je ne l’ai pas exploité en compétition. J’ai fait des entraînements assez sympa avec, je n’ai pas franchi le pas jusqu’à la compétition. J’ai privilégié l’entraînement à glycogène bas, que j’utilise assez régulièrement, surtout à l’approche des compétitions. Et le jeûne intermittent, je le fais tout au long de l’année en fonction de mes envies en fait.

Il y a des moments où… en fait, j’ai appris aussi à écouter mon organisme, et il y a des matins, je me lève, je n’ai pas envie de manger, je ne mange pas, ce n’est pas grave. Il y a des soirs, je n’ai pas envie de manger, je ne mange pas, ce n’est pas grave. Si je n’ai pas faim, je n’ai pas faim. Mais j’ai appris à écouter ma faim et à sortir du diktat social de manger matin, midi et soir.

Et ça, c’est un gros problème pour les gens qui veulent faire du régime à glycogène bas ou cétogène, c’est-à-dire qu’ils sont coincés par ce qu’on leur a inculqué, qui n’est pas forcément vrai, mais l’habitude de manger au petit déjeuner, le matin, le soir. Et c’est vrai quand les gens que je conseille, qui font l’entraînement à glycogène bas sont gêné au moment du repas parce que voilà, il faut manger. Mais non ! Il faut faire autre chose. Si tu n’as pas faim, tu n’as pas faim, tu fais autre chose. Mais par contre, là je leur dis « Faites autre chose. Allez vous entraîner. Faites autre chose. ». Parce qu’effectivement, ce diktat social nous empêche d’écouter notre organisme.

Caroline : Oui, c’est très difficile au final. Même si on n’est pas dans une relation sociale à proprement parler, juste d’être chez soi et de voir qu’il est l’heure normale de manger et qu’on ne va pas manger, c’est très difficile parfois, de se dire « Non. En fait, je ne vais pas manger. ».

Fabrice : Oui, mais écoute. Par exemple, ce matin, j’ai été nagé, comme tous les mercredis matin, donc je nage à sept heures et demie. J’ai été hier aussi. Hier, j’avais envie de manger avant d’aller nager, j’ai mangé. Ce matin, je me suis entraîné à jeun et je n’ai pas mangé avant midi parce que je n’en avais pas envie.

Caroline : Et, au final, quand tu t’entraînes avec une alimentation, enfin, avec un entraînement à glycogène bas, pardon, tu es quand même en jeune intermittent ?

Fabrice : Oui, finalement, oui.

Caroline : Au final tu manges matin et soir.

Fabrice : Oui. Et je pense que même… en fait, je n’ai pas trouvé d’études là-dessus, mais je pense que de faire de l’entraînement à glycogène bas, c’est repousser le jeune intermittent encore plus loin. Je m’explique. Quand tu fais du jeûne intermittent souvent, le plus fréquent c’est de ne pas manger pendant 15-17 heures en fait. Finalement, c’est de faire deux repas dans la journée et de ne pas manger pendant 15-17 heures. Sauf que, finalement, ton dernier repas a gonflé tes muscles en glycogène, et donc il te faut du temps pour déclencher les adaptations dont j’ai parlé tout à l’heure.

Certes, ton insuline, elle va diminuer, tu vas déclencher des adaptations avec ça. Certes tu vas avoir un déficit calorique, ce qui va améliorer ton organisme. Par contre si tu commences ton jeûne par une séance de sport et que tu vides ton glycogène musculaire, tout de suite tu as des adaptations qui se lancent parce que tout de suite, ton glycogène il est plus bas, et tout de suite tu as des adaptations, tout de suite ton insuline elle est plus basse. Donc, je pense que commencer un jeûne intermittent par une séance sportive, c’est ce qu’on appelle d’ailleurs, ça fait partie de l’entraînement à glycogène bas, c’est la récupération retardée. Finalement, j’ai baissé mon glycogène, je ne mange pas tout de suite. J’aurais fait une récupération retardée pour laisser perdurer les adaptations. Donc, je pense que commencer un jeune par ça, et c’est ce que je fais souvent d’ailleurs, c’est plus efficace. Peut-être que tu gagnes 03, 04, 05 heures de jeûne en fait finalement, que finalement que ton jeûne qui a duré quinze heures, il serait peut-être aussi efficace qu’un jeune qui aurait duré 20 heures même si tu n’avais pas fait de sport. Tu vois ce que je veux dire ?

Caroline : Oui, oui, complètement.

Fabrice : Mais je n’ai pas la science derrière. Je n’ai pas d’études là-dessus pour… je n’en ai pas trouvé, d’études qui aient comparé les deux en fait.

Caroline : C’est vraiment tes analyses à toi.

Fabrice : Ouais.

Caroline : Et comment tu en es venu à t’intéresser à tout ça ?

Fabrice : Le sport ? C’est-à-dire que quand j’ai commencé à faire du sport, je n’ai pas des qualités naturelles exceptionnelles, je ne suis pas champion du monde. Il a fallu que je trouve des solutions pour progresser. Donc que j’ai couru, j’ai fait des entraînements, alors je suis triathlète. Et je me suis intéressé à ce qui se passait, à la science. Et puis je suis médecin, donc j’ai aussi… je m’intéresse à tout ça, parce que ce ne sont pas les études de nutrition que j’ai faites à la fac qui m’ont apporté quelque chose.

