Transcription - Episode 16

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René Jean Bensadoun - Optimiser son métabolisme grâce à la lumière rouge - #16

René Jean : René. Bonjour.

Caroline : Bonjour professeur ! Merci beaucoup de prendre ce temps avec moi aujourd’hui pour échanger sur la photobiomodulation. Est-ce que vous pouvez rapidement vous présenter ?

René Jean : Alors, je suis René Jean Bensadoun, professeur… ex-professeur des universités. Je suis maintenant dans le privé depuis 2014 dans ce très beau projet qui est le centre de haute énergie à Nice, qui est un centre d’oncologie-radiothérapie, qui fait également de la chimiothérapie, et tout cet ensemble de soins de support qui est un peu notre marque de fabrique avec en particulier la photobiomodulation, mais pas que. Nous avons la prise en charge globale des patients avec la prise en charge nutritionnelle, psychologique, sexologique, de l’activité physique adaptée, et cetera. Tout ce qui aujourd’hui permet l’optimisation de nos traitements anticancéreux. Je crois que la photobiomodulation est un des éléments qui permet d’améliorer de façon majeure la tolérance des traitements. Mais il y a tout cet ensemble de prise en charge globale du patient qui y concourt également. Et je crois que le dernier plan cancer met l’accent de façon très importante sur ces soins complémentaires. Et ce n’est pas par hasard, c’est-à-dire qu’aujourd’hui on a compris que cette prise en charge globale était quasiment aussi importante que les traitements spécifiques, la chimiothérapie, la radiothérapie, pour la guérison des patients. Un exemple simple ; 40 % de moins de récidives pour l’ensemble des cancers lorsqu’il y a une activité physique après traitement. Ça, c’est un chiffre qui paraît démesuré, mais qui est la réalité.

Caroline : Complètement.

René Jean : Un patient qui ne bouge pas, qui reste dans son coin, ce n’est pas de la psychologie, c’est parce que son métabolisme n’est plus en marche et il ne va pas se battre contre la maladie. Donc voilà, aujourd’hui cet accent est mis et on est un des centres un peu pilote dans cette prise en charge globale des patients. La photobiomodulation, finalement, est une technique qui, dans cet ensemble-là, a des propriétés tellement spectaculaires qu’elle nous met en virée en tête de pont dans cette prise en charge globale des patients. C’est une technique qui a déjà plus de quarante ans, quand j’ai commencé à utiliser dans les mucites avec le docteur Gaston Ciais, on était un peu pionniers à l’époque, mais pendant, on va dire une trentaine d’années, elle a vivoté. Elle a vivoté principalement parce qu’elle manquait de rigueur technique, elle manquait de précision de la dose reçue, et cetera, et que les trois ou quatre dernières années ont permis l’explosion de tous ces paramètres de traitement par photobiomodulation qui font qu’aujourd’hui elle a la même précision quasiment que la radiothérapie. Ce qui fait que quand on dit qu’on donne aux patients une certaine dose d’énergie lumineuse, on a la dose reçue par le tissu et pas simplement celle donnée par la machine, et qui parfois était divisée par dix ou quarante lorsqu’on n’avait pas tous ces éléments de précision physique sur la technique. Donc, cette grande évolution récente de la technique, elle est là grâce à cette prise en charge des paramètres de traitements qui ont révolutionné les choses. Je pense que le docteur Troussier a eu l’occasion de parler de la photobiomodulation en général, moi je vous en parle de façon un petit peu plus technique parce que j’ai vu toute cette évolution et aujourd’hui pourquoi elle est efficace de façon constante et chez tous les patients, grâce à cette précision technique et des paramètres de traitement. Aujourd’hui, je suis président de la Société mondiale de cette photobiomodulation parce que, j’ai cette étiquette de radiothérapie, parce qu’on a dans notre monde de la radiothérapie, l’habitude depuis Marie Curie, de mesurer la dose sur les tissus et de traiter le tissu et pas simplement de façon totalement empirique, mais surtout, à côté de la plaque. Si on dit qu’il faut donner six joules, ce n’est pas six joules sur la machine, c’est bien sur le tissu traité, et si le tissu est en profondeur, il faut aller chercher la profondeur, il ne faut pas traiter dans l’air ou sur la peau. Donc tout ça, c’est des éléments qui ont progressé qui aujourd’hui sont matures. Il y a encore beaucoup à faire dans la précision en profondeur et on est en pleine mesure actuellement avec les physiciens médicaux de grands centres anticancéreux, pour adapter ce traitement à chaque personne et de ne pas avoir de traitement standard pour tous. Et c’est en train d’arriver. On n’a pas besoin de la même précision obsessionnelle que celle qui existe en radiothérapie, mais au moins une échelle de doses qui permet l’action thérapeutique. L’exemple type de la mucite, l’épithélite, donc la brûlure de la peau par radiothérapie, c’est une quantité d’énergie reçue par le sein en totalité et pas par quelques points avant de traiter quelques points, donc il faut que toute la surface reçoive la bonne dose, et là ça marche toujours, il n’y a pas une personne où ça ne marche pas. Alors qu’il y a quelques années effectivement, ce qui n’existait pas cette rigueur sur la dosimétrie, on avait ou non en effet en fonction des patients en fonction de l’opérateur, et cetera. Donc cette technique elle a des propriétés particulièrement intéressantes, voire magiques dans la…