Caroline : On va revenir sur ce point-là. Ça m’intéresse. Je sais que tu as un avis très tranché là-dessus.

Fabrice : Et donc, ce n’est pas ça qui m’a apporté quelque chose. Donc j’ai lu, j’ai lu, et puis je me suis intéressé à la nutrition, alors j’ai lu plein de choses. J’ai lu plein d’ouvrages. J’ai lu des auteurs qui sont des références, qui ont fait des livres brillants, mais pas toujours exploitables pour tout le monde.

Caroline : C’est-à-dire ? Par exemple ?

Fabrice : Denis Riché, par exemple, a fait des livres qui sont vraiment formidables. Des livres qui sont assez exploitables aussi, mais il y en a d’autres aussi qui ont fait… Alors, souvent, on trouve quand même des livres qui sont formidables, et des livres qui sont un peu gnangnan, c’est-à-dire qu’ils sont un peu trop simplistes. Et moi, ce que je voulais c’était vraiment d’apporter ce que je ne trouvais pas ; c’est-à-dire ce côté « J’ai testé, c’est efficace, ça fonctionne », ce n’est pas simpliste, il y a la science derrière, on progresse comme ça. Et puis voilà, j’en suis venu à là et puis j’ai continué à lire, à lire, à m’intéresser, et le fait d’avoir écrit mes livres me pousse à regarder en permanence. En fait…

Caroline : J’allais le dire. Tu es continuellement maintenant, en analyse, en recherches, de comprendre, d’améliorer encore plus loin, de pousser ton raisonnement encore plus loin.

Fabrice : Oui, oui, j’y suis en permanence. Et puis j’adore ça. J’adore ça tester, exploiter, c’est par exemple l’entraînement à glycogène bas ; quand j’ai vu les premières études là-dessus, je me suis dit « Oh la la ! C’est effrayant ! » et « Comment on fait ça ? ». Et puis finalement, je m’y suis mis.

Caroline : Pourquoi c’était effrayant ?

Fabrice : Déjà, s’entraîner à jeun, ce n’est pas toujours facile pour la plupart des gens. Mais te dire que tu vas faire du fractionné, tu ne manges pas le soir et tu recommences à t’entraîner le matin à jeun, moi ça fait… Alors, je vais te raconter comment ça s’est passé. La première fois, j’ai fait ça. Alors j’ai fait ça. Le vélo, j’ai fait du fractionné sur mon dos, j’ai été courir. Je suis revenu, je n’ai pas mangé, j’ai dormi, j’ai rêvé toute la nuit d’un petit-déj avec des croissants alors que je ne mange pas de croissants au petit-déj, rarement. Et… parce que j’ai rêvé toute la nuit fait toute la nuit, puis le matin, j’ai été faire du vélo d’appartement, enfin à la maison quoi. J’ai bien fait parce que j’avais l’impression d’avoir 90 ans, ça n’avançait plus. Je n’avais plus rien, mais ce n’est pas grave, je savais que c’était utile. Et, j’ai fait ça une fois par semaine, et au bout de quatre semaines… donc c’était très difficile la première fois, vraiment très difficile. Voilà. Et au bout de quatre semaines, je suis partie le matin à jeun, j’ai roulé deux heures en buvant que de l’eau, et j’ai couru une heure et demie derrière en ne buvant que l’eau, sans difficulté.

Caroline : OK.

Fabrice : D’accord ? À bonne vitesse. Donc voilà. Donc en quatre séances, quatre semaines, j’ai vraiment progressé, j’ai vraiment senti la différence. Moi, je me rends compte sur mes compétitions, donc je fais surtout de l’Ironman, donc à 3,8 km de natation, 180 de vélo, et puis un marathon derrière, et je me rends compte que je ralentis beaucoup moins qu’avant.   C’est aussi parce que je fais de la musculation, ce qui permet d’avoir moins de courbatures, d’avoir moins de déficits musculaires, et les deux cumulés font que vraiment je ralentis moins en fin de course, et que finalement c’est là que je récupère un petit peu les concurrents.

Caroline : D’accord. Et tu as déjà fait auparavant, par exemple, un régime cétogène ?

Fabrice : Non. Le régime cétogène, je l’ai découvert que plus tard, je l’ai testé à plusieurs occasions. Une première fois où je n’avais pas de lecteur de cétonémie, où je me suis rendu compte… Bon, j’ai fait puis, ça allait, mais les fruits me manquaient. Et puis socialement, c’est vrai que c’est un peu plus compliqué. Par contre, j’ai fait… Alors voilà, je me suis testé sur 400 mètres en papillon natation, donc j’ai fait 400 mètres en papillon, ce qui ne m’était jamais arrivé. Et puis, j’ai refait une autre période en régime cétogène, après, où là je me suis testé sur un 1500 mètres en papillon, où je n’avais jamais fait non plus. Et puis où ça s’est très bien passé, où je me suis arrêté finalement parce que le temps passait, plus que parce que la fatigue guettait. Et puis là, j’avais utilisé un lecteur de cétonémie et je m’étais appliqué plus. J’avais vraiment calculé ce que je faisais, j’avais vraiment analysé. Ouais, j’avais vraiment analysé, tout fait comme il faut pour comprendre comment ça se passe. Et puis voilà. Après je suis sorti du régime cétogène parce que finalement, pour moi, parce que c’est quelque chose qui est très individuel, pour moi, le problème des fruits surpasse le bénéfice que j’en tirais.