Caroline : c’est un peu le sujet. Ça a l’air magique en tout cas.

René Jean : magique parce que… comment dire ? Parce que nouveau un peu, parce qu’on n’avait pas jusqu’à maintenant la maîtrise de la lumière. Aujourd’hui, on commence à avoir la maîtrise de la lumière. Mais le fait que la lumière du soleil fasse du bien, tout le monde le sait. Mais là, c’est cette lumière avec de bonnes longueurs d’onde et la bonne dose reçue va finalement activer le métabolisme cellulaire, elle va réparer des lésions dues à la chimiothérapie, à la radiothérapie ou à d’autres choses ; ça peut être des plaies musculaires sportives, des plaies de diabétiques, des problèmes post-AVC, infarctus ; tout ça, c’est des choses qui peuvent être cicatrisées par ce type de rayonnement. Et à côté de la cicatrisation, il y a ces deux effets antalgiques et anti-inflammatoires qui sont extrêmement importants aussi. L’effet antalgique il est quasi immédiat par libération d’endorphine et donc dès la première séance, souvent les patients vont avoir une diminution spectaculaire de leur douleur ; et l’effet anti-inflammatoire, c’est l’effet principal lorsqu’on est en préventif ; lorsqu’on est en préventif, il n’y a pas de plaie, il n’y a pas de douleur. Et l’action principale qui va éviter les effets secondaires des traitements, c’est un effet anti-inflammatoire, qui va réduire l’inflammation liée au traitement anticancéreux, qui va prévenir la mucite, l’épithélite ou d’autres complications. Aujourd’hui, on a dans la société internationale une douzaine de groupe, le groupe cancer, donc que je dirige, qui va s’attaquer à tout ce qui est effets secondaires des traitements. Mais vous avez aussi le groupe vétérinaire, le groupe dentiste, le groupe médecin du sport, le groupe ophtalmo qui est aussi très important, donc, et le groupe kinéphysiothérapie, qui est sûrement le plus important en nombre d’utilisateurs. Et dans chacune de ces spécialités, ces différents types d’effets vont se décliner sur plein de situations. L’exemple type aux USA, la technique a été extrêmement plébiscitée depuis quelques années, et aujourd’hui très soutenue par les autorités à cause de problèmes d’opioïdes, la morphine. La morphine est devenue une plaie là-bas par des intoxications multiples, et cetera, et c’est devenu un fait pratiquement politique, il fallait trouver des traitements différents, des antalgiques de niveau trois qui permettaient de contrer la douleur ; et c’est la photobiomodulation qui a remplacé les morphiniques dans plein de situations et qui fait qu’aujourd’hui deux centres spécialisés en pbm ont été financés par des États, Ouest-Virginie et l’autre, dans l’état de New York, et c’est les premiers dans d’autres ; c’est-à-dire c’est un pays qui a mis très longtemps à se mettre à la photobiomodulation et qui aujourd’hui sur ce plan-là du remplacement des morphiniques est devenu un leader dans beaucoup d’autres spécialités finalement. Un pays autre qui était très branché sur la photobiomodulation c’est le Brésil où tous les centres anticancéreux sont équipés, ça fait très longtemps. Ils ont une culture très importante de cette technique. Et puis les pays de l’Europe du Nord, la Russie aussi, qui est très branchée laser. Et ce qu’il faut pour vos auditeurs, c’est de bien différencier les lasers au sens de cette photobiomodulation finalement. Heureusement qu’on a changé le nom, ça n’avait pas de sens de rester sur laser de basse énergie ou soft laser, et cetera, parce que finalement ce n’est pas toujours du laser, ça peut être des LED de qualité et surtout que, cette lumière a des doses totalement différentes de celles des lasers qui brûlent, fait un effet carrément inverse. Le laser qu’on comprend, c’est celui qui détruit les tissus, qui va détruire des lésions sur la peau, en esthétique c’est très connu, et cetera, mais là on est sur un effet quasiment opposé qui est celui de la cicatrisation. Et donc les dermatos qui utilisent beaucoup la photobiomodulation l’utilisent en complément du laser de haute énergie pour cicatriser les lésions qu’ils auront induites par le laser de haute énergie. Donc voilà, bien différencier, ce n’est pas du laser ou en tout cas de laser classique, c’est un rayonnement lumineux cohérent ou au moins cohérent. Et des gens vont même plus loin dans le concept en disant que finalement, quel que soit le type de rayonnement, si on donne cette frange de doses au tissu de façon adéquate avec le bon débit, et cetera, on aurait cet effet de cicatrisation, et cetera. C’est un effet d’activation du métabolisme par la lumière, et donc qui va activer la cicatrisation, diminuer l’inflammation, diminuer la douleur.

Caroline : Et comment elle se passe cette activation du métabolisme ?

René Jean : Par les mitochondries. Donc c’est vraiment la cible principale. On a une action très importante d’activation des mitochondries et ça se comprend facilement puisque, comment marche une mitochondrie ? Par l’ATP, l’ATP qui est une molécule activée par la lumière ; donc finalement, aucune surprise, c’est la lumière qui agit sur nos cellules et sur nos mitochondries pour activer le métabolisme et entraîner finalement l’énergétique cellulaire qui se met en marche. La mitose aussi, donc la mitose pensait, est-ce que ça ne va pas se transformer en cancer ? Non. Parce qu’avec ce type de doses données, on n’a absolument pas de risque de cancer induit, sauf si on donnait 50-100 fois la dose prescrite. D’où l’importance aussi de mesurer cette dose. On a des… la plupart des échecs de la méthode, c’est des doses très inférieures à ce qu’on doit donner, donc ça ne fait rien du tout. Effectivement, quand on donne 0,01 joules au lieu de donner 06 joules, on n’a rien ; mais si vous donnez 100 joules ou 200 joules, et on en a vu, j’ai malheureusement des cas de gens qui avaient la machine à domicile, et qui passaient la journée sur une tumeur et qui finalement arrivaient à faire grossir cette tumeur. Donc le risque à des doses très importantes, de trop activer le métabolisme et la mitose et d’avoir une prolifération de cellule tumorale. Donc ça c’était la principale limite à cette technique dans pas mal de pays. Maintenant qu’on a maîtrisé la dose, on peut dire si vous êtes dans l’échelle et que vous mesurez vos doses, vous êtes à cent fois moins que les doses qui peuvent éventuellement faire proliférer des cellules tumorales.

Caroline : Et comment on peut mesurer cette dose pour quelqu’un qui a une machine chez lui ?