Caroline : OK. C’est-à-dire le problème des fruits…

Fabrice : Parce que… oui, il manquait vraiment les fruits. En plus, la dernière fois que je l’ai fait, c’était à l’hiver, enfin, à l’automne. J’avais les figues dans le jardin, les pommes sur l’arbre dans le jardin, les kakis qui étaient en train de pousser. Voilà c’est, moi qui aime beaucoup les fruits, ça me gênait. Mais c’est… le compromis ne convient pas à ce moment-là pour moi.

Caroline : Et aujourd’hui, est-ce que tu as quand même une alimentation faible en glucides ou non, tu n’as pas d’alimentation Low Carb ?

Fabrice : Alors, je ne suis pas en Low Carb. Par contre, si je devais passer en Low Carb, je passerais plutôt en cétogène pour profiter des cétones. La différence entre le Low Carb et les cétones, finalement, c’est que les deux sont très restreints en glucides, le Low Carb moins que le cétogène. L’inconvénient du cétogène, c’est qu’il n’y a pas l’exploitation du carburant de secours que sont les cétones.

Caroline : L’inconvénient du Low Carb.

Fabrice : Ouais. Alors après, si ça m’arrive de faire du Low Carb de temps en temps, en fait je module un petit peu en fonction de mon entraînement aussi. Après moi, je mange beaucoup, naturellement beaucoup de légumes parce que franchement j’aime beaucoup les légumes. Je mange pas mal de fruits parce que j’aime beaucoup les fruits aussi. Donc voilà, c’est des… Par contre, je fais du jeûne intermittent régulièrement, et de l’entraînement à glycogène bas aussi régulièrement, au moins une fois par semaine. Après, je suis à l’écoute, c’est à dire que, normalement je le programme. Quand je suis sur de grosses compétitions, je programme mon entraînement à glycogène bas en avance, c’est-à-dire que je planifie mes séances, je fais mon plan d’entraînement. Et autour de ça, je cale mon entraînement à glycogène bas. Enfin, je prévois les deux en même temps en fait. Et là, je suis plutôt dans une phase où finalement, quand je vois que c’est compatible et que j’en ai envie, je le fais.

Caroline : OK. Et, j’ai interviewé une diététicienne spécialiste du régime cétogène, Magali. Et, on a analysé ensemble les bénéfices du régime cétogène également sur la santé et pas seulement sur les performances sportives. Est-ce qu’aujourd’hui, sur les entraînements à glycogène bas, on peut noter aussi, de manière scientifique, est-ce qu’il y a des recherches effectuées dessus sur des bénéfices autres qu’une performance sportive ?

Fabrice : Non, il n’y a pas d’étude qui a été faite sur l’entraînement à glycogène bas, pour ça, parce que c’est un entraînement… c’est une manipulation nutritionnelle qui est dédiée aux sportifs. Donc elle a été dédiée à la performance. Par contre, comme on l’a dit, c’est quelque chose qui se rapproche du jeûne intermittent. Alors tu ne vas pas avoir les mêmes bénéfices que le régime cétogène, parce que tu n’as pas la production des cétones. Il y a une production de cétones naturelles, mais loin d’être suffisante pour avoir ces bénéfices-là. Je pense qu’on se rapproche plutôt d’un bénéfice du régime intermittent, peut-être un peu plus poussé parce qu’il y a vraiment la combinaison avec le sport et que, il y a un peu plus d’adaptation produite. Par contre, ce qu’on sait c’est que finalement, dans les cascades adaptatives dont on a parlé tout à l’heure, dans les messagers dont on a parlé tout à l’heure, on a deux molécules clés qui sont p53, qui sont une protéine dont on connait l’importance dans la lutte contre le cancer, et on a une autre molécule, une autre protéine produite, c’est PGC-1α, qui a aussi un impact sur la santé. Donc on a deux protéines clés comme ça qui sont produites, qui sont majorées par l’entraînement à glycogène bas et qui ont des effets bénéfiques pour la santé. Ça, c’est reconnu ; p53 est reconnu et on sait qu’on l’améliore avec l’entraînement à glycogène bas. Mais par contre, on n’a pas encore la science derrière. Après, tu comprends bien que c’est des séquences d’entraînement que tout le monde n’est pas prêt à faire, même si moi je le conseille, que tout le monde pourrait le faire finalement. Tu peux faire… aller courir une heure ce soir, avec un petit peu d’intensité, et demain matin faire une heure de vélo à jeun. Je mets plutôt dans ce sens-là le vélo à jeun parce que finalement le vélo est moins traumatisant musculairement. Ce sera plus facile que de courir. Mais tu peux le faire finalement, ça n’a rien d’exceptionnel.