René Jean : Voilà. Alors, d’abord c’est le constructeur bien sûr qui doit certifier les doses, et par cette technicité, on a écrémé quand même un grand nombre de constructeurs farfelus qui ne mesuraient pas du tout les doses et qui donnaient des machines qui principalement donnaient des doses très inférieures, pas supérieures, mais qui étaient des gadgets. Reste on va dire maximum une quinzaine de constructeurs au monde, ce n’est pas beaucoup, qui eux assurent la dose, qui sont entrés dans une démarche qualité de vérification de la dose, et cetera. Mais c’est un long combat. Il faut savoir que, il y a des congrès mondiaux, il y avait la moitié des sponsors qu’on a récusés parce qu’ils n’étaient pas… et ça a fait grand bruit parce que, on perdait de l’argent aussi, mais ça ne fait rien, on n’a gardé que ceux qui étaient des vrais appareils de photobiomodulation. Sinon on disait ces appareils de bien être, ou étaient du… de la lumière solaire, mais ce n’est pas des appareils de traitement. Vous avez aussi des mesures qui sont encore à améliorer. Aujourd’hui, on mesure très bien la dose en surface, mais en profondeur, il y a encore beaucoup de progrès à faire. Ça, c’est les programmes de recherche qu’on est en train de mettre en place, qui ne sont pas que de la recherche, c’est recherche et application directe, ou avec des fantômes. Qu’est-ce que c’est que des fantômes ? Ce sont des tissus humains, mais qui ne sont pas des tissus humains, ils sont des prothèses. On va mesurer la dose à chaque centimètre, et on va pouvoir comparer sa dose mesurée avec les doses prévues par les logiciels de dosimétrie, comme en radiothérapie, et pouvoir dire finalement la dose mesurée est bien la dose que reçoit le patient. Donc là on a la chance de bénéficier d’un projet niçois qui vient d’être financé par la ville à hauteur de 400 000 euros, important, sur des prothèses extrêmement proches de la réalité, qui sont basés sur nos scanners de dosimétrie en radiothérapie ou avec une imprimante 3D de silicone qui est la seule au monde. Elle recrée chaque épaisseur de tissu, et on a exactement l’équivalent du tissu humain, que ce soit le sein, le visage, le nez, la bouche, et cetera. Donc, on peut mesurer comme si c’était vraiment chez l’humain, parce qu’effectivement, sur l’humain, on peut mesurer derrière la bouche, mais on ne va pas mesurer un centième de profondeur, on ne peut pas. Mais sur ces fantômes, on a la possibilité de le faire et de le comparer avec les mesures calculées, et pouvoir finalement valider ces calculs. C’est exactement comme en radiothérapie. Sur tous nos patients, on ne va pas vérifier la dose à chaque niveau, mais on a calculé les doses et on a validé le logiciel de calcul qui est bien équivalent aux mesures physiques.

Caroline : D’accord. Et du coup, est-ce que cette technologie va vous permettre de mieux mesurer encore plus tout ce qui est notamment infrarouge ? Parce qu’aujourd’hui vous avez peut-être une connaissance du rouge plus que de l’infrarouge.

René Jean : Tout à fait. Tout à fait parce que, au-delà du rouge ou d’infrarouge, c’est la mesure en profondeur qui va être mesurée. Finalement, les derniers cours qu’on vient de faire à Gustave Roussy, ont bien montré avec nos collègues américains, il n’y a pas de réelle différence entre les longueurs d’onde si elle donne la même énergie en profondeur, c’est plutôt l’énergie délivrée qui va être avec un débit beaucoup plus important en infrarouge qu’en rouge, et donc on ne peut pas traiter en profondeur en rouge sinon il faudrait passer dix heures pour traiter correctement. Donc c’est plutôt les conséquences de la longueur d’onde sur le dépôt d’énergie qui interviennent. Et donc, l’infrarouge en lui-même va être… enfin, la mesure de la dose va être de trouver les moyens d’aller positionner les dosimètres aux différentes profondeurs de traitement. Dans une cavité ce n’est pas trop compliqué, que ce soit en gynécologie, dans la bouche, il faut déjà le faire parce que, en gynécologie, c’est vraiment extrêmement populaire actuellement, il y a un énorme engouement pour la photobiomodulation en gynécologie, pour les problèmes de sécheresse vaginale, et cetera. Mais les appareils qui sont à disposition aujourd’hui n’ont pas de contrôle de la dose. Et c’est une vraie catastrophe pour moi. Parce que, finalement, les dispositifs, les LED qui sont mises, sont mises dans tous les sens, de chaque face, au bout également, et la résultante sur la muqueuse vaginale on ne la connaît pas exactement, il faut vraiment la mesurer ; sinon on donne quatre, cinq, six fois la dose prévue, puisque ce n’est pas une lettre qui donne la dose, c’est la résultante de tout. Et en plus l’anatomie peut être différente, si c’est collabée, vous aurez encore plus de doses. Donc il faut qu’on ait les moyens de contrôler et de mesurer cette dose.

Caroline : Et est-ce qu’avec le scanner… enfin, l’imprimante 3D est capable de répliquer le tissu, vous allez pouvoir, là aussi ?

René Jean : Bien sûr. On n’est qu’au début de ça, ça va durer 3-4 ans avant de faire toutes ces mesures, les comparer à la dosimétrie, valider chaque type de matériel, parce qu’il y a, dans les quinze boîtes de qualité qui existent, il faut… chacun y passe. Voilà, donc tout cela ça ne veut pas dire pendant tout ce temps qu’il ne faut pas faire de la photobiomodulation, il faut, on peut en faire, mais avec une certaine mesure. Et voilà, prendre quand même nos précautions, ne pas faire n’importe quoi, on reste encore dans dans le dogme de ne pas traiter des tumeurs en place avec la photobiomodulation, on traite en dehors de la zone de tumeur, c’est faisable ; on va voir s’il y a une tumeur du col utérin, on ne mettra pas une sonde dans le vagin ; s’il y a une tumeur dans la bouche, on traitera à côté, mais pas la tumeur, parce qu’il y a encore des mesures à faire pour être sûr de ne pas favoriser la prolifération de la tumeur. Voilà. Ce qui est sûr dans nos spécialités en cancérologie, c’est que ces méthodes nous permettent d’optimiser nos traitements anticancéreux, c’est-à-dire de mieux traiter nos patients, non pas grâce au bien être que ça engendre, mais parce que grâce à ces traitements, on va donner nos doses complètes de rayons de chimio, et on ne va pas sous-traiter les patients. Ça, c’est un message qui est relativement récent, qu’on a mis beaucoup, très longtemps à faire comprendre, parce que pendant des années, les gens se basaient sur les notions de soins de confort, qui étaient pratiquement des antidotes aux vilaines chimiothérapies, et cetera. Non, c’est l’opposé. On veut faire de nos traitements de façon complète pour guérir les patients, mais avec le moins de séquelles possible avec le moins d’arrêt possible. Donc c’est vraiment de l’optimisation thérapeutique et ce n’est pas du confort du patient. Le soin de support, en français, ça n’a pas été bien compris, parce que c’est une mauvaise traduction de l’anglais. « Supportive care » en anglais, c’est mieux supporter un traitement, en français, c’est le support, le soutien, le soutien psychologique, c’est totalement à côté de la plaque. Et il a fallu, c’est vraiment depuis un ou deux ans que les autorités l’ont compris, avant elles mélangaient, c’était le palliatif, c’était le soin… psycho-soutien. Non ! Les pays anglophones l’ont compris depuis longtemps, y compris même la Belgique, qui a cette double culture et qui, « Supportive care » ils savaient d’emblée ce que ça voulait dire, c’était mieux supporter un traitement. Et ça c’est vraiment là-bas, y compris la photobiomodulation en cancérologie, ce n’est pas pour le confort du patient, c’est pour mieux traiter les patients. Même si ça donne aussi du confort.

Caroline : Oui parce que… est-ce que ça apporte quand même momentanément du bien être ?

René Jean : Bien entendu. Bien entendu. Mais je veux dire, faire du bien être ce n’est pas le but en soi même. Le but c’est d’en spécialiser, c’est de guérir les patients ; et on guérit de mieux en mieux. Et donc un patient, si on veut du simple confort, mais on ne fait pas de traitement, à la limite. Si on fait la moitié des rayons sur le sein, vous n’aurez pas besoin de de laser, mais vous n’aurez pas de guérison. Donc c’est là où notre rôle aussi est majeur, où il faut aller un peu des fois contre les mentalités de, malheureusement, de certaines jeunes générations qui ont tellement peur des procès, des choses qui ne vont pas faire le maximum pour les patients, par peur des effets secondaires et qu’on vienne pas… moi j’ai plusieurs procès, mais je m’en fous, je veux dire, j’ai fait ce que je peux, je devais faire, je le défends, je dis, effectivement, il fallait traiter comme ça et on ne peut pas, on peut pas à l’époque, guérir sans…

Caroline : Oui c’est de la médecine c’est…

René Jean :… et on a effectivement des séquelles possibles. Bien entendu, ça a des limites, des séquelles qui ne sont pas compatibles avec la vie, c’est évidemment impossible à tolérer ; mais des séquelles gérables et qui sont réversibles surtout, c’est bien entendu, on doit les accepter et ne pas sous-doser nos patients pour des raisons de confort. Donc le confort, c’est important, je ne dis pas… Il faut toute cette médecine complémentaire que l’on fait, ça va dans le sens de tout ça. Mais surtout ne pas à cause de cela, négliger nos traitements spécifiques, les réduire, voire pour certains, les maudire, sûrement pas.

Caroline : Et il y a vraiment zéro risque aujourd’hui avec la photobiomodulation, à part si jamais on…

René Jean : On fait trop ?

Caroline :… on fait trop, voilà.

René Jean : Il y a juste les lunettes à porter parce que c’est comme un petit laser que vous connaissez, vous présentez vos diapos, c’est un peu plus puissant, mais pas beaucoup plus. Et donc on porte des lunettes pendant le traitement pour la rétine, sinon il n’y a aucun organe qui est à risque.