Caroline : Non, ce qui est difficile c’est de tenir dans la durée et de rentrer, de ne pas manger alors que tu vas avoir faim, c’est ça.

Fabrice : Voilà. Mais c’est social, finalement. Une grosse partie, c’est que de rentrer le soir sans manger et de se coucher et donc s’entraîner à jeun. Mais oui, ça va être difficile la première fois parce que pour moi, ça a été difficile aussi. Mais finalement, quelquefois, tu vas y arriver, et certaines séances d’entraînement que les gens font, elles sont difficiles aussi de toute façon. Et que finalement, si tu veux déclencher un stress adaptatif suffisant, il faut que ta séance, tu sortes un peu de ton confort.Alors pas à chaque séance. Mais, c’est quelque chose qui me tient à cœur aussi. C’est ce que souvent on dit, les médecins, entre autres, disent à leurs patients « C’est bien vous marchez, vous allez promener le chien, c’est super, vous faites une activité physique ». Non. Oui, tu dépenses un peu de calories. Mais, la santé ce n’est pas de la comptabilité. Le sport, c’est faire plus que de dépenser des calories, c’est aussi déclencher ce stress adaptatif. C’est aussi déclencher cette cascade de réactions adaptatives qui vont te faire progresser, qui vont rendre ton organisme plus fonctionnel. Et ça, ça suppose de déclencher ce stress. Et si tu veux déclencher ce stress, ce n’est pas juste en promenant le chien, il faut que tu aies vraiment une activité qui soit, parfois, qui te fasse sortir de ta zone de confort et que ça soit plus intense que ça. Et donc je pense que c’est un peu le reproche que je fais à une bonne partie des médecins qui n’ont pas compris ça. C’est que voilà, le sport ce n’est pas que des calories. Il faut se mettre dedans un peu, il faut qu’il y ait de l’intensité. Il faut qu’il y ait un certain inconfort pour que l’organisme s’adapte.

Caroline : Justement, j’allais te demander, sur l’intensité, et cet exercice qu’on va pouvoir faire. Tu vois quand tu m’as dit donc c’est du fractionné le soir, de l’endurance le lendemain matin ou inversement, voilà. Moi dans ma tête, j’ai tout de suite un entraînement extrêmement dur, extrêmement difficile, type entraînement marathon, semi-marathon, Ironman, enfin des choses vraiment extrêmement poussées, et j’ai du mal à me dire que je pourrais l’appliquer dans mon quotidien et dans ma référence à moi. Est-ce que donc il s’agit simplement, et je le mets entre guillemets, de sortir de ma zone de confort, de me dire « Allez, je vais courir comme tu disais une heure et j’essaye de quand même rentrer bien claquée, et le lendemain, de partir sur quelque chose de différent avec un peu plus d’endurance ». Parce que moi, déjà, on va dire peut-être à une échelle de non-sportive de l’extrême, ça me paraît difficile d’aller chercher ce type d’entraînement.

Fabrice : Alors donc, la première séance de l’entraînement à glycogène bas, elle doit être, effectivement, si tu vas courir une heure, tu fais quelques accélérations ; alors pas des accélérations de 10 secondes, mais tu vas te faire quelques accélérations assez rapides sur, on peut partir par exemple, sur 4-5 minutes, on fait 4-5 sur 4-5 minutes assez rapide. Ce n’est pas insurmontable, si tu es déjà entraîné, tu peux le faire.

Caroline : Oui.

Fabrice : Bien sûr quelqu’un qui n’a jamais couru, on ne va pas lui demander de faire ça.

Caroline : Bien sûr.

Fabrice : D’accord. Donc ça, ce n’est pas insurmontable. C’est une séance classique, finalement. Tu ne manges pas derrière, ça, c’est difficile parce que tu n’en as pas l’habitude. Mais finalement, si tu fais autre chose, ça va se passer, si tu peux manger un peu, par contre, tu peux manger deux œufs, par exemple tu vas avoir ta ration protéique qui va permettre de réparer les dégâts musculaires que tu as créés et qui en plus te permet d’apporter le matériel pour reconstruire les mitochondries. En fait, finalement, c’est ce que tu construis, c’est tes mitochondries dans le muscle, et en faisant ça, il faut que tu leur apportes les protéines pour les reconstruire. Donc on mange deux œufs, donc ce n’est pas énorme. Mais si tu fais autre chose, ça va se faire. Et le lendemain matin tu pars t’entraîner à jeun. Une heure de vélo à jeun ce n’est pas sorcier. Alors, il y a une autre façon de faire. C’est…

Caroline : Excuse-moi, je t’interromps. L’heure de vélo à jeun, est-ce pareil, là on va dire que je peux être en promenade de vélo, ou non il faudrait…

Fabrice : Alors non, on ne met pas de l’intensité. Mais par contre, ce n’est pas de la promenade ; c’est-à-dire que c’est un peu plus que la promenade. C’est… mais tu vas pédaler, aller à 60-70 % de ton intensité maximale.

Caroline : OK, c’est ça. C’est ça que je voulais… en fait, c’est exactement ce que je cherche à savoir en termes d’intensité maximale.