Caroline : Et vraiment, on a le recul nécessaire aujourd’hui, on a tout ce qu’il faut…

René Jean : Il y a plus de quarante-cinq ans d’utilisation. Ça a commencé dans les années 50 sur la cicatrisation d’ulcère de la peau, donc, l’histoire aussi est belle parce que ça fait partie de Hongrie en fait, à partir de…par hasard, l’utilisateur qui avait son laser de haute énergie qui ne marchait pas et devenu de basse énergie, et il a cicatrisé comme ça des plaies. Et ensuite il y a eu un une chute parce que, tous ceux qui ont voulu reproduire ces résultats ont fait de mauvaises machines qui n’étaient pas du tout adaptées et qui ne délivraient pas du tout la dose correcte. Donc il y a eu une chute entre les années 50 et 70-80, et il y a eu un regain on va dire dans les années 80 avec des machines de plus en plus carrés, efficaces, et on va dire depuis 5 ans une vraie… un côté scientifique qui fait que des anciens… des personnes qui dénigraient de façon majeure cette technique, aujourd’hui sont les plus grands supporters. Et là, j’en connais un grand nombre, notamment des professeurs de radiothérapie, parce que nous on est carré en radiothérapie, c’est la dose, et cetera, et qui, certains très carrés, voire rigides disaient « on ne sait pas ce qu’on fait avec ce truc, c’est n’importe quoi », aujourd’hui disent « voilà vraiment, c’est aussi carré que la radiothérapie. On voit dans les résultats, vos résultats, et on est enthousiastes ». Ce n’est plus seulement la mucite, c’est la première complication qui a été traitée par cette photobiomodulation, à l’époque laser de basse énergie, dans les années au début des années 2000, avant même, on était en groupe mucite au fond de la salle, c’est le treizième groupe ; on nous regardait un peu comme ça, et l’an dernier, premier groupe, c’est-à-dire de très loin la plus grosse evidence base, c’est devenu le traitement de référence chez l’adulte et chez l’enfant, devant tout le reste ; il n’y a pas de médicaments, il y a pas de… C’est la seule technique en dehors de l’hygiène simple qui donne des résultats et des résultats constants, prouvés, et cetera. Donc, en mucite c’est acquis, en épithélite, mais il y a aussi aujourd’hui les neuropathies, qui sont aussi un boom important où il y avait presque rien, pratiquement rien, et là même des patients qui ont des neuropathies depuis des années, se sont améliorés de façon spectaculaire.

Caroline : Oui, c’est ça. Ça allait être ma question. Parce qu’on a, on a abordé rapidement avec le docteur Troussier, mais des neuropathies qui n’ont pas été soignées, qui sont toujours présentes à la suite d’un cancer, est-ce qu’on arrive quand même, malgré les années qui ont passées, et le temps, c’est ça, à avoir des résultats probants ?

René Jean : Oui, c’est ça qui est magique, c’est que, on est presque plus efficace sur ces tissus lésés depuis longtemps que sur la phase précoce. Pourquoi ?

Caroline : C’est ça.

René Jean : C’est qu’on n’a pas non plus détruit les tissus, c’est qu’on les a lésés, et ils ne sont pas de bonne qualité, mais avec le temps, il y a quand même une petite régénération, mais insuffisante pour que ce soit bien, et on va finalement accélérer cette régénération. Et un patient qui a eu neuropathie depuis 4-5 ans, très invalidante, doit être très amélioré de façon rapide, et c’est lui qui va trouver ça magique. Celui qui a eu neuropathie débutante depuis quelques semaines, il ne va pas voir une différence majeure, parce qu’il y a quelque chose qui débute et qui va être un tout petit peu mieux, mais il aura du mal même à le voir ; alors que celui qui est là depuis 4-5 ans, qui ne peut plus marcher, qui a des douleurs terribles, et cetera, c’est celui-là, voilà, il va sortir de la salle enthousiaste, mais ce n’est pas par hasard puisque c’est cette triade toujours d’effet antalgique qui est immédiat, anti-inflammatoire et de régénération. C’est quoi qui régénère ? C’est la gaine autour du nerf, ce n’est pas le nerf qui est atteint, c’est la gaine autour, qui régénère, qui redevient normale. Voilà. On a pour les antalgiques, nos collègues algologues aussi ont des résultats spectaculaires sur plein de douleurs chroniques très invalidantes du cancéreux, par ce type de méthode aussi.