Fabrice : Alors on va dire là c’est entre 65 et 80 %.

Caroline : OK.

Fabrice : Alors il y a d’autres façons de faire. C’est que, tu peux profiter de ta journée pour ça. C’est-à-dire que tu vas manger le matin. Le midi, plutôt que d’aller manger, tu te fais ta séance de fractionnés, donc là tu vas courir comme certains cours le midi avec leurs collègues, et tu fais une séance un petit peu intense le midi, d’accord ? Comme c’est le midi, tu ne manges pas, parce que tu fais du sport. D’accord ? Donc, tu n’es pas gêné parce que tu vas reprendre le travail juste derrière et que finalement, tu n’as pas ce moment de flottement qui est l’heure du repas parce que tu as fait autre chose à la place, d’accord ? Tu travailles. Le soir en rentrant, tu te fais ta séance en endurance, tu pars faire ton vélo, une heure, une heure et demie, en endurance, donc entre 65 et 80 % ; et quand tu rentres, tu manges. Là tu es dans une séquence qui est beaucoup plus facile à organiser finalement, et où tu ne vas pas te retrouver dans cette difficulté sociale de ne pas manger. Parce que finalement tu as profité de ta pause de midi pour faire du sport et finalement tu as gagné du temps parce que, plutôt que de manger, tu auras fait une deuxième séance.

Caroline : On optimise et le cœur, et l’agenda.

Fabrice : Voilà.

Caroline : OK. Et aujourd’hui, on a donc des sportifs de haut niveau qui pratiquent aussi bien le régime cétogène que l’entraînement à glycogène bas.

Fabrice : Oui on a les deux. On a des athlètes de très haut niveau qui sont au régime cétogène, mais c’est plutôt dédié à l’endurance, c’est vrai quand même. Parce que finalement, ton adaptation fait que tu consommes beaucoup de graisses, et c’est quelque chose qui est plutôt intéressant chez les sportifs d’endurance, parce que le sportif de force utilise des voies métaboliques un peu différentes donc il ne profite pas autant. Lui le sportif de force, il va plutôt en bénéficier pour perdre un peu de poids sans perte de masse musculaire.

Caroline : OK.

Fabrice : Et, tu as des sportifs dans l’endurance aussi qui font de l’entraînement à glycogène bas. Tu as les deux. Le problème du régime cétogène c’est que, certains sportifs se plaignent. Alors, ils se trouvent formidables, ils sont capables d’avancer pendant des heures, de courir dans la montagne pendant des heures sans avoir faim, en sentant un sentiment de liberté, c’est vraiment important. Par contre, ils se retrouvent parfois coincés à avoir du mal à accélérer. C’est-à-dire que quand il y a une bosse à gravir ou qu’il y a une petite accélération, s’ils sont plutôt du cyclisme, des cyclistes, pardon, ils peuvent se trouver un peu coincés. Donc ça, c’est ce qu’on voit. Par contre, il y a un sentiment de liberté qui est intéressant et du coup…

Caroline : Qu’on ne retrouve pas ? On le retrouve ou on ne le retrouve pas avec l’entraînement à glycogène bas ?

Fabrice : Tu le retrouves un peu, mais pas autant. Les sportifs qui s’entraînent à glycogène bas n’en parlent pas autant. Moi je le constate, mais ce n’est pas aussi flagrant. C’est un compromis en fait. En fait, tu essayes de garder le meilleur des deux mondes, mais forcément tu n’as pas les extrêmes.

Caroline : Oui, nécessairement. D’accord. Et, est-ce qu’il y a des sportifs, je ne sais pas, connus, peut-être, je ne sais pas, de la majeure partie de la population, sans forcément rentrer dans des spécificités liées au monde des triathlètes ?

Fabrice : Alors, le régime cétogène, on en a plusieurs qui sont passés. Alors là je ne sais plus. En fait, il y a des sportifs… alors il y en a un qui est un Américain, comment il s’appelle ? Je ne m’en rappelle plus. Un trailer qui utilise une espèce de mix entre un régime paléo, un régime à glycogène bas ; en fait il utilise les carburants nécessaires à ce qu’il va faire, et il est capable d’utiliser, de boire du soda quand même en compétition quand il en a besoin. Mais par contre, à la maison, il est plutôt en Low Carb éventuellement, parfois en cétogène. Il est vraiment… il utilise… en fait, il y a une espèce de périodisation en fonction de ce dont il a besoin.

Caroline : D’accord.

Fabrice : Il en parle sur sa page Facebook, sur son blog en fait. Sébastien Chaigneau qui est trailer, lui a fait, tu l’as reçu, donc lui a fait des périodes en cétogène, quand je l’avais croisé. Il utilise aussi le glycogène bas. Il a lu mon livre, et puis c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. Il m’a dit qu’il l’exploitait aussi. Il l’a exploité à sa sauce, voilà. Et puis voilà. Moi j’ai des triathlètes que j’ai en conférence parfois, qui m’ont dit qu’ils avaient exploité aussi, même si à cette époque-là ça n’avait pas encore ce nom-là. Donc oui, il y en a, on suspecte que Froome l’a utilisé aussi, on suspecte que les… En fait, il y a pas mal de manipulation comme ça où il n’y a pas de manipulation d’esprit, de manipulation nutritionnelle, où les sportifs font un peu un mix de tout en fonction des périodes en fait. Ce qu’on appelle la périodisation nutritionnelle. Et donc, et puis le triathlon sportif finalement d’endurance, Élite, il s’entraîne deux fois par jour, il fait déjà l’entraînement à glycogène bas naturellement. Parce que finalement, entre ses deux séances, il n’a pas forcément le temps de restocker suffisamment de glycogène. Mais oui, il y en a, mais après on ne sait pas ce que fait tout le monde. Après, il semblerait que Marc Allen qui était un des meilleurs triathlètes de tous les temps, qui a gagné l’Ironman d’Hawaï six fois, a été, soit qui est encore au régime cétogène, je n’en ai pas la preuve. Il y a d’autres athlètes comme ça qui le disent, mais on ne connait pas tout.

Caroline : Et pourquoi ils n’en parlent pas ? Par souci de performance pour se dire « non, c’est leur petite recette secrète et ils ne veulent pas en parler », ou non ils estiment que…

Fabrice : Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je pense que ce n’est pas… je pense qu’ils ne le cachent pas, mais tu n’as pas besoin non plus de le… voilà, il n’y a pas besoin de faire du prosélytisme en fait, si tu veux. Ils ne décrivent pas forcément leur entraînement. Alors c’est quelque chose qui est très moderne aussi, c’est les réseaux sociaux où tu décris ton entraînement, finalement avant ça ne, tu ne décrivais pas ton entraînement, tu n’avais pas tout ce prosélytisme autour de ce que tu fais. Donc je pense que ça vient, ça vient de là.

Caroline : Et pour changer, un petit peu, mais j’aimerais revenir sur un point que tu as abordé. Tu disais « Ce n’est pas ce que j’ai appris pendant mes cours de nutrition qui m’ont aidé à ce niveau-là ». Est-ce qu’on peut un petit peu en parler ? Si tu es d’accord ? Parce que Sébastien m’avait dit notamment que tu avais ta vision assez personnelle de ce qu’on apprenait sur la nutrition et de la vision un petit peu, qu’il y avait aujourd’hui aussi bien chez les médecins nutritionnistes, d’une bonne alimentation.

Fabrice : Alors, donc j’ai appris ce que j’avais à apprendre à la fac pour avoir mon diplôme. Je me suis empressé d’oublier. C’était nul. On parlait des dyslipidémies, des machins, des trucs, je ne saurais même plus de quoi c’était, je ne saurais même pas l’utiliser, c’était nul.

Caroline : Juste pour remettre dans le contexte. Tu as passé ton diplôme de nutrition après avoir été médecin ?

Fabrice : Non, non. Quand je parle de mon diplôme, c’est médecine générale.

Caroline : D’accord.

Fabrice : C’était nul. Après j’ai appris moi-même. Alors ce que je me rends compte, c’est que finalement, quand tu vas voir un diététicien, souvent c’est pour perdre du poids, et on va te compter tes calories. Et on va te dire « Voilà, tu manges trop de calories, il va falloir qu’on diminue ». Donc on va diminuer les graisses. Alors là tu as encore les régimes « Moi je ne mange plus de graisse, donc je me fais une salade sans graisse, parce que sans huile, parce que les graisses c’est hyper calorique ». Or dans ta salade de carottes par exemple tu as du bêta-carotène qui rend orange les carottes, et il est liposoluble, c’est-à-dire qu’il n’est assimilable qu’en présence de gras, donc tu manges une salade de carottes sans huile qui n’a aucun intérêt. Et donc, c’est ce que j’appelle la nutrition comptabilité. Et que finalement tu ne vois pas la fonctionnalité des aliments. Les calories des graisses, et les calories des protéines, et les calories des glucides n’ont aucun rapport ; c’est-à-dire que les glucides t’apportent des calories sans stimuler l’insuline. Or l’insuline, c’est l’hormone qui te fait produire du gras, qui oriente ton métabolisme vers l’utilisation des glucides plutôt que des lipides. Donc si tu as trop de sécrétion d’insuline, tu vas fabriquer du gras, d’accord ? C’était génial quand tu étais un chasseur-cueilleur parce que ça permettait de faire des réserves pour les jours de disette. Maintenant, dans notre société actuelle, l’insuline est surexploitée, ce qui fait qu’on a beaucoup d’obèses, voilà. Donc les graisses, elles t’apportent des calories sans stimuler l’insuline. Les glucides apportent des calories en stimulant l’insuline. Donc déjà, l’impact de ces deux calories n’est pas le même sur la fonction de ton organisme. Ensuite, souvent dans des régimes, on te compte les calories des protéines. Or tes protéines, finalement ce n’est pas un carburant, les protéines, c’est un matériel de construction. Donc tu ne peux pas considérer que… enfin, tu ne peux pas les comptabiliser comme les protéines des glucides, ce n’est pas possible. Alors finalement, c’est ce qu’on fait, on dit « il faut 2500 kilocalories », je dis n’importe quoi, mais tu vois, et donc tu ne peux pas exploiter comme ça en fait. Et ils oublient toute la fonctionnalité de l’organisme. Finalement, ta nutrition, c’est des calories c’est vrai, parce que tu en as besoin, c’est des vitamines c’est vrai, c’est des antioxydants c’est vrai, mais c’est aussi un impact sur la fonction de ton organisme, et que tu peux utiliser. C’est la base de ta performance, c’est la base de ta nutrition, mais c’est aussi les outils qui te permettent d’avancer. Par exemple, si tu fais de la musculation, on dit d’apporter des protéines derrière. Oui, et en particulier un acide aminé, la leucine, qui est un signal pour la construction musculaire. Donc tu vas cumuler deux signaux pour la construction musculaire, qui sont ton entraînement, musculation et ta leucine. C’est pour ça qu’on parle des acides aminés ramifiés ou les BCAA qui favorisent, c’est parce qu’il y a ce signal de la construction. Donc tu vois qu’avec ce signal, la nutrition, elle a une fonction en fait, elle a un impact fonctionnel. Comme l’entraînement à glycogène bas dont on parlait tout à l’heure, finalement, le fait de baisser ton glycogène musculaire entraîne une fonction, et ta nutrition est fonctionnelle. D’accord ? Et moi, quand je coache des sportifs ou quand je conseille des gens, ce qui m’intéresse, ce n’est pas de perdre du poids. Ce qui m’intéresse, c’est que mon organisme, il fonctionne mieux. Et si mon organisme il fonctionne mieux, je vais perdre du poids si on est en excès. Je vais me sentir mieux, plus en forme, mieux dans ma peau, et je vais devenir plus performant. Et donc pour moi, ce qu’il faut voir avant tout, c’est la nutrition fonctionnelle plutôt que la nutrition comptable. Et donc je pense que c’est ça que Seb a voulu te dire.