Caroline : Et est-ce que vous pouvez juste revenir rapidement sur comment ça se passe concrètement quand on applique de la photobiomodulation, par exemple sur une neuropathie, pourquoi est-ce qu’on a une régénérescence de la cellule qui est plus rapide ? Et comment ça se passe ?

René Jean : Alors déjà il faut traiter toutes les terminaisons nerveuses, pas un seul nerf, sinon, donc, vous voyez que la machine compte, quand vous traitez des aphtes, vous avez besoin juste d’un stylo qui va traiter l’aphte et c’est bien. Là pour un pied en totalité, plante du pied éventuellement, orteils en totalité, paumes des mains, et cetera, ce sont de grandes plaques qui comprennent un grand nombre de LED de façon homogène, avant c’était quelques points, maintenant il faut traiter toute la surface, et ces plaques, on sait la dose qu’elle donne en surface et en profondeur. Donc quand on va activer sur l’ensemble de la plante du pied, par la lumière à sa bonne énergie et la bonne longueur d’onde, qu’est-ce qui se passe ? Les cellules des gaines nerveuses vont être remises en branle au niveau du système, et on va avoir une régénération de ces cellules. L’effet antalgique lui vient du fait que, dès la première séance, toute cette partie qui marche mal, finalement, elle aura attiré des éléments douloureux, parce que qu’est-ce que c’est la douleur ? C’est des, c’est des signaux qui nous viennent parce que ça ne va pas. Donc ces signaux vont être annihilés par la photobiomodulation qui va libérer des endorphines localement, et calmer la douleur. L’effet anti-inflammatoire, c’est quoi ? C’est que cette cette zone qui était enflammée parce que marchant mal, eh bien tous les cofacteurs de l’inflammation vont réduire, on va avoir moins de macrophages, moins de cette inflammation locale qui est aussi une source de douleurs et d’inflammations. Donc vous voyez les trois effets sont là : antalgique, anti-inflammatoire et de régénération des cellules, par le biais de l’activation des mitochondries.

Caroline : D’accord. OK. C’est… non, mais en fait c’est impressionnant qu’on arrive grâce à, entre guillemets juste de la lumière, d’avoir cet impact sur les mitochondries.

René Jean : Oui, et en même temps c’est logique puisque les mitochondries marchent par la lumière, puisque c’est l’ATP qui… d’ailleurs l’appareil qu’on utilise, l’ATP 38, a pris son nom là-dessus, c’est un activateur de l’ATP. Donc c’est à la fois surprenant par, je dirais l’ampleur des résultats, mais en même temps logique, vu la physiopathologie et vu la physiologie même de notre corps.

Caroline : Et dans notre environnement naturel, cette lumière on la retrouve en fait grâce au soleil ?

René Jean : Voilà. Le soleil, on sait tous que ça fait du bien…

Caroline : Mais ça fait aussi du mal.

René Jean :… ça fait aussi du mal par l’excès, donc on est exactement dans le même truc, c’est, pas d’excès.

Caroline : A la différence qu’il n’y a pas d’ultra-violets sur…

René Jean : On est dans l’infrarouge donc il n’y a pas ces effets d’ultra-violet qui est nocif lui à toute dose, ça c’est sûr. Là on est dans un autre type de longueur d’onde, donc il faut… vous savez que l’ultra-violet c’est avant le visible et l’infrarouge, c’est après visible, là vous voyez, c’est ni la partie visible et invisible du côté infrarouge qui est efficace, et pas du tout l’ultra-violet qui est de l’autre côté de l’échelle. Voilà, la lumière solaire, elle est… c’est vrai qu’elle est… nos anciens savaient tous que ça faisait du bien quelque part, donc il faut bien l’utiliser, il faut la moduler comme il faut. Et la photobiomodulation vient de ce terme aussi, ce n’est pas une guérison, c’est une modulation. Modulation, ça veut dire que, il y a certains effets qui vont être augmentés, d’autres diminués, mais il faut toujours chercher à ce que cette augmentation et cette diminution soit dans le bon sens ; on diminue la douleur, on augmente la prolifération, on diminue l’inflammation, et cetera. Une modulation des effets biologiques par le rayonnement lumineux.

Caroline : Et pourquoi vous y êtes intéressé ? Comment ça vous est venu ?

René Jean : Moi je suis avant tout un radiothérapeute, et dans les années 80, j’étais jeune interne de radiothérapie, voilà j’avais tout juste vingt ans, et on traitait avec des protocoles très très lourds, mais qui ont transformés le pronostic. J’ai fait une grande partie de ma carrière sur ces travaux de rayons à haute dose associés à de la chimiothérapie à haute dose, qui faisaient que des cancers très avancés ORL, étaient passés de moins de 15 % de survie il y a trois ans à plus de 70 %. Et j’ai fait des essais de phase deux, phase trois qui auraient fait à l’époque pas mal de bruit, mais qui étaient considérés à l’époque comme très agressifs, et qui finalement malheureusement ensuite étaient adoucis avec de moins bons résultats, mais moins de toxicité. Et aujourd’hui on y revient parce que d’une part, on a des radiothérapies beaucoup plus ciblées qui font qu’on peut donner de fortes doses avec moins d’effets secondaires, et que aussi on a toute cette prise en charge globale qui permet de mieux passer. Donc à l’époque on faisait déjà nutrition, laser, et cetera, mais on était peu à pouvoir le faire et finalement ces protocoles agressifs ne passaient que grâce à tout ça. Donc, j’y suis venu par ce biais ; cancers ORL avancés, comment les guérir malgré les effets secondaires des traitements, les rayons à l’époque qui n’étaient pas… pas ceux d’aujourd’hui du tout, on est passé d’un siècle, ça n’a rien à voir, on pourrait y passer des heures, c’est extrêmement… c’est extraordinaire ce que les rayons font aujourd’hui. Et pour faire passer la mayonnaise en gros, il fallait ces soins complémentaires, donc j’ai travaillé sur les deux en même temps.

Caroline : D’accord.

René Jean : Et finalement dans les années… enfin, le côté ORL a prédominé je dirais, dans mes travaux pendant quinze ans. Et puis aujourd’hui c’est plus le versant effets secondaires parce que, aujourd’hui en radiothérapie, il y a un tel progrès que, c’est devenu la routine tout ça. Mais dans ce domaine-là des soins complémentaires, il y a encore beaucoup de choses à faire, comme on vient de le dire. Et voilà, c’est tout ça. Mais ça porte ses fruits puisque vous voyez, des centres de soins complémentaires s’ouvrent, les autorités mettent maintenant la priorité sur ces soins de support, enfin ; avec enfin une compréhension du terme. Pendant longtemps, on nous a mis dans le palliatif.

Caroline : Et est-ce que vous pensez que, à terme, ce sera des soins qui seront dispensés, je ne sais pas, de manière peut être régulière auprès de…

René Jean : Je pense. Là aujourd’hui, il y a déjà plus de la moitié des services de radiothérapie en France qui sont équipés. C’est énorme, en peu de temps, parce que, ils ont eu des financements, parce que, les résultats sont là, et cetera donc, quand… alors qu’il y a cinq ans, il y en avait moins de 5 %. Donc là il y a d’un coup un engouement important. Ce qu’il faut plus c’est une logistique, c’est-à-dire que les… qu’on ait du personnel pour ça, aujourd’hui la limite ce n’est pas les machines qui ne sont pas chères par rapport à nos machines classiques de rayons, mais c’est le personnel pour les utiliser, infirmiers, manipulatrices ou médecins, dentistes ou autres. Et puis du temps pour ça. Nous, tous ceux qui viennent dans nos services pour des stages, ce qu’ils viennent surtout regarder, c’est comment on organise les choses ; ce n’est surtout pas d’avoir une machine dans une armoire, c’est d’organiser un service comme une machine de radiothérapie, avec un planning, la même chose, enfin, de façon très carré, et comme ça voilà, avec du personnel dédié qui va… et là, effectivement, on a quelque chose d’efficace. Un grand centre comme Gustave Roussy, aujourd’hui ils ne sont pas encore passés à cette phase de routine. Donc ce sont encore dans chaque service les médecins qui font la photobiomodulation, ils le font de façon limitée, sur quelques patients, et pas sur des essais en plus parce que, ils n’ont pas encore acquis la possibilité de le faire en routine malgré le remboursement qui est actuellement, est accepté par les autorités, même s’il n’est pas accepté de façon nominale, c’est par assimilation, mais on n’a aujourd’hui aucun problème de remboursement des séances de photobiomodulation pour les patients atteints de cancer.

Caroline : Super.

René Jean : Voilà.

Caroline : Merci beaucoup. Je vous remercie pour cet éclairage.

René Jean : Avec plaisir ! A bientôt ! Bonne continuation !

Caroline : Merci !

René Jean : Au revoir !