Caroline : Oui, oui, complètement. C’était exactement le point. Mais je trouvais ça important de l’entendre et que ce soit toi qui expliques avec ta façon d’expliquer.

Fabrice : Et voilà, enfin moi c’est… tous les athlètes que je vois, c’est que je ne compte pas ce qu’ils mangent, je réoriente pour mieux manger. C’est pareil. Quand je donne des conférences, je commence toujours par le petit déjeuner parce que je sais que les gens sont coincés par le petit-déj. Et tu te rends compte qu’en fait la plupart des gens, quand ils prennent le petit-déj, déjà ils ont un petit qui n’est pas fonctionnel.

Caroline : OK. Par exemple ? Si on prend un exemple de petit déjeuner.

Fabrice : Par exemple, si tu prends le petit déjeuner classique français, on va dire pain, baguette blanche, confiture, café, puis un jus de fruits, on vous a dit de prendre un jus d’orange, on prend un jus d’orange ; donc tu as tout pour hyper stimuler ton insuline, donc tu vas déjà être excessive dès le matin. Alors qu’un petit-déj de qualité, on sait qu’on a besoin de protéines alors quand je dis protéines ce n’est pas forcément animal, d’accord ? Mais ça, ça peut être animal. — matin, midi et soir Enfin, c’est au moins trois ou quatre rations protéiques dans la journée pour construire des muscles au mieux. Les gens, ils attaquent par une première journée, le petit-déj sans protéines la plupart. La plupart, sans bonnes graisses, alors que si tu veux faire un petit-déj de qualité, tu peux manger, comme je ne suis pas végétarien, donc je mange des œufs, un peu de noisettes, amandes ou noix, un peu de pain complet, un fruit si tu veux. Moi je prends un fruit, mais pas de jus de fruits. Si tu veux un café ou un thé, on y va, pas de souci. Mais là, tu as un petit déjeuner qui sera beaucoup plus équilibré, mais que la plupart des gens ne font pas. Et pareil, tu as cette notion, on revient sur le social, le diktat social, c’est le petit-déj sucré en France. Moi, je suis passé au petit-déj salé c’est-à-dire les œufs et machins, je ne fais pas machine arrière. Et la plupart des gens que, je leur ai dit « Vas-y, essaye », ils ne font pas machine arrière. Par contre, le petit-déj français, ce n’est pas ça quoi. Et en sortir c’est compliqué parce qu’on inculque aux gamins de manger leurs céréales au petit déjeuner et donc voilà, donc c’est voilà ! Moi je pense que vraiment il faut visualiser que notre nutrition, c’est avant tout fonctionnelle. Si votre organisme, il fonctionne bien, le reste fonctionne bien. Mais par contre, il faut visualiser ça comme ça et arrêter de comptabiliser ses calories en mélangeant calories de glucides, de lipides, et de protéines.

Et puis, il faut penser que le gras c’est important, et qu’on en a besoin partout. Il faut penser que les antioxydants, ils fonctionnent de telle façon donc on a besoin d’en avoir beaucoup, mais beaucoup de variétés. On a besoin de couleurs dans l’assiette. Du coup, ça tombe bien parce qu’une assiette avec plein de couleurs, c’est quand même beaucoup plus agréable à manger. Et c’est pareil quand je… Ce qui est rigolo, c’est quand je donne des conférences sur la nutrition pour sportifs, alors, les sportifs me surveillent, pour regarder ce que je mange. Puis je mange comme eux, enfin, je mange comme eux, je mange équilibré et je ne suis pas restreint sur… je ne vais pas manger que des pâtes. Pareil, « le marathonien ne mange que des pâtes ». Non ! Le marathonien mange autre chose que des pâtes. Il faut arrêter de manger des pâtes. Donc, ils sont surpris que finalement on puisse manger bien et bon, en étant sportif. Parce que dans la vie, il n’y a pas que les pâtes, on peut manger des lentilles, on peut manger du riz, on peut manger des patates douces, on peut manger plein de légumes, on peut manger des fruits, on peut manger des noix, des amandes, des noisettes. Il y a plein de choses qui sont bonnes et il faut surtout apprendre à varier. Voilà, moi je trouve qu’un repas sans légumes, c’est triste. Alors ça m’est déjà arrivé de faire un régime sans résidu. Je suis malheureux. Et il ne reste que des pâtes à manger avec du poulet, je suis malheureux.

Caroline : C’est quoi un régime sans résidu ?

Fabrice : Un régime sans résidu, c’est un régime pour vider ton intestin et pouvoir faire une coloscopie derrière. D’accord ? Donc, pas de résidus, et donc, il ne te reste rien dans l’intestin et donc pas de légumes, pas de pas de choses comme ça et c’est triste. Mais en fait, finalement il y a plein de gens qui font un régime sans résidu parce qu’ils mangent des pâtes et de la viande. Et moi je trouve cela d’une tristesse absolue, je suis malheureux.

Caroline : Oui je suis convaincu.

Fabrice : J’en suis malheureux.

Caroline : Est-ce que Fabrice tu aurais un ou deux derniers conseils ? Un ou deux derniers hacks comme j’appelle ça, pour les auditeurs, qu’ils puissent l’appliquer dans leur vie au quotidien, qu’ils soient sportifs ou non sportifs.

Fabrice : D’accord. Bon, déjà, il faut faire du sport au moins quatre fois par semaine, d’accord ? Et le sport c’est important. Et la nutrition, c’est important. Et les deux vont ensemble, d’accord ? Moi, ce que j’insiste, c’est que les deux sont équilibrés, les deux fonctionnent ensemble, les deux sont importants pour notre santé ! Moi, ce que je t’ai dit là, récemment enfin là dernièrement, mangez des légumes, mangez des fruits, faites-vous plaisir à table. Voilà enfin moi, les gens qui viennent manger à la maison, ceux qui ne connaissent pas, qui viennent manger pour la première fois, ils ont un peu peur. Ceux qui m’accueillent pour manger chez eux, ils ont un peu peur de ce que je vais dire. Et finalement, ce n’est pas du tout ça. Finalement, manger, c’est un plaisir qu’on doit partager avec les autres. Quand tu viens manger à la maison, tu manges bien, tu manges et tu n’as plus faim après, et tu te fais plaisir. Et, j’en discutais hier avec un copain, on était parti courir ensemble, il me disait « C’est vrai que la première fois que tu es venu manger à la maison, on avait peur de ce que tu allais dire ». Et j’ai dit, mais je mange, comme les autres. Je ne suis pas là en surveillance, et il n’y a pas de problème. Et il faut éviter ce côté tristesse. Faire plaisir. Voilà. Et le sport c’est pareil. Le sport, moi j’y vais, je fais du sport, alors je cherche la performance. Mais avant tout, je me fais plaisir avec les amis. Donc c’est la même chose entre le sport et la nutrition, il faut se faire plaisir parce que sinon on ne tient pas.

Caroline : OK. Super. Eh bien, on va rester là-dessus. Merci beaucoup Fabrice. C’était… J’ai appris énormément de choses. Je n’avais jamais eu ce regard-là. Enfin, je ne connaissais pas tout simplement l’entraînement à glycogène bas et je trouve que ça apporte une autre dimension, beaucoup plus sportive. Je suis assez à l’aise avec le régime cétogène que je pratique moi, au quotidien, quand je peux. Mais je trouve ça très intéressant d’un point de vue vraiment performance sportive d’aller tester le glycogène bas. Et surtout, un des reproches que je fais au régime cétogène, c’est que j’aime énormément, et je constate ce mot liberté que t’a donné, c’est réellement le cas. Aussi les performances induites sur le cerveau sont extrêmement intéressantes et limite addictives. Mais il y a une vraie restriction derrière, pas forcément sociale, parce qu’on s’y habitue, et on apprend à manger cétogène, même quand on est avec des amis ou quelque chose, mais, juste plaisir, en effet, sur « oui, tiens, j’ai envie de manger ça, aller je… », ça va rompre ma cétose, et ça, c’est un petit peu dommage de temps en temps. Donc je trouve ça, je trouve ça très intéressant. Je pense que je vais essayer le glycogène bas.

Fabrice : Très bien.

Caroline : Merci beaucoup.

Fabrice : Avec plaisir. C’était un bon moment